Doctorant à l’UNIL, Jérôme Gapany a mené une démarche anthropologique autour des mutations urbaines et de la mobilité dans une grande ville du sud-est de la Chine. L’une des images prise sur place lui a valu une distinction lors d’un concours de photographies scientifiques organisé par le FNS.

Sur une piste de sport du campus de l’Université de Xiamen (sur la côte sud-est de la Chine), une femme se promène seule, à l’ombre de son parapluie. «Je suis resté un moment, installé à cet endroit, afin d’observer les gens vivre dans leur quotidien», explique Jérôme Gapany, doctorant FNS au Laboratoire d’Anthropologie Culturelle et Sociale (Faculté des sciences sociales et politiques). Ce moment de solitude urbaine, en plein soleil, a été distingué par une mention du jury dans la catégorie «L’objet d’étude», au Concours FNS d’images scientifiques 2020.
À l’occasion d’un «terrain» anthropologique d’une durée de 16 mois, Jérôme Gapany a exploré la ville de Fuzhou, capitale administrative de la province du Fujian, située à une centaine de kilomètres au nord de Xiamen. La mégapole, qui compte près de 9 millions d’habitants à l’échelle de la préfecture, possède un statut économique particulier. Celui-ci lui permet une ouverture vers l’étranger. Cela lui vaut un développement important et une urbanisation rapide.
«Comment la population vit-elle ces changements ? Comment la mobilité a-t-elle changé et quelles sont les nouvelles pratiques ? Quelles sont les politiques publiques ? Que reste-t-il de la culture traditionnelle ?» Ou, pour en revenir à la photo, comment les gens font-ils pour échapper à la foule ? C’est avec une myriade de questions que Jérôme Gapany s’est lancé dans les rues de Fuzhou. Sa démarche anthropologique comprenait notamment de l’observation et des rencontres avec des habitants, dans le cadre privé ou professionnel. «J’ai également réalisé des interviews mobiles. Je faisais un bout de chemin avec une personne, dans un lieu important pour elle, dans le but de la faire parler de l’environnement urbain.»
Le chercheur s’est également «frotté à l’administration, afin d’obtenir les autorisations nécessaires. Ma région d’études est proche de Taïwan, où j’ai d’ailleurs passé du temps dans le cadre de mon master en études asiatiques à l’Université de Genève. Il s’agit donc d’un lieu sensible.» Un doctorant suisse en immersion, dans une ville qui compte encore relativement peu d’étrangers, attire enfin davantage l’attention qu’à Shanghai.
L’un des intérêts de la région de Fuzhou réside dans le nombre de ses dialectes. Adolescent déjà, Jérôme Gapany a suivi des cours de mandarin au Collège du Sud à Bulle. Il a persévéré en autodidacte, parallèlement à ses études. Aujourd’hui confiné dans un calme helvétique qui contraste avec l’agitation de la cité chinoise, il travaille à la rédaction de sa thèse grâce à ses notes, ses photographies et aux entretiens réalisés sur place.
Comment dit-on « anthropologie » en chinois ?
Jérôme Gapany a dû régulièrement expliquer sa démarche, que ce soit aux autorités ou aux personnes rencontrées. En guise de leçon n°1, voici le nom de sa discipline, l’anthropologie.
Dans sa version en caractères simplifiés (le chinois utilisé officiellement à l’écrit en Chine continentale et à Singapour), cela s’écrit 人类学.
En caractères traditionnels (utilisés notamment à Taïwan, Hong Kong ou Macao) : 人類學
Le caractère 人 désigne l’ être humain ; 类 se rapporte à l’espèce, la classification, ou l’attribut et 学 signifie l’étude, apprendre ou encore la science. Littéralement, l’étude du genre humain.
Sa prononciation phonétique, selon la méthode de romanisation dite du pinyin est la suivante : rén lèi xué. Le «r» se prononce à mi-chemin en un «r» et un «j» ; le «é» comme le son «et» dans le mot « jouet », et le «x» comme le son «ch», dans le mot «chut».
Pour en savoir plus
Résumé de la thèse de Jérôme Gapany
La thèse de Jérôme Gapany s’inscrit dans le cadre du projet «Bien(s) public(s) dans la Chine en voie d’urbanisation», soutenu par le FNS. Il est mené par Anne-Christine Trémon, maître d’enseignement et de recherche au Laboratoire d’Anthropologie Culturelle et Sociale. Son équipe compte également deux postdoctorants, qui ont eux aussi mené un travail anthropologique en Chine. Davantage d’informations à ce sujet.