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Donner à voir la géodiversité de la région grenobloise et dépasser le clivage ville / montagne à travers le prisme du paysage et de ses représentations

Make the geodiversity of the Grenoble region visible and overcome the urban / mountain divide through the prism of landscape and its representations
Inès Hubert, Emmanuel Reynard et Nathalie Carcaud
p. 233-252

Résumés

Il est d’usage de considérer que la géodiversité et le paysage sont moins attractifs en ville qu’en montagne. Dans les villes dites alpines se cristallisent des mythes autour de ces deux figures que l’on pense antagonistes, alors qu’elles sont témoins d’une géohistoire commune. Ces villes se sont construites malgré la contrainte du relief et grâce aux ressources environnantes. Grenoble, auto-proclamée ville alpine, a exploité la force hydraulique des torrents et rivières, et les roches et alluvions comme matériaux de construction. Elle a construit son image grâce aux mythes enveloppant les montagnes, notamment dans des photographies de promotion à l’occasion des Jeux Olympiques d’hiver de 1968. Afin de mieux saisir la géodiversité, ses perceptions et ses représentations dans les territoires de la région grenobloise, nous différencions ici la « géodiversité effective », appréhendée par la cartographie des différents éléments (géologiques, géomorphologiques, hydrologiques, pédologiques) la constituant, et la « géodiversité perçue » dans le corpus de ces photographies. Suite au relevé des éléments de géodiversité sur le corpus d’images et leur confrontation avec les données effectives, les résultats de l’étude montrent que (i) la géodiversité effective est d’une grande richesse alors que la géodiversité perçue se limite à ses composantes géomorphologiques de plaine alluviale et de versants montagneux ; (ii) la géodiversité n’est quasiment pas représentée en ville ; (iii) les espaces entre la ville et les montagnes sont quasiment absents des représentations. En effet, les images montrent l’urbanité de la ville-centre au premier plan et les versants montagneux à l’arrière-plan en effaçant les territoires de l’« entre-deux ». Pour revaloriser la géodiversité de l’espace grenoblois dans son ensemble, en dépassant ces clivages entre ville et montagne et en développant une identité de cet « entre-deux », nous proposons un protocole de mise en image par transects des éléments qui la constituent.

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Notes de la rédaction

Article soumis le 5 juin 2019, reçu sous sa forme révisée le 2 octobre 2019, définitivement accepté le 18 novembre 2019.

Texte intégral

Nous tenons à remercier vivement les deux relecteurs, dont les commentaires avisés ont permis d’améliorer substantiellement la qualité de cet article. Nos chaleureux remerciements vont aussi aux deux éditeurs de ce volume thématique – François Bétard et Claire Portal – pour le suivi minutieux du processus d’édition et leurs multiples remarques constructives. Nous adressons un merci particulier à François Bétard pour son aide dans l’édition des figures, et remercions Léa Paly pour la mise en forme de la figure 4 et Charline Corubolo, pour la mise à disposition des photographies de la figure 12. Cette recherche a bénéficié du soutien financier de la Caisse des Dépôts, de la Métropole de Grenoble, de la Ville de Grenoble et de CIPRA France que nous remercions.

1. Introduction

1Les villes de vallée au cœur des montagnes sont par essence pleines de contrastes, notamment en termes de géodiversité, qui est importante dans ces territoires à l’histoire géologique et géomorphologique complexe. Pourtant, dans l’imaginaire collectif, la géodiversité – définie comme la variabilité du monde abiotique dans ses composantes géologiques, hydrologiques, pédologiques, géomorphologiques et les processus qui les génèrent (Gray, 2013) et qui constitue une composante essentielle de la nature, au même titre que la biodiversité (Brilha et al., 2018), ainsi que la diversité paysagère qui en découle, seraient moins attractives en ville qu’en montagne (Reynard et al., 2017 ; Zwoliński et al., 2017). Cette dernière recèlerait une nature abiotique exceptionnelle et remarquable, ayant fait l’objet d’observations scientifiques dès la fin du XVIIIe siècle, au détriment de celle que l’on trouve ailleurs. Or l’ailleurs, c’est souvent la plaine où s’est implantée la ville. On y voit donc un premier clivage entre la « ville » et la « montagne », quand bien même elles font partie du même système et que les mêmes processus géologiques ont façonné leurs sous-sols, leurs reliefs et leurs paysages si diversifiés.

2Au concept de géographie physique de la montagne fondé sur la pente et la dénivellation – qui ne fait lui-même pas consensus au sein de la communauté – se mêle un ensemble de symboles et d’idéologie (Bras et al., 1984). La contrainte physique constitutive du milieu montagnard fait de lui un espace en marge, voire un sanctuaire. Les mythes hygiénistes ou prométhéens prolifèrent. La montagne s’opposerait à la ville par le calme, la solitude et la contemplation qu’elle offre, ainsi que les possibilités de dépasser ses limites physiques et mentales (Vanier, 2005). La stabilité est également parfois associée à la montagne, contrairement à la ville qui serait en ébullition. Tout ceci participe au second clivage entre la « ville » et la « montagne ».

3Pourtant, la ville dans la vallée au cœur des montagnes, depuis la fin du Moyen-Âge, a une histoire étroite avec les massifs environnants. Elle s’est construite malgré et grâce à eux. De même que la montagne n’existe pas sans les vallées périphériques, la ville dans la vallée n’existe pas sans les ressources naturelles, les risques (i.e. glissements de terrain, avalanches) ni les mythes enveloppant les montagnes environnantes.

4Le couple ville-montagne semble identifié, qualifié et support d’imaginaires évidents. Quant aux espaces associés ni à la ville ni à la montagne, localisés « entre les deux », ils sont dotés de qualificatifs empruntés à ceux-ci : (péri)urbain, rural, rurbain, plaine, pente, ou décrits par la négative. Nos arpentages de la région grenobloise ont montré que les réalités géographiques et paysagères sont bien plus étoffées. La pente est un élément constitutif de ces espaces ; qu’elle soit une contrainte ou un potentiel, elle influence souvent les usages du sol, mais on s’en affranchit parfois artificiellement ou politiquement.

5Ces espaces ne sont pas seulement traversés pour gagner la ville ou les montagnes. Ils sont vécus, exploités, parcourus, visités, donc potentiellement l’objet d’intérêts divergents. À défaut d’imaginaires sociaux construits, on projette des vertus sur cet « entre-deux » (la promesse d’une vue sur le « grand » paysage, l’accession à la propriété, au jardin, à l’abri des nuisances de la ville, une vie de village, de voisinage, la possibilité d’expérimenter un mode de vie alternatif, une alimentation locale) ou des maux (pavillonnaire banal, champs en sursis, entrepôts à perte de vue, désert médical, tout-voiture). Le changement climatique accroît leur fréquentation, qu’il s’agisse d’une installation pérenne dans des communes « au frais » autour de Grenoble ou d’échappées vers la Chartreuse et le Vercors.

6En outre, les représentations mentales et photographiques – notamment promotionnelles – des villes proches des montagnes se sont construites sur la juxtaposition réductrice de ces deux environnements (Debarbieux, 1999). Elles les font coexister dans le même champ visuel, tendent à écraser la distance qui les sépare, et effacent alors un potentiel « entre-deux ». Les territoires et les situations entre « ville » et « montagne » sont rarement représentés.

7Accorder de l’attention à ces « entre-deux » remet en question la construction binaire de la relation ville-montagne (Vanier, 2003) et plus encore celle d’un modèle de la région grenobloise en anneaux concentriques allant de l’urbain au rural/montagnard, « dans la mesure où désormais se juxtaposent et s’entremêlent des espaces multiformes formant une marqueterie territoriale » (Bonerandi et al., 2003). De fait, l’« entre-deux » n’est ni l’hybridation d’identités « urbaines » et « rurales montagnardes », ni un espace vide. Donner à voir cet « espace labile » (Debarbieux et Vanier, 2002) et ses richesses, est l’occasion d’anéantir la vision figée des paysages.

8Les Alpes sont le lieu d’un considérable travail scientifique de terrain qui les a fait accéder au statut de modèle. Celui-ci est conforté par des récits et représentations picturales à partir de la fin du XVIIe siècle, dont les plus célèbres sont ceux de H.-B. de Saussure (Voyages dans les Alpes, 1779-1796) et J.-J. Rousseau (La Nouvelle Héloïse, 1761 et sa correspondance) un siècle plus tard (Raffestin, 1989). F. Walter (2005) précise que « le XVIIIe siècle assure l’épanouissement d’un courant émotionnel capable de convertir la nature en spectacle. Les Alpes sont le terrain d’élection d’une perception contemplative qui en fait le modèle de la belle nature. Au-delà de l’esthétisation picturale et littéraire des paysages alpins de montagne (Reichler, 2002), les Alpes seront parfois investies idéologiquement et promues comme paysage identitaire (Walter, 2004, 2005). Des villes enserrées de massifs alpins s’autoproclament d’ailleurs villes alpines (Fourny, 2001). Grenoble, plus grande ville des Alpes transfrontalières, le brandit comme un étendard (Veitl, 2001). B. Debarbieux (1999) porte l’attention sur le fait que « cette importance croissante accordée au traitement du paysage s’accompagne d’un changement de statut de la montagne dans la représentation que les élites grenobloises tendent à donner de leur ville : dans la première moitié du XXe siècle, […] la montagne est présentée comme étant la source du destin remarquable de la ville. À partir des années 1960, elle tend à devenir un faire-valoir paysager, un écrin, et perd ainsi le rôle historique, quasi-génétique qu’on lui attribuait plus tôt ». De telles images ne mettent-elles pas de côté des composantes de la ville alpine, et avec elles ses habitants et les enjeux liés à ces espaces (Chamussy, 2011) ? La géodiversité, composante essentielle des paysages de la région grenobloise, n’encourt-elle pas le risque d’être niée en ville, méconnue dans l’« entre-deux » et sacralisée en montagne ?

9Dans ce travail, nous cherchons à mieux connaître et donner à voir les paysages de la région grenobloise et leur géodiversité dans toutes leurs facettes. Nous proposons dans un premier temps d’étudier la cartographie des différents éléments (géologiques, géomorphologiques, pédologiques, hydrologiques) formant la géodiversité « effective » dans la région. Nous cherchons dans un second temps à repérer dans quelle mesure cette géodiversité est « représentée », valorisée dans les images du territoire, ce notamment par le biais des photographies, supports privilégiés depuis le début du XXe siècle.

10Grenoble ayant forgé l’un de ses récits fondateurs à l’occasion des Jeux Olympiques d’hiver qui s’y sont tenus en 1968, ce à grand renfort de photographies de la ville alpine, nous étudierons cette représentation de la géodiversité à travers un corpus de 38 cartes postales éditées pour l’occasion. Nous compléterons toutefois cette analyse par l’observation de cartes postales du début du XXe siècle et d’images actuelles. Précisément, nous chercherons ici à questionner (i) la place respective des différents éléments de géodiversité dans les images du territoire et (ii) les causes et conséquences de cette mise en image sélective. Forts des enseignements issus de cette analyse, nous proposerons un protocole de mise en valeur par transects afin de valoriser de façon plus exhaustive la géodiversité de l’ensemble de la région.

2. Hypothèses

11Nous faisons pour première hypothèse que les éléments –géologiques, géomorphologiques, hydrologiques, pédologiques– composant la géodiversité (Gray, 2013 ; Pereira et al., 2013 ; Serrano et Ruiz-Flaño, 2013 ; Bétard et Peulvast, 2019) sont d’une grande richesse dans la région grenobloise. Notre deuxième hypothèse est que la géomorphologie des reliefs montagneux, très prégnante dans ces territoires, est le principal élément de géodiversité reconnu et représenté auprès du grand public dans les photographies de promotion touristique, constat qui a déjà été fait en ce qui concerne les travaux de quantification de la géodiversité (Zwoliński et al., 2018), où ce sont les paramètres géomorphologiques et morphométriques qui dominent (voir par ex. Serrano and Ruiz-Flaño 2007 ; Benito-Calvo et al. 2009 ; Hjort and Luoto 2010). En oubliant d’autres éléments de géodiversité que l’on retrouve également en vallée et en ville mais qui sont peu représentés, on alimente un imaginaire restrictif de la montagne qui peut lui porter préjudice. Notre troisième hypothèse est que les composants de la géodiversité sont inégalement perçus et valorisés selon qu’ils se trouvent en montagne, dans l’espace de transition entre la montagne et le centre urbain, ou dans le cœur de ville. En effet, ils sont peu représentés en ville, ce qui participe à la construction d’un imaginaire de la ville en négatif de la montagne idéalisée. De même, ils sont sous-représentés dans l’espace de transition entre la montagne et la ville bien que ces territoires représentent la majorité de l’agglomération grenobloise et offrent des situations géologiques, géomorphologiques, hydrologiques et pédologiques riches en contrastes et en diversités.

3. Méthodologie

12Nous choisissons le site de Grenoble et ses alentours comme objet d’étude du contraste entre la « géodiversité effective » et la « géodiversité perçue » et des relations qui se tissent à cet égard entre ville et montagne. Nous nous intéressons pour cela aux paysages tels que promus par la ville et les acteurs du tourisme, révélateurs de perceptions du binôme ville-montagne. L’approche a suivi trois étapes :

13• Nous avons d’abord effectué une analyse de la littérature et de documents cartographiques issus d’études géologiques, géomorphologiques, pédologiques et hydrologiques, afin de caractériser de manière qualitative la « géodiversité effective ».
• Puis nous avons réalisé une analyse de 38 photographies utilisées pour la promotion de la ville à l’occasion des Jeux Olympiques d’hiver de 1968 afin d’analyser la « géodiversité perçue » culturellement. Le corpus est formé d’images produites par des maisons d’édition de cartes postales.
• Nous proposons enfin le protocole d’une expérimentation permettant de donner à voir autrement la géodiversité des paysages de la ville, de l’entre-ville et montagne et de la montagne. À l’encontre d’une pensée fonctionnaliste (Brilha et al., 2018), nous ne cherchons pas à circonscrire ces catégories spatiales mais à saisir des facettes, des identités, des situations, des configurations territoriales à travers la quête d’éléments de nature abiotique. Cette quête s’effectue le long de transects, par des participants aux sensibilités et regards pluriels.

4. Géodiversité des paysages grenoblois : la prédominance de la géomorphologie

4.1. La région grenobloise : éléments de contexte

14Grenoble se positionne comme une porte d’entrée occidentale des Alpes. Le système des vallées de l’Isère et du Drac convergentes en Y forme à leur confluence la « cuvette » de Grenoble d’altitude voisine de 215 m (fig. 1). Ce système de vallées s’inscrit dans le Sillon alpin, vaste dépression taillée entre les Préalpes calcaires et le socle cristallin des Massifs centraux lors des épisodes glaciaires quaternaires. Les vallées et les massifs subalpins qui encadrent Grenoble à plus de 2000 m comptent autant de motifs variés, crêtes et dépressions, offrant une diversité de paysages importante. Les enceintes de la cité établies entre les IVe et XIXe siècles et la limite d’urbanisation visible depuis une vue aérienne de 2015 (fig. 2), montrent que l’agglomération atteint maintenant les versants, partiellement masqués à la vue par les constructions malgré leur proximité.

Fig. 1 – Localisation de la région d’étude.
Fig. 1 – Location of the study area.

Fig. 1 – Localisation de la région d’étude.   Fig. 1 – Location of the study area.

Source : Géoportail. © Inès Hubert.

Fig. 2 – Emprises des principaux types d’espace de l’agglomération grenobloise et mise en évidence de l’extension des enceintes de la ville du IVe siècle à 2015.
Fig. 2 – The urban area of Grenoble between the fourth century and 2015.

Fig. 2 – Emprises des principaux types d’espace de l’agglomération grenobloise et mise en évidence de l’extension des enceintes de la ville du IVe siècle à 2015.   Fig. 2 – The urban area of Grenoble between the fourth century and 2015.

A : Carte de l’occupation du sol, Métropole grenobloise, 2005. Enceintes du IVe siècle à 1880 (Astrade et al., 2019). 1. Emprise des logements ; 2. Emprise des infrastructures non vouées à l’habitat ; 3. Emprise agricole ; 4. Emprise des espaces boisés ; 5. Emprise des affleurements principalement rocheux ; 6. Cours d’eau ; 7. Enceintes successives de la ville du IVe siècle à 1880 ; 8. Localisation des cartes postales de la fig. 8. Source : © SPOT image 2005 – BD Carto IGN 1992, AURG ; B : Photographie aérienne, Métropole grenobloise, 12/08/2015.
A: Map of land occupation, Grenoble metropolis, 2005. City walls from the fourth century to 1880 (Astrade et al., 2019). 1. Housing extent; 2. Infrastructures not dedicated to housing; 3. Agricultural areas; 4. Forests and wooded areas; 5. Rocky outcrops; 6. Rivers; 7. Successive enclosures of the city from the 4th century to 1880; 8. Location of the postcards represented on fig. 8. Source : © SPOT image 2005 – BD Carto IGN 1992, AURG; B: Air photo, Grenoble Metropolis, 12/08/2015.

15Les massifs subalpins calcaires, la Chartreuse au nord et le Vercors à l’ouest, encadrent la cuvette de grandioses murailles rocheuses. La vallée amont de l’Isère au nord-est de Grenoble, nommée vallée du Grésivaudan, est un vaste couloir à fond plat entre le massif cristallin de Belledonne sur la rive gauche au sud-est et la Chartreuse bordant la rive droite au nord-ouest. Du côté de la Chartreuse, l’érosion différentielle a engendré une corniche à mi-hauteur sous les spectaculaires synclinaux perchés : le Plateau des Petites Roches qui surplombe la vallée du Grésivaudan (fig. 3).

Fig. 3 – Photographies du et depuis le Plateau des Petites Roches, témoins de la géodiversité de la région grenobloise.
Fig. 3 – Photographs of and from the Plateau des Petites Roches, evidence of the geodiversity of the Grenoble region.

Fig. 3 – Photographies du et depuis le Plateau des Petites Roches, témoins de la géodiversité de la région grenobloise.   Fig. 3 – Photographs of and from the Plateau des Petites Roches, evidence of the geodiversity of the Grenoble region.

A : Depuis le plateau. À l’arrière-plan, le massif cristallin de Belledonne. Photographie : Inès Hubert, 2016 ; B : Au pied du plateau depuis la vallée de l’Isère (vallée du Grésivaudan). À l’arrière-plan, les flancs calcaires de la Chartreuse. Photographie : Inès Hubert, 2016 ; C : Depuis les crêtes des contreforts calcaires de Chartreuse. Au premier plan, le rebord du plateau. Au deuxième plan, la vallée de l’Isère (Grésivaudan). À l’arrière-plan, les collines bordières du massif cristallin de Belledonne. Photographie : Inès Hubert, 2018.
A: From the plateau. In the background, the crystalline massif of Belledonne. Photograph: Inès Hubert, 2016; B: At the foot of the plateau from the Isère valley (Grésivaudan valley). In the background, the limestone slopes of the Chartreuse. Photograph: Inès Hubert, 2016; C: From the crests of the Chartreuse limestone foothills. In the foreground, the edge of the tray. In the first background, the Isère valley (Grésivaudan). In the background, the edge hills of the Belledonne crystalline massif. Photograph: Inès Hubert, 2018.

16Au sud de Grenoble, la branche méridionale du Sillon alpin est aménagée par les vallées de la Gresse et du Drac. Les dépôts quaternaires anciens situés contre le massif de Belledonne à l’est ont formé le plateau de Champagnier, qui a été isolé par l’érosion glaciaire et fluviale et domine la plaine du Drac de plus de 200 m (Monjuvent, 1978 ; Debelmas, 2006). Au pied du rebord oriental du Vercors, les deux échines rocheuses de Comboire et de Rochefort émergent de la plaine alluviale du Drac. Il s’agit de crêts de calcaire tithonique résistant qui ont fonctionné comme verrous glaciaires et ont été isolés par l’érosion différentielle.

17Les larges vallées du Drac et de l’Isère sont comblées de sédiments lacustres et fluviatiles postglaciaires (Monjuvent, 1978). Les crues de l’Isère et du Drac ont longtemps tenu à l’écart les hommes, notamment suite aux métamorphoses fluviales du Petit Âge Glaciaire (Bravard, 1989). De fonds marécageux sujets aux crues, les plaines alluviales du Drac et de l’Isère sont devenues, par les travaux d’endiguement, d’assèchement et de colmatage (Cœur, 2008), des plaines agricoles fertiles et des axes de communication. En parallèle de l’agriculture vivrière des massifs subalpins, se sont développées des industries rurales au XIXe siècle, puis les proto-industries, toutes deux dépendantes des ressources locales et du relief (Blanchard, 1947). La nécessaire vente de la production dans des foires plus importantes a dicté l’implantation progressive des populations en vallée. L’agglomération grenobloise, très dense au nord le long des berges de l’Isère, s'est développée plus à l’écart du Drac et de la Gresse au sud, aménagés plus tardivement.

18À partir des années 1950, la région de Grenoble va connaître un grand tournant avec le développement de l’hydroélectricité – la houille blanche. Les exigences de la modernité ont donné lieu à un aménagement systématique des cours d’eau (Veyret et Veyret, 1970). L’ère industrielle se prolonge jusqu’en 1965, doublée d’une urbanisation spectaculaire aux portes de la cité. En Isère, la population augmente ainsi de 48 % entre 1921 et 1968 (deux fois plus rapidement que la moyenne française). Si Grenoble passe de 100 000 à 160 000 habitants entre 1945 et 1965, les 13 communes limitrophes passent, elles, de 37 000 à 120 000 dans le même laps de temps (Parent, 2002). Les vallées concentrent les activités humaines, les versants en deviennent les périphéries. Les vallées conquises par de lourdes infrastructures sont décriées à partir des années 1960. Ainsi, on s’affranchit peu à peu du sol, les systèmes agro-pastoraux étant à perte. Grenoble et les communes qui fusionnent peu à peu sont à l’étroit dans les vallées.

19Après la vague d’explosion démographique des années 1960, la population du pôle urbain stagne à partir de 1975 et les communes proches, considérées comme « rurales », « montagnardes » ou « campagnardes » à une altitude modérée sont les plus prisées (Bienvenu, 1987). Force est de constater qu’à l’heure actuelle, les paysages et le cadre de vie produits dans ces espaces ne correspondent souvent plus à l’idéal rêvé. Des décennies de construction insuffisamment maîtrisée ont engendré un fort mitage du paysage. Les champs ne sont pas l’unique espace considéré comme une réserve foncière potentielle ; les friches, les lisières, les pentes sont également concernées. L’urbanisation déborde des vallons, s’émiette dans la pente ou le long des axes routiers. Les hybridations entre la ville et la montagne, physiques et imaginaires, sont caractéristiques des paysages grenoblois.

4.2. Caractérisation des éléments de la « géodiversité effective »

20La géodiversité de la région grenobloise peut être décrite qualitativement sur la base de la littérature scientifique et de cartes thématiques (fig. 4-7).

21La diversité géologique est élevée et découle i) de la présence de trois grandes entités structurales (le massif cristallin de Belledonne, les massifs subalpins calcaires, les sillons fluviaux riches en remplissages quaternaires), ii) de l’importante diversité lithologique (roches cristallines, différentes roches sédimentaires et détritiques, nombreuses formations superficielles) et iii) de la déformation tectonique, marquée notamment par le contraste de plissement entre le Vercors (relief conforme) et la Chartreuse (relief inversé). La carte géologique (fig. 4) (i.e., Donsimoni, 2008) montre que les massifs subalpins sont constitués d’alternances de roches marneuses et calcaires, allant du Bathonien au Sénonien (Gidon, 2004, 2017) et plissées selon un axe SW-NE. Ces massifs sont marqués par la présence de spectaculaires corniches dans les calcaires massifs du Tithonique (Malm), du Fontanil (Valanginien) et du Barrémien (calcaires à faciès urgonien) (Gidon, 2017). Les contreforts de la Chartreuse et du Vercors sont formés d’un épais niveau de marnes du Callovien et de l’Oxfordien : les Terres Noires. Des dépôts détritiques d’âge tertiaire (molasse), issus de l’érosion des chaînons alpins en formation, ont été préservés le long des charnières des plis synclinaux. Quant au massif de Belledonne, à l’est et au sud de la cuvette, il est composé de roches essentiellement cristallines métamorphiques (gneiss, schistes) d’âge paléozoïque qui sont les témoins de l’ancienne chaîne hercynienne. Les fonds de vallée de l’Isère et du Drac sont comblés d’alluvions holocènes. Dans la plaine du Drac, une terrasse résiduelle au pied du massif de Belledonne forme le « plateau » de Champagnier, qui domine Grenoble de plus de 200 m. Cette terrasse, formée de dépôts de galets arrondis dans une matrice grossière, est le témoin d’un remplissage fluvioglaciaire de l’ombilic lacustre grenoblois lors d’un épisode interglaciaire il y a 35 000 à 45,000 ans (Monjuvent, 1978 ; Debelmas, 2006). Elle nous montre aussi quelques témoins morainiques de la dernière poussée glaciaire qui l’a envahie entre –35 000 et –30 000 ans (Debelmas, 2006) et a été ensuite mise en relief par l’incision fluviale postglaciaire.

Fig. 4 – Carte géologique de la région de Grenoble au 1/50,000, d’après les données de la BD Charm-50 (BRGM).
Fig. 4 – Geological map of Grenoble area at scale 1:50,000, from the Charm-50 database (BRGM).

Fig. 4 – Carte géologique de la région de Grenoble au 1/50,000, d’après les données de la BD Charm-50 (BRGM).   Fig. 4 – Geological map of Grenoble area at scale 1:50,000, from the Charm-50 database (BRGM).

1. Alluvions actuelles et récentes ; 2. Cônes torrentiels post-würmiens et holocènes ; 3. Dépôts glaciaires principalement du Würm (till) ; 4. Complexe calcaire urgonien : masse urgonienne supérieure (Aptien inférieur) ; 5. Complexe calcaire urgonien : calcaires et marnes (Barrémien inférieur) ; 6. Calcaires cristallins massifs à silex (Campanien terminal – Maastrichtien) ; 7. Lauzes et formations biodétritiques diverses (Campanien) ; 8. Formation de Bramefarine : alternance de bancs calcaires et de schistes (Bajocien inférieur) ; 9. Gneiss, leptynites et micaschistes ; 10. Amphibolites : « ophiolites » de Chamrousse, complexe de Belledonne (Précambrien). Pour un aperçu complet de la légende, se référer à la carte géologique du BRGM et à sa notice (feuille Grenoble), également consultable sur le site http://infoterre.brgm.fr/​. Mise en forme : Léa Paly. Source des données géologiques : https://www.data.gouv.fr/​fr/​datasets/​cartes-geologiques-departementales-a-1-50-000-bd-charm-50/​
1. Modern and recent alluvium; 2. Post-Würmian and Holocene torrential cones; 3. Glacial deposits or till (mainly Würmian); 4. Limestone Urgonian Complex: Upper Urgonian (Lower Aptian); 5. Limestone Urgonian Complex: limestones and marls (Lower Barremian); 6. Crystalline limestones with flint (Upper Campanian – Maastrichtian); 7. “Lauzes” and various biodetritic formations (Campanian); 8. Bramefarine Formation: alternation of limestones and schists (Lower Bajocian); 9. Gneiss, leptynites and micaschists; 10. Amphibolites: “Ophiolites” of Chamrousse, Belledonne Complex (Precambrian). For a complete overview of the legend, please refer to the BRGM geological map and the associated leaflet (Grenoble sheet), also available on http://infoterre.brgm.fr/​. Cartographic design: Léa Paly. Source of geological data: https://www.data.gouv.fr/​fr/​datasets/​cartes-geologiques-departementales-a-1-50-000-bd-charm-50/​

22La carte géomorphologique offre une synthèse expliquant l’origine des formes du relief observables dans les paysages. En France, il s’agit d’un projet d’ampleur nationale, porté notamment par Fernand Joly dès les années 1960. Il se concrétisera dans des cas d’étude locaux : la cartographie géomorphologique au 1/50 000 d’une partie de la région de Grenoble a été publiée en 1980 (Chardon et al., 1980). Malgré le fait qu’elle ne couvre que la partie NW de la région grenobloise, elle rend particulièrement bien compte de quatre ensembles de reliefs contrastés (fig. 5). Tout d’abord, la partie septentrionale du Vercors, alternant plateaux et vallées étroits, crêtes et vallons, se termine en aplomb de la vallée de l’Isère. Le Vercors est un chaînon subalpin caractérisé par des anticlinaux coffrés et des synclinaux en gouttière, eux-mêmes soulignés par des accumulations détritiques tertiaires (molasses) ou quaternaires (moraines). La Chartreuse, également un chaînon subalpin, constitue le second ensemble de relief remarquable. À la lecture de la carte, on voit que le Vercors et la Chartreuse ont connu une tectonique propre de part et d’autre de la dislocation majeure qui accueille l’Isère. La partie méridionale de la Chartreuse est constituée de vallées étroites et profondes et de crêtes calcaires massives qui la traversent presque de part en part. Les dépôts molassiques ne se retrouvent pas dans ce massif, contrairement au Vercors. Les collines du Bas-Dauphiné constituent une autre entité, au nord et à l’ouest de la vallée de l’Isère. Au nord de Moirans s’étendent des collines en arc de cercle, constituées de moraines du dernier glaciaire et de molasses. Au nord-ouest, une plaine perchée à environ 400 m d’altitude, où l’on trouve des terrasses et un remblaiement alluvial important, correspond à la vallée fossile de la Bièvre. Au sud, le plateau de Chambaran, formé de dépôts du Pliocène et du Miocène, très laniérés, culmine à 789 m. L’avant-pays dauphinois est donc constitué par les dépôts provenant de l’érosion de l’édifice alpin pendant sa formation. Enfin, la vallée de l’Isère formait une plaine partiellement marécageuse qui a été drainée par l’homme (Cœur, 2008 ; Girel, 2010). À l’aval de Moirans, elle est localisée dans un synclinal. Entre Chartreuse et Vercors, il s’agit d’une cluse. Les processus glaciaires et périglaciaires sont déterminants d’après la carte, ainsi que les phénomènes karstiques ; les massifs sont en effet particulièrement riches en calcaires ayant favorisé le développement de modelés karstiques de surface ou de profondeur. En conclusion, la carte géomorphologique révèle ainsi une géodiversité significative. Pour autant, les reliefs structuraux (représentés par les tons de rouge) dominent au premier abord, voire écrasent les autres formes du relief (glaciaires en violet, périglaciaires en mauve et karstiques en turquoise).

Fig. 5 – Extrait de la carte géomorphologique détaillée de Grenoble au 1/50,000, (Chardon et al., 1980).
Fig. 5 – Extract from the detailed geomorphological map of Grenoble at scale 1:50,000 (Chardon et al., 1980).

Fig. 5 – Extrait de la carte géomorphologique détaillée de Grenoble au 1/50,000, (Chardon et al., 1980).   Fig. 5 – Extract from the detailed geomorphological map of Grenoble at scale 1:50,000 (Chardon et al., 1980).

Pour la légende et la notice, consulter la carte originale ; voir également les descriptions dans le texte.
For the legend and instructions, consult the original map; see also descriptions into the text.

23Une carte des sols aurait été essentielle pour compléter le panel des représentations cartographiques de la géodiversité ; or, à notre connaissance, elle n’a jamais été éditée. Nous avons étudié une carte des pédopaysages (fig. 6), un travail qui croise formations superficielles et structures morphologiques. Nous en avons déduit que les choix de représentation de la couverture pédologique sont dominés par les formes du relief. On y observe que l’organisation des sols est dépendante autant du contexte géologique que des variations géomorphologiques. Ainsi, les grandes catégories de sols suivent plus ou moins un agencement SW-NE, correspondant à l’agencement géologique. Le massif de Belledonne présente une certaine homogénéité pédologique, alors que la Chartreuse, plus fragmentée du point de vue lithologique et géomorphologique, présente un morcellement beaucoup plus important des sols. Le fond des vallées se distingue par des formations superficielles de type alluvial.

Fig. 6 – Carte des sols de l’Isère.
Fig. 6 – Soil map of the Isère department.

Fig. 6 – Carte des sols de l’Isère.   Fig. 6 – Soil map of the Isère department.

1. Sols des plaines alluviales récentes ; 2. Sols des plaines et terrasses anciennes ; 3. Sols des placages limoneux ; 4. Sols des paysages morainiques ; 5. Sols des collines et versants des formations miocènes ; 6. Sols des colluvions et cônes de déjection ; 7. Sols des plateaux villafranchiens de Bonnevaux et Chambaran ; 8. Sols du plateau jurassique de l’Île Cremieu et du Chaînon du Ratz ; 9. Sols des piémonts et glacis de raccordement ; 10. Sols des croupes et versants des roches en place ; 11. Sols des croupes et versants des matériaux hérités ; 12. Sols des hauts plateaux du Vercors et de la Chartreuse ; 13. Sols des reliefs majeurs sous la limite de la forêt ; 14. Sols de la haute montagne ; 15. Neiges et glaciers. Adapté d’après INRA, Ministère de l’Agriculture, 2000.
1. Soils of recent alluvial plains; 2. Soils of ancient terraces and plains; 3. Soils of silty deposits; 4. Soils of morainic landscapes; 5. Soils of hilly landscapes shaped in Miocene formations; 6. Soils of colluvial cones; 7. Soils of the Jurassic plateaus of Île Cremieu and Chaînon du Ratz; 9. Soils of piedmont and glacis; 10. Soils of hilly landscapes with rock outcrops; 11. Soils of hilly landscape with inherited materials; 12. Soils of the upper plateaus of Vercors and Chartreuse; 13. Soils of major reliefs below tree-line; 14. Soils of high mountainous areas; 15. Snow and glaciers. Adapted from INRA, Ministry of Agriculture, 2000.

24Le réseau hydrographique de la région grenobloise (fig. 7) présente une hiérarchisation liée aux configurations géologique et pédologique héritées du Quaternaire et de l’Holocène. Quelques traits caractéristiques peuvent être mis en évidence :

25• dans les massifs subalpins (Vercors, Chartreuse), le réseau hydrographique est de type orthogonal : les rivières suivent les fonds des synclinaux et drainent les eaux qui s’écoulent sur les flancs des anticlinaux et viennent les rejoindre de manière orthogonale ; parfois, les cours d’eau traversent les axes anticlinaux en cluse ;
• dans le massif cristallin de Belledonne, plus homogène du point de vue lithologique, la forme des réseaux est de type dendritique ;
• finalement, on relève le contraste en termes de densité du réseau hydrographique entre le massif de Belledonne (densité élevée) et les massifs subalpins (densité faible). On attribue ce contraste à l’effet de la lithologie : dans les massifs subalpins, les lithologies calcaires ont favorisé les écoulements souterrains au détriment des écoulements de surface.

Fig. 7 - Carte du réseau hydrographique superficiel de la région grenobloise.
Fig. 7 – Map of the surficial hydrographic network of the Grenoble region.

Fig. 7 - Carte du réseau hydrographique superficiel de la région grenobloise.   Fig. 7 – Map of the surficial hydrographic network of the Grenoble region.

Source : Géoportail, 2019.

26Les usages industriels, notamment, en font un système désormais contraint, surtout dans la vallée de l’Isère : les endiguements ont créé des tracés rectilignes et les canaux de drainage ont ajouté des écoulements artificiels à la trame hydrographique naturelle, surtout dans le Grésivaudan et à l’aval de Grenoble. L’agglomération urbaine est marquée par la quasi absence des écoulements de surface : à l’exception de l’Isère et du Drac, les cours d’eau ont été mis en souterrain pour favoriser le développement urbain.

27Chacune de ces cartes apporte un éclairage sur la géodiversité actuelle : la lithologie et les plissements, ainsi que les héritages quaternaires (fig. 4, 6) donnent les grandes lignes du relief et guident les modelés (fig. 5). Aujourd’hui, le réseau hydrographique (fig. 7) est un agent morphogène puissant, mais les aménagements le contraignent fortement. Les relevés cartographiques des différentes facettes de la géodiversité confortent certes la prégnance de la géomorphologie du site, mais ils sont avant tout les témoins de la richesse de la région grenobloise en termes de géodiversité. Cependant, de telles formes de représentation se limitent à un public averti car elles sont difficilement superposables, graphiquement comme mentalement, pour les non spécialistes.

4.3. Prégnance de la géomorphologie dans la « géodiversité perçue » : mise en évidence et interprétation

4.3.1. Analyse d’un corpus d’images de promotion de la ville alpine

28Depuis la fin des années 1960, beaucoup de massifs alpins sont aménagés au service du tourisme hivernal. L’agglomération de Grenoble ne s’inscrit pas spécialement dans cette course au tourisme, mais connaît un bond avec les Jeux Olympiques d’hiver de 1968 auxquels elle candidate en se présentant comme la « capitale alpine », à proximité immédiate de sites de sports d’hiver soi-disant largement équipés (Frappat, 1991). Cela a donné lieu à une production prolifique d’images de la « ville alpine ». L’analyse d’un corpus de 38 images ayant servi à la promotion de la ville et de ses alentours pour cet événement montre la prégnance de la géomorphologie dans les représentations culturelles de la géodiversité de la région grenobloise. Ce corpus est constitué de cartes postales produites et diffusées par deux maisons d’édition, André et La Cigogne, qui étaient à cette époque en position de quasi-monopole.

29Le choix du corpus a été soumis à deux critères : les 38 images sélectionnées sont des photographies non aériennes réalisées depuis un point de vue librement accessible à pied ; les photographies de détail sur des bâtiments, statues ou aménagements ont été éliminées et seules des photographies de paysages ont été retenues. Afin d’analyser le contenu iconographique du corpus, nous avons subdivisé les éléments de la « géodiversité effective » en distinguant les composantes géologique, géomorphologique, hydrologique et relatives aux formations superficielles (tab. 1). La figure 8A-F propose un échantillon représentatif du corpus d’analyse.

Tab. 1 – Occurrence des éléments de géodiversité sur un échantillon du corpus de cartes postales éditées pour les Jeux Olympiques de 1968.
Tab. 1 – Occurrence of geodiversity elements on a sample of the postcard corpus published for the 1968 Olympic Games.

Tab. 1 – Occurrence des éléments de géodiversité sur un échantillon du corpus de cartes postales éditées pour les Jeux Olympiques de 1968.   Tab. 1 – Occurrence of geodiversity elements on a sample of the postcard corpus published for the 1968 Olympic Games.

Les lettres A, B, C, D, E, F se réfèrent aux images de la fig. 8.
The letters A, B, C, D, E, F refer to the images represented on fig. 8.

30Nous avons repéré leur présence – ou non – sur chacune des photographies. Cette analyse a permis d’obtenir plusieurs résultats. Notons au préalable que les photographies sont majoritairement prises selon un angle large et ont une visée panoramique, ce qui rend les observations géologiques et pédologiques de détail impossibles. Pour la géologie du site, seules les couleurs et textures permettent de distinguer les massifs cristallins et les chaînons marno-calcaires au loin, ainsi que leurs plissements. Concernant la géologie et la pédologie, nous n’avons relevé que 10 photographies montrant un sol découvert de près (fig. 8B, F), 6 où le lit non aménagé de la rivière est visible (fig. 8F). Seul le calcaire clair des parois est reconnaissable à 24 reprises. Nous en concluons que la géologie et la pédologie de détail du site sont sous-représentées et que les éléments des versants montagneux priment.

31Concernant la composante hydrologique, les lacs et zones humides sont absents de ce corpus d’images. La rivière est cependant un élément central ; nous l’avons comptée 21 fois et son lit apparaît très aménagé. En outre, l’Isère est le sujet principal à 20 reprises (fig. 8A-B, D, F), le Drac n’étant représenté qu’une fois d’assez loin. Les composantes hydrologiques du territoire d’étude sont donc limitées à l’Isère et à ses aménagements.

32Enfin, concernant la géomorphologie, toutes les photographies sauf une montrent une plaine alluviale et toutes sauf deux des versants montagneux des massifs de Belledonne (47 %), de la Chartreuse (37 %) et du Vercors (29 %), sachant que les deux images ne représentant pas de versant abrupt laissent deviner des collines ou une pente douce. Les collines bordières de Belledonne sont également visibles sur 18 photographies (fig. 8A, C, D). En revanche, le plateau de Champagnier n’est photographié que 5 fois (fig. 8C). La présence massive de parois distantes, l’effet de « mur » et son contraste avec la plaine semblent recherchés. Les particularités du contexte géomorphologique sont donc mises en scène avec une prédominance des reliefs du massif le plus haut, le massif cristallin de Belledonne (fig. 8A, C, F). Les systèmes hydrogéomorphologiques des rivières, les vallées secondaires, les cônes de déjection ne sont quasiment pas représentés. Notre étude confirme que la géomorphologie des reliefs montagneux est le principal élément de géodiversité représenté auprès du grand public dans ces photographies de promotion touristique.

Fig. 8 – Extrait du corpus de cartes postales éditées pour les Jeux Olympiques de 1968, dont les points de vue sont localisés en fig. 2. Éditions André et La Cigogne.
Fig. 8 – Postcards published for the 1968 Olympic Games, whose points of view are located in fig. 2. André and La Cigogne Editions.

Fig. 8 – Extrait du corpus de cartes postales éditées pour les Jeux Olympiques de 1968, dont les points de vue sont localisés en fig. 2. Éditions André et La Cigogne.   Fig. 8 – Postcards published for the 1968 Olympic Games, whose points of view are located in fig. 2. André and La Cigogne Editions.

A : Quais de l’Isère, téléphérique de la Bastille et chaîne de Belledonne ; B : Arrivée à Grenoble par la route de Chamrousse ; C : Village olympique ; D : Grenoble Ville Olympique, vue générale ; E : Grenoble Ville Olympique, les tours de l’Ile Verte ; F : Chaîne de Belledonne.
A: Quays of the Isère River, Bastille cable car and Belledonne range; B: Arrival in Grenoble by the Chamrousse road; C: Olympic Village; D: Grenoble Olympic City, general view; E: Grenoble Olympic City, the towers of Ile Verte; F: Belledonne range.

4.3.2. Valeur socio-culturelle des éléments géomorphologiques

33Cette prédominance de la composante géomorphologique dans les représentations de la géodiversité régionale peut s’expliquer par l’importance des valeurs paysagères socio-culturelles conférées aux reliefs. Les paysages sont souvent considérés comme remarquables, exceptionnels quand leurs formes de relief, leurs dimensions, sortent de l’ordinaire pour l’observateur. Ces aspects spectaculaires leur confèrent une valeur esthétique, mais également patrimoniale selon Debarbieux (2001) : « l’étrangeté des formes rocheuses et des glaciers, […] l’ampleur des versants visibles du lointain [seraient] comme une invitation à l’exploration par le regard, par la connaissance, voire par la pratique. […] Elles [seraient] un signe, un symptôme, un révélateur de toute la mécanique terrestre et des façons que l’humanité a de composer avec elle ». En renvoyant à des connaissances et à des imaginaires, la géomorphologie est devenue une composante structurante dans la perception de la montagne.

34Les représentations photographiques du corpus donnent à voir les montagnes comme des enceintes et un écrin de la ville, ce qui crée une certaine idée d’appartenance tout en les distanciant. La « montagne » ne semble ni habitée, ni cultivée, ni exploitée, ce qui fait d’elle l’antithèse de la ville et alimente l’imaginaire d’un espace « vierge » justement prisé par le citadin. D’autre part, bien qu’elle soit incontournable dans les images de la ville alpine, elle y devient un objet finalement assez monotone, à quelques exceptions près sur lesquelles nous reviendrons. Vue de loin, elle s’assimile grossièrement à des versants recouverts de forêt, eux-mêmes surplombés de pans de roche plus abrupts : clairs pour les massifs du Vercors et de la Chartreuse et foncés ou enneigés pour Belledonne. Enfin, les représentations photographiques du corpus renforcent l’idée d’une montagne immuable et solide en occultant des formes témoins des processus d’érosion, d’altération, de transport et de dépôt, perceptibles dans les torrents, lits des rivières, cônes de déjection, etc. Finalement, les menaces (ici, principalement les impacts de l’urbanisation) qui pèsent sur la géodiversité (Bétard, 2017 ; Bétard et Peulvast, 2019) n’apparaissent que de manière indirecte sur les images : le contraste saisissant entre les périmètres urbanisés (souvent au premier plan) et les montagnes donne l’impression d’une juxtaposition de deux espaces étanches : un espace sans géodiversité (la ville, au premier plan) et un espace à forte géodiversité (les montagnes, à l’arrière-plan, formant le décor de l’espace urbain). Ce contraste est particulièrement visible sur les images présentant un premier-plan détaillé (fig. 8A, C, F) et sur les grands panoramas (fig. 8D). Seuls les paysages d’échelle moyenne permettent de saisir les menaces de la périurbanisation et du mitage sur la géodiversité (fig. 8B, E).

5. Causes et conséquences d’une mise en image sélective

35L’analyse du corpus d’images met en évidence la sous-représentation de la géodiversité dans les images de la ville-centre et l’effacement de l’entre-ville et montagne dans les images de la région en général. Nous avons ensuite cherché à interpréter et analyser les conséquences de ces états de fait. Une mise en perspective de nos observations au moyen de corpus plus anciens et actuels vient compléter notre analyse.

5.1. Sous-représentation de la géodiversité dans les images de la ville-centre

36Nous nous sommes penchés dans un premier temps sur la représentation d’éléments de géodiversité en ville. Notons que toutes les photographies de notre corpus, en tant qu’images de promotion de la ville alpine, montrent une zone urbanisée justifiant l’existence d’un regroupement de plus de 2000 habitants, donc d’une ville. Parmi les éléments de géodiversité repérés, nous conservons comme potentiellement visibles dans l’agglomération de Grenoble les éléments suivants, indiqués dans le Tableau 1 : plaine alluviale, cours d'eau, lac/zone humide, sol non imperméabilisé « de près », lit de cours d’eau « naturel », terrasse fluvioglaciaire / moraine, paroi calcaire.

37Comme l’installation humaine s’est faite principalement dans la plaine alluviale, on retrouve cette forme sur toutes les photographies sauf une. La présence de cours d’eau à 21 reprises (55 % des photographies) va dans ce sens. Toutefois, cette dimension hydrologique est appauvrie car les images ne montrent quasiment pas de cours d’eau au lit non aménagé, qui rendraient visibles les berges et leurs alluvions (seules 6 sur 38). Aucune zone humide n’est montrée. En outre, le sol photographié de près en ville est systématiquement imperméabilisé : les trois images où ce n’est pas le cas montrent les berges de l’Isère, récemment mises à nu par des travaux de voirie sur deux photographies (fig. 8B). On peut stipuler que la forte artificialisation des sols et la prégnance des ouvrages et infrastructures limitent l’accès et la visibilité de ces éléments. De plus, des éléments marquants de l’histoire géologique, comme les verrous de Comboire et Rochefort, le plateau de Champagnier (terrasse fluvioglaciaire) et des Petites Roches (corniche au droit des parois de calcaire de la Chartreuse), ne sont presque pas photographiés.

38Un élément du relief est toutefois sacralisé et pleinement associé à la ville : il s’agit de la Bastille (fig. 8B, D, E), contrefort le plus au sud de la Chartreuse, au pied duquel l’Isère coule et où le centre-bourg s’est historiquement implanté. La colline a accueilli des fortifications du XVIe siècle, remplacées par un fort militaire au XIXe siècle (fig. 2) ; elle a été taillée par les fronts d’exploitation des carrières de calcaires tithoniques. La « petite montagne » a donc vu ses atouts et ressources exploités. Elle a constitué par le passé une prise de hauteur pour se défendre, remplacée depuis 1934 par la contemplation grâce à l’accès par téléphérique, et une source de matériaux (calcaires) pour construire la ville à ses pieds. Les images analysées comptent neuf vues vers la Bastille et sept depuis la Bastille sur lesquelles on voit les usages récréatifs et culturels en 1968, qui le sont encore aujourd’hui. La Bastille constitue en cela un modèle d’hybridation entre la ville et la montagne.

5.2. Effacement de l’entre-ville et montagne dans les images de la région

39Nous nous sommes penchés dans un second temps sur les territoires entre la ville dense et les versants montagneux, plus hostiles à l’implantation humaine. Entre 1950 et 1968, la population des 13 communes limitrophes de Grenoble a plus que triplé (Parent, 2002), l’emprise de l’agglomération s’étant étendue sur certains versants, vallées secondaires et replats. 12 images sur 38 laissent apercevoir ce type d’espaces, et seules 6 sont centrées sur eux. Les photographes semblent avoir privilégié la situation en balcon de ces territoires pour la vue panoramique qu’elle offre sur la vallée et les massifs l’encerclant. Ces images montrent le peu de considération accordé à l’« entre-deux ». Pourtant, les cartes géologiques, des pédopaysages et la configuration du réseau hydrographique (fig. 4, 6, 7), montrent que cet « entre-deux » concentre une grande variété abiotique : des verrous calcaires émergeant de la plaine alluviale, induisant des terrains et une végétation différents du reste de la plaine (Rochers de Comboire et de Rochefort), des dépôts fluvioglaciaires et morainiques (plateau de Champagnier), des cônes de déjection (le Manival), des torrents, etc.

40Les douze images sur lesquelles les lisières de la ville et des montagnes sont représentées dénombrent plus d’éléments de géodiversité (les éléments retenus sont ici les suivants : massif cristallin, chaînons marno-calcaires, colline bordière, terrasse, cours d’eau, sol non imperméabilisé, lit de cours d’eau, paroi calcaire) que les autres (en moyenne 3,9 contre 3,4). Les vues depuis les pentes permettent d’embrasser du regard deux types de massifs et l’accès à des angles de vue différents, à l’écart de la ville-centre, rendant visibles les cours d’eau non aménagés, les terrasses, replats et collines bordières. Ces images donnent à voir les jeux de pente subtils, les différentes occupations des sols : sur l’une d’entre elles on devine même des carrières sur les flancs du Vercors (fig. 8E). Nous nous sommes également prêtés à l’exercice pour représenter la région grenobloise depuis des points de vue en lisière de la ville et des montagnes (fig. 9).

Fig. 9 – Photographies des lisières entre la ville et les montagnes de la région grenobloise.
Fig. 9 – Photographs of the borders between the city and the mountains of the Grenoble region.

Fig. 9 – Photographies des lisières entre la ville et les montagnes de la région grenobloise.   Fig. 9 – Photographs of the borders between the city and the mountains of the Grenoble region.

A : Depuis une colline bordière dans la commune de Venon (voir fig. 1). Au deuxième plan, le système valléen de Grenoble surplombé par le Mont Rachais (voir fig. 1). À l’arrière-plan, le Vercors. Photographie : Inès Hubert, 2016 ; B : Depuis le sommet de Chamechaude (voir fig. 1) en Chartreuse. Au premier plan, la pente calcaire. Au loin, le Néron (voir fig. 1) et Grenoble. Photographie : Inès Hubert, 2017 ; C : Depuis la vallée de l’Isère vers les contreforts du Vercors. À l’arrière-plan, les carrières de Noyarey (voir fig. 1). Photographie : Inès Hubert, 2019.
A: From a bordering hill in the commune of Venon (see fig. 1). In the first background, the Grenoble valley system overlooked by Mont Rachais (see fig. 1). In the background, the Vercors. Photograph: Inès Hubert, 2016; B: From the summit of Chamechaude (see fig. 1) in Chartreuse. In the foreground, the limestone slope. In the distance, the Néron (see fig. 1) and Grenoble. Photograph: Inès Hubert, 2017; C: From the Isère valley towards the foothills of the Vercors. In the background, Noyarey’s quarries (see fig. 1). Photograph: Inès Hubert, 2019.

