Le secrétaire général Marc de Perrot pilote le chantier dédié à la continuité institutionnelle au sein de la « Coronacell », la cellule créée par la Direction pour coordonner la gestion de l’épidémie et anticiper une rentrée de septembre marquée par de fortes incertitudes. Interview.
Comme la quasi-totalité de la communauté universitaire, vous travaillez depuis la maison. Comment vivez-vous la situation ?
J’ai la chance de pouvoir accéder à tout ce dont j’ai besoin pour être opérationnel. Mais à l’image de toutes et tous, mon quotidien a changé. Je cumule par exemple une participation de trois à cinq heures de visioconférences par jour, en sus de séances téléphoniques à deux ou trois participants. Je réalise que ce mode de fonctionnement demande une attention décuplée par rapport aux réunions en présence et que c’est assez éreintant ! Sans parler du fait que quand on aime les gens, on préfère les rencontrer dans un mode présentiel qui facilite tous les petits plus qui font la qualité d’une relation, même professionnelle.
Quel est votre rôle dans le cadre de cette crise ?
Celui d’un secrétaire général : mettre de l’huile dans les rouages. En l’occurrence ceux d’un nouveau fonctionnement qu’il s’est tout d’abord agi de mettre en place, puis qu’il a fallu consolider. Je m’emploie à faciliter les interactions entre les unités de l’UNIL pour qu’elles puissent réaliser leurs tâches de manière coordonnée, notamment grâce à des dispositifs organisationnels et des lignes de communication qui fonctionnent bien. Depuis janvier, nous avons constitué un groupe de personnes pour suivre de près la situation. Début mars, nous avons réuni les chefs de service pour leur demander d’élaborer leurs plans de crise et de continuité. Puis notre groupe a été constitué en cellule de conduite, que nous avons appelée « Coronacell ». Elle réunit les Vice-recteurs Zanetti et Frund, ainsi que les chefs d’UNISEP, du Centre informatique, du Centre de soutien à l’enseignement, du SRH (ressources humaines), et d’Unicom, avec le soutien de quelques adjoints, et répond directement à la Direction pour coordonner la gestion de la pandémie à l’UNIL. Ce dispositif est l’activation du plan de gestion de crise mis au point et continuellement tenu à jour par UNISEP pour que l’UNIL soit prête à répondre en tout temps à des situations exceptionnelles. Ceci a facilité la fermeture du campus ordonnée par le Canton le 13 mars, et surtout la capacité de l’UNIL à fonctionner très rapidement dans ces conditions hors normes.
Quel est le fonctionnement de la « Coronacell » depuis le 13 mars ?
La cellule se réunit tous les jours (à distance, bien sûr) pour assurer le fonctionnement de l’Université. Elle travaille également à anticiper autant que possible les évolutions d’une situation volatile. Son action doit bien sûr s’inscrire dans le cadre de décisions plus globales prises par d’autres. Par nos autorités politiques pour ce qui est des mesures sanitaires, mais aussi, si l’on pense à la recherche, par les agences de financement en Suisse et en Europe. De plus, même en temps de crise et indépendamment de la « Coronacell », la Direction continue de se réunir, de prendre des décisions et de travailler à la concrétisation de ses objectifs stratégiques. Je continue donc aussi à assumer mon rôle habituel de soutien aux travaux de la Direction de l’UNIL.
Comment avez-vous géré cette transition ?
Dans l’immédiat, à la mi-mars, deux objectifs ont été affirmés par la Direction : préserver l’enseignement et la validation du semestre d’études, et assurer le fonctionnement de l’UNIL … à commencer par le paiement des salaires à la fin du mois ! Des activités qui dépendent de nombreux services transverses, comme le Centre informatique, le Service financier et le Service des ressources humaines, ou encore le Centre de soutien à l’enseignement. Il a donc fallu s’organiser de manière à maintenir ces prestations essentielles ainsi que le contact avec la communauté. Un simple exemple, qui semble une évidence mais qui demande une organisation : faire qu’il y ait quelqu’un pour répondre aux numéros de téléphone principaux de l’UNIL … et qui ait les informations suffisantes pour orienter les personnes qui appellent ! Un autre besoin qui s’est fait sentir rapidement est de simplifier et de renforcer l’attribution d’aides pratiques, notamment financières, aux étudiantes et étudiants.

Et quelles mesures ont été prises pour assurer cette réorganisation ?
Nous avons demandé aux facultés et aux services de remplir un canevas leur permettant d’élaborer leur « plan de continuité des activités » : il s’agit de déterminer ce que sont les activités qui doivent être absolument maintenues dans chaque service, et dans le cas d’une pandémie, de s’assurer que si une partie importante des collaboratrices et collaborateurs étaient frappées par le virus, il y ait toujours quelqu’un pour prendre le relais. A cela s’est ajouté un gros effort de communication pour assurer que chacun des 20 000 membres de la communauté de l’UNIL reçoive en temps voulu et en fonction de son statut à l’UNIL toute l’information dont il ou elle a besoin pour faire face au bouleversement, en connaissance de cause. La « Coronacell » anime les cinq chantiers suivants : Enseignement, Informatique, Gestion du campus, Communication, Continuité des activités et ressources humaines.
Aujourd’hui, quels sont les travaux qui vous occupent ?
Depuis la mi-mars, nous avons évolué vers une seconde situation : après avoir absorbé le choc du basculement en mode à distance et constaté que le confinement a permis d’éviter une explosion d’absentéisme pour cause de contamination, les unités de l’UNIL reviennent à un fonctionnement qui est plus proche de leur fonctionnement habituel, bien qu’en conditions hors normes : nous avons donc demandé aux unités de penser, sur la base d’un nouveau canevas, leur plan de « continuité longue », c’est à dire la façon dont leurs missions peuvent être réalisées à distance pour remplir – autant que faire se peut dans les circonstances actuelles et à venir – les objectifs 2020.
Comment voyez-vous la suite ?
Le Conseil fédéral a annoncé jeudi dernier un assouplissement progressif des mesures de protection, en posant trois étapes prudentes. Ceci va permettre à l’UNIL d’organiser une reprise, également progressive et prudente, des activités de recherche qui ont dû être gelées parce qu’elles nécessitaient le recours à des structures sur le campus. Cependant, l’incertitude est toujours là. Car le passage d’une étape à l’autre n’aura lieu que s’il n’y a pas d’augmentation significative des cas de COVID-19 et que si les différentes étapes sont suffisamment espacées pour observer les effets des mesures d’assouplissement. À l’UNIL, nous devons mettre en œuvre tout ce que nous pouvons, pour réaliser nos objectifs, en ayant conscience que de toute façon, nous ne pourrons pas tout faire. Nous devrons planifier notre travail sur le long terme, en étant conscients qu’il n’est pas garanti que nous pourrons le réaliser entièrement. Cela demandera de la réactivité et de la flexibilité, peut-être parfois la capacité de faire un pas en arrière.
À l’UNIL, un retour à la normale serait-il envisageable en septembre, si les conditions sanitaires le permettent ?
Un retour à 100 % à la normale ne sera pas réalisable avant longtemps, probablement. Il se peut que COVID-19 nous réserve encore quelques surprises. Et même à supposer que tout revenait dans l’ordre pour la rentrée de septembre, nous ne pourrions probablement pas « caler » sur les derniers mois de l’année tout ce que le confinement nous aurait empêché de réaliser selon la planification pendant le premier semestre. Par exemple, nous aurons très certainement à renoncer à certains événements ou projets actuellement reportés, ou à les organiser différemment. Nous avons aujourd’hui acquis l’expérience du fonctionnement à distance, pour l’enseignement et les activités académiques et pour celles de gestion. Certes pas la panacée universelle, mais des méthodes à utiliser pour réinventer des manières de faire plus hybrides, qui tiennent compte de l’incertitude annoncée. Notre travail est d’anticiper au mieux les contraintes auxquelles nous pourrions être soumis, d’une ampleur qui pourrait varier encore passablement et de manière un peu aléatoire, et d’assurer la meilleure réactivité possible en temps voulu. L’UNIL a fait preuve d’une grande capacité d’adaptation depuis le 13 mars. Il nous faut continuer de travailler dans cette perspective !