
Chère professeure, chère doyenne, comment allez-vous?
Marie Santiago Delefosse: Je vais plutôt bien étant donné les circonstances. Grâce aux enseignants et enseignantes, aux administratifs, aux étudiants et aux étudiantes, la Faculté fonctionne, les enseignements ont lieu, et chacun fait de son mieux pour que l’impact de la crise soit atténué. En revanche, je connais la charge mentale qu’impliquent ces adaptations, et je ne sous-estime pas le poids qu’elles font peser sur nous toutes et tous. Donc, je me sens plutôt bien, mais je reste attentive au bien-être de celles et ceux qui travaillent à flux tendu pour permettre que tout fonctionne.
Quelles ont été et sont les urgences pour votre faculté ?
L’urgence première a consisté à mettre en ligne les cours. Il a fallu informer et soutenir les enseignant·e·s dans leur adaptation à de nouvelles méthodes pédagogiques. Tout le monde s’y est mis et notre réactivité, ainsi que la créativité de toutes et tous m’ont surprises en bien. Notre prochain défi, depuis déjà plusieurs semaines, reste la bonne tenue des examens pour que cette année ne soit pas considérée comme perdue, mais bien une année d’apprentissages théoriques, et aussi pratiques. L’enseignement reste donc la mission première de notre Faculté, et le temps exigé par ces ajustements a conduit à diminuer certaines activités de recherche. Cependant, cette mise entre parenthèses, bien que nécessaire, reste temporaire. Nécessaire, car avec de telles adaptations dans un temps aussi court, on ne peut tout faire et il faut savoir préserver sa santé physique et mentale. Temporaire, car toute la Faculté est interpellée par les enjeux sociaux, politiques et psychologiques de la pandémie et les bouleversements qu’elle implique, à l’échelle de l’UNIL, certes, mais aussi en Suisse et dans le monde entier. En effet, pour faire face et tirer les enseignements de telles crises, il y aura besoin de compétences analytiques des sciences sociales et politiques et cela aura des conséquences sur les recherches et interventions futures de l’ensemble des chercheurs de la Faculté.
Pressentez-vous déjà la fin du confinement, dans quelles conditions ou du moins quel état d’esprit aimeriez-vous que nous l’abordions ?
D’expérience, je connais les erreurs des « prévisionnistes » en tout genre, je m’abstiens donc de tout exercice de « futurologie ». En tant que psychologue de la santé, il me semblerait difficile et potentiellement dangereux d’ignorer ce qui vient de se passer. Refouler la réalité est un mécanisme psychologique qui ne permet jamais d’avancer et de dépasser les difficultés vécues. Il ne faudra pas sous-estimer les effets de sidération et les traumatismes causés par le confinement, l’anxiété et l’incertitude du lendemain. Il faudrait penser à celles et ceux qui ont le plus souffert et analyser les mécanismes sociaux et politiques qui ont conduit à cette crise et à sa gestion publique et individuelle. C’est aussi le travail des chercheurs et chercheuses de nos disciplines en SSP. S’il faut parler d’un état d’esprit général pour l’après-crise et que j’aimerais promouvoir, ce serait de se souvenir de l’importance de la solidarité, du bien fondamental qu’est le souci de l’autre et de l’engagement pour maintenir le lien social.