5.3. Causes et conséquences

5.3.1. Sur la « géodiversité perçue »

41Les cartes postales, en tant que vitrines de l’endroit visité, participent de l’exportation de certaines images du territoire (Litot, 2011). En produisant ces images, les maisons d’édition de cartes postales mettent en scène les « beaux » visages de l’agglomération encerclée par les massifs. À la veille des JO de 1968, il s’agissait de montrer une ville moderne, en plein essor, dotée d’aménagements flambant neufs dans un environnement exceptionnel (fig. 8B-C). 25 images sur 38 sont composées selon un paysage urbain au premier plan et un paysage montagneux en arrière-plan, brouillant la lisibilité du socle commun et masquant toute interpénétration.

42Tout d’abord, par la façon dont elle est représentée, la ville serait en quelque sorte l’antithèse de la montagne, ce qui, selon les périodes et les sensibilités individuelles, peut la glorifier ou la déconsidérer. La fin des années 1960 correspond à un moment charnière dans les perceptions de la ville de Grenoble et des montagnes qui l’environnent. Grenoble et ses communes limitrophes étaient alors en pleine expansion technicienne et les massifs étaient fréquentés pour les loisirs des nombreux actifs du bassin grenoblois. La montagne glissait peu à peu vers un lieu d’aventure, de ressourcement et d’épanouissement individuels, soustrait aux logiques urbaines collectives. Des prises de conscience écologiques cristalliseront ensuite cette forme d’opposition entre espaces de liberté et d’aliénation. La manière de représenter l’espace qui domine dans les cartes postales du corpus d’images contribue à accentuer certains des caractères décriés à partir des années 1970 : une ville étouffante, artificialisée, qui met à distance ses rivières. Nous estimons que la sous-représentation de la géodiversité en ville pourrait nuire à sa compréhension et en occulterait les richesses, tout en alimentant la croyance que seule la montagne la recèle.

43Le paysage de l’« entre-deux » est également peu représenté. Cette omission pourrait être due à deux facteurs. D’une part, ce type d’espaces ne serait pas digne d’intérêt car il n’abriterait aucun patrimoine « naturel » ou « historique » : il se trouverait écrasé entre les massifs semblant uniquement hérités des temps géologiques et la ville aux constructions témoins de l’histoire en constante évolution. D’autre part, il serait considéré comme laid et banal. Or, à ces deux facteurs on peut opposer que :

44• des éléments géomorphologiques, pédologiques, géologiques et hydrologiques peuvent être aisément observés dans cet entre-deux moins aménagé que la ville et plus accessible que la montagne (fig. 8A) ;
• ces mêmes éléments sont les témoins de l’interface entre la plaine alluviale et les massifs, et révèlent l’histoire de l’une et des autres ;
• ces espaces de l’« entre-deux » où se créent finalement les interfaces entre la ville et la nature peuvent être un laboratoire de l’aménagement susceptible d’aider à ne pas reproduire les erreurs de la ville-centre.

5.3.2. Sur l’aménagement

45Nous nous sommes demandé si des perceptions erronées de la géodiversité du territoire d’étude pouvaient influer sur la prise de décision concernant la valorisation et la gestion des différents paysages. Tout d’abord, les montagnes sont à tort associées à la stabilité, contrairement à la ville. Cette forme de repère, d’objet massif et semblant éternel, participe de l’attrait de ce paysage mais c’est une « conception largement diffusée de l’immuabilité, dans le temps et l’espace, des biens géologiques, qui ne nécessiteraient ainsi pas de mesures de gestion ou de protection » (Panizza et Piacente, 2004). Ce leurre peut engendrer des comportements à risques, une sur-fréquentation ou une surexploitation. De récents épisodes ont pourtant rappelé la fragilité des territoires métropolitains grenoblois : la Chartreuse en dénombre plusieurs dont un éboulement à la Bastille en 2018. La ville-centre et les communes de l’« entre-deux », en ignorant certains processus dynamiques, s’exposent à des risques d’origine géomorphologique ou hydrologique. Comment dès lors composer avec les risques naturels très importants « oubliés » dans la ville-centre et particulièrement les territoires des franges qui sont au plus près des versants montagneux ? L’élaboration d’une « stratégie de résilience » a été engagée en ce sens en 2016 par la Métropole pour son Plan Local d’Urbanisme Intercommunal. Un débat public a d’ailleurs eu lieu dans le but de rassembler des citoyens autour de ces questions et de développer une « culture du risque ». En outre, comme on ne peut occulter le changement climatique qui catalyse ces phénomènes, se pose la question de la présence de l’eau à Grenoble et dans les centres-villes des communes de la Métropole : comment réintroduire une diversité des milieux aquatiques en composant avec les contraintes de l’environnement régional ? Comment valoriser et fréquenter tout en protégeant les milieux aquatiques existants ?

5.4. Évolutions des perceptions des éléments de géodiversité

46Afin de compléter nos recherches, nous avons souhaité donner de l’épaisseur temporelle à nos observations. Pour cela, nous avons sélectionné quelques cartes postales plus anciennes datant des années 1900 à 1920 prises dans deux communes faisant désormais partie de la Métropole de Grenoble : Le Sappey-en-Chartreuse au nord et Séchilienne dans la vallée de la Romanche au sud-est de Grenoble (fig. 1). Ces communes ont suivi des trajectoires paysagères très contrastées. Le village d’altitude du Sappey a exploité la richesse de ses ressources naturelles : sa situation de cuvette à fond plat offre des terrains propices à l’élevage et à l’agriculture tandis que la forêt procure un excellent bois. Des scieries et une cimenterie s’y sont installées au fil de l’eau et, depuis le milieu du XXe siècle, la commune tire profit de son caractère « pittoresque » en accueillant un tourisme hivernal. Plus récemment, depuis les années 1970, la commune est devenue exclusivement résidentielle en accueillant une nouvelle population aisée en quête de cette image de ruralité montagnarde, tout en étant accessible depuis la ville-centre. Séchilienne est quant à lui un village-rue né au milieu du XIXe siècle autour de l’exploitation de la force motrice de l’eau de la Romanche, puis déserté à partir de 1965 suite à la désindustrialisation et repeuplé à partir du début des années 2000 grâce à son foncier peu coûteux.

47Les cartes postales choisies montrent les bâtiments attenants aux zones d’extraction pour le ciment et les travailleurs, ainsi que les infrastructures d’exploitation de l’eau au niveau de la rupture de pente (fig. 10A-B). On y observe par voie détournée la paroi rocheuse et le cours d’eau au caractère torrentiel. Ce travail était donc perçu comme digne d’être montré. Il y avait une forme de reconnaissance des éléments utilisés ou exploités par les sociétés locales principalement lors de l’ère industrielle, et notamment dans des territoires en périphérie de la ville-centre.

Fig. 10 – Cartes postales éditées entre 1900 et 1920 montrant les activités industrielles à Séchilienne et au Sappey-en-Chartreuse.
Fig. 10 – Postcards published between 1900 and 1920 showing industrial activities in Séchilienne and Sappey-en-Chartreuse.

Fig. 10 – Cartes postales éditées entre 1900 et 1920 montrant les activités industrielles à Séchilienne et au Sappey-en-Chartreuse.   Fig. 10 – Postcards published between 1900 and 1920 showing industrial activities in Séchilienne and Sappey-en-Chartreuse.

A : Cimenterie du Sappey-en-Chartreuse ; B : Conduite forcée de l’usine hydroélectrique à Séchilienne.
A: Cement plant of Sappey-en-Chartreuse; B: Forced water line of hydroelectric plant of Séchilienne.

48Si les cartes postales de Séchilienne semblent s’arrêter avec la désindustrialisation, les prises de vue du Sappey-en-Chartreuse, et surtout des sommets montagneux qui l’entourent, sont encore réalisées. Ces trajectoires iconographiques différenciées concordent avec l’affirmation d’une culture qui, depuis les années 1960, se manifeste avant tout sous une forme de faire-valoir paysager à des fins touristiques, sportives ou immobilières (Perlik, 2011), dont rendent compte les pratiques photographiques. Cette manière actuelle de promouvoir la région grenobloise tend à « privatiser » l’écrin montagnard, à l’offrir au regard du potentiel acquéreur du bien immobilier sous la forme d’un panorama. Elle se différencie nettement du récit fait d’une montagne ressource et vectrice du destin notamment industriel, tel qu’on l’interprète sur les cartes postales des années 1900 à 1920. Les éléments abiotiques auraient ainsi perdu la fonction de « ressource exploitable » qui leur était assignée jusque dans les années 1960. Ils sont perçus comme patrimoine et écrin de la ville mais ne sont ni regardés, ni valorisés. Plutôt que des éléments intrinsèques au territoire, donc à son histoire et celle de ses habitants, ils seraient uniquement des éléments de contexte pour l’agglomération. Les images ne font pas le récit d’un patrimoine commun de géodiversité.

49Nos recherches nous ont menés vers des initiatives plus récentes : l’office du tourisme proposait en 2015 un livret de la collection « Balades géologiques » du Muséum national d’Histoire naturelle (Bouffette et al., 2015) afin de découvrir les rues du centre-ville de Grenoble à travers un autre regard, celui de la géologie en résonance avec l’histoire humaine et l’histoire des paysages. La provenance locale des matériaux de construction y est notamment montrée. Certains sites de loisirs, comme la Bastille (fig. 11), proposent également des descriptions simplifiées de l’histoire géologique de la ville. Nous avons conclu de ces deux exemples que l’usage de l’image par des instances publiques de la Ville pouvait servir une meilleure connaissance d’éléments de géodiversité dans la ville-centre ou visibles depuis celle-ci.

Fig. 11 – La géodiversité expliquée au public sur le promontoire de la Bastille.
Fig. 11 – Geodiversity explained to the public on the Bastille promontory

Fig. 11 – La géodiversité expliquée au public sur le promontoire de la Bastille.   Fig. 11 – Geodiversity explained to the public on the Bastille promontory

Photo : Emmanuel Reynard, 2017.

50Depuis 2013, la Métropole de Grenoble développe une palette de chemins et sentiers accessibles depuis la ville, notamment par les transports en commun. Elle a publié à cet effet des cartes de randonnées « de la ville à la montagne », dont les illustrations notamment photographiques montrent la diversité paysagère, voire la géodiversité, des territoires du pourtour métropolitain. Depuis fin 2016, la Métropole fait partie du projet européen LOS-DAMA sur la préservation et la valorisation des espaces ouverts et des paysages périurbains. En juillet 2019, une exposition visant à illustrer la diversité paysagère de communes périurbaines a donné lieu à une campagne photographique allant à l’encontre des clichés de la « ville alpine ». Ces images montrent des cours d’eau autres que l’Isère et des zones humides, des objets géomorphologiques tels que les mamelons de Venon et avant tout l’histoire de leur appropriation passée, actuelle et à venir. Ces deux derniers exemples sont une incitation, par le biais de la photographie, à découvrir des éléments de géodiversité habituellement peu valorisés dans l’entre-ville et montagne.

6. Proposition pour une représentation de la géodiversité

6.1. Changements de perspective

51Dans Terra Forma : manuel de cartographies potentielles, Aït-Touati et al. (2019) proposent de redéfinir et d’étendre le vocabulaire cartographique traditionnel. La fondation d’un nouvel imaginaire géographique reposerait en premier lieu sur un changement de référentiel : de celui indiquant le Nord au référentiel du sol. Plutôt que de représenter le sol par un plan en vue aérienne, les autrices cherchent à l’observer soit en coupe, comme une surface fine, soit du dessous afin « d’appréhender l’épaisseur, les strates, les couches : une cartographie des sous-sols ». Le dessin de nouvelles représentations devrait montrer les profondeurs, les mouvements, les périphéries, les rythmes de vie, les (res)sources et les héritages de la Terre. Ce travail nous semble offrir la possibilité d’une grande avancée dans la représentation de la géodiversité. Par exemple, pour réaliser ce projet de grande ampleur sur la région grenobloise, il faudrait faire arpenter le territoire à des acteurs de différentes spécialités et réaliser des relevés, dont des photographies comblant ce « vide des représentations » dont parle Olivier de Sépibus, photographe. Son travail « Montagne défaite » (fig. 12), dans le cadre de la saison artistique « Paysage > Paysages » en Isère documente le recul des glaciers et les nouveaux paysages de montagne. À propos de la sacralisation d’une montagne enneigée, il dit « mon impression, c’est que par rapport à cet imaginaire qui a été tellement puissant, il est aujourd’hui difficile d’accompagner cette transformation et d’inventer une esthétique adaptée à cette nouvelle réalité. Alors oui, la transformation devient catastrophique et dangereuse parce qu’il y a un vide des représentations. […] C’est parce qu’on n’a pas de représentation de rechange. Donc le paysage n’est pas fixe, il se transforme à une vitesse rapide et je documente ce mouvement. Est-ce que le glacier a toujours quelque chose à me dire ? Et si c’est le cas, est-ce que moi je peux en dire quelque chose d’actualisé ? » (De Sépibus, 2018).

Fig. 12 – Expositions dans le cadre de la saison artistique Paysage > Paysages 2018, Grenoble.
Fig. 12 – Exhibitions as part of the artistic season Landscape > Landscapes 2018, Grenoble.

Fig. 12 – Expositions dans le cadre de la saison artistique Paysage > Paysages 2018, Grenoble.   Fig. 12 – Exhibitions as part of the artistic season Landscape > Landscapes 2018, Grenoble.

A : « Montagne défaite » par Olivier de Sépibus dans le jardin du Musée de l’Ancien Évêché ; B : « Paysages habités » par Mathieu Pernot dans le hall de la Maison de la Culture (MC2). Photographies : Charline Corubolo, 2018.
A: “Mountain defeated” by Olivier de Sépibus in the garden of the Museum of the Ancient Diocese; B: “Inhabited landscapes” by Mathieu Pernot in the lobby of the House of Culture (MC2). Photographs: Charline Corubolo, 2018.

52Dans cette même volonté de réactualisation des imaginaires, l’exposition « Paysages-in-situ » (Mouillon, 2017a) propose un face-à-face d’œuvres anciennes de peintres faites en Isère avec les mêmes paysages retrouvés et photographiés par le public, processus augmenté d’un site web interactif avec géolocalisation et recensement numérique dans le projet Arch-Manche, Archéologie, Art et Patrimoine côtier mené par Motte et Mc Inness (2019). Le travail de Joliet et al. (2004) s’appuie également sur un corpus de « représentations iconographiques en tant qu’outil de lecture du paysage perçu et représenté » : des œuvres picturales de J.M.W. Turner de 1826 et de J.-A. Mercier au cours de la seconde moitié du XXe siècle et des cartes postales de l’entre-deux guerres. L’analyse de la localisation, de la structure, des motifs emblématiques et de l’angle de prise de vue a permis de définir les répertoires et trajectoires paysagers de la Loire dans le département du Maine-et-Loire, qui semblent s’infléchir vers une plus grande « naturalité ».

53Le photographe Mathieu Pernot défend quant à lui l’idée « qu’une photographie de paysage est ennuyeuse. Elle ne l’est pas quand elle devient un point de vue, quand le dispositif énonce le fait qu’il est intéressant de regarder. C’est pour ça qu’une carte postale n’a en général pas beaucoup d’intérêt » (Mouillon, 2017b). Dans son travail « Paysages habités », il a observé la coexistence d’un double paysage depuis la fenêtre : le paysage urbain au premier plan et les montagnes au loin. L’intérêt pour notre travail est double. Ses images sont prises depuis les appartements de la Villeneuve, village olympique désormais très décrié et isolé au sud de Grenoble. Il ne privilégie pas le paysage de montagnes au détriment du paysage urbain : il photographie ce que le cadre de la fenêtre laisse et ne laisse pas voir. Il explique qu’« il existe l’expérience humaine du paysage, mais ici il y a l’expérience du paysage représenté » limitée au cadre de la fenêtre. Ces travaux artistiques et scientifiques sont témoins de volontés de changements de perspective, pour tendre vers une représentation dynamique et exhaustive des paysages, et une actualisation de nos imaginaires géographiques.

6.2. Protocole de représentation de la géodiversité des paysages

54Valoriser la géodiversité des paysages, et plus particulièrement ceux de l’« entre-deux », doit permettre de :

55• donner envie de s’y rendre tout en respectant ses éléments ;
• développer une identité de cet « entre-deux », un attachement au territoire ;
• lancer la discussion sur les valeurs paysagères abiotiques et la gestion de ces éléments dans l’« entre-deux ».

56Pour ce faire, nous proposons un protocole d’observation et de valorisation des valeurs paysagères abiotiques de l’agglomération dans le système valléen, sur les versants des massifs et sur les espaces considérés « de montagne ». Nous suivons une méthode de transect, inspirée des coupes géologiques et géomorphologiques dans la mesure où il s’agit d’» un dispositif d’observation de terrain ou la représentation d’un espace, le long d’un tracé linéaire et selon la dimension verticale, destiné à mettre en évidence une superposition, une succession spatiale ou des relations entre phénomènes » (Robic, 2004). Dans la lignée de Tixier (2016), nous souhaitons en faire de surcroît un parcours sensible où les différentes perceptions des participants enrichiront le rendu collectif.

57Il est important de réunir un grand nombre de participants afin de densifier le quadrillage des transects sur le territoire et de multiplier les matériaux. L’exercice est ouvert à toutes et à tous ; les pédologues, géographes, géomorphologues, géologues, hydrologues, historiennes et historiens, artistes, land-artistes étant bien entendu une précieuse ressource pour notre projet. Nous préconisons de les réunir lors d’un séminaire de lancement. En fonction du nombre de participants sera déterminé le nombre de transects : chaque transect se déroulera au mieux avec de 10 à 15 personnes, qui seront réparties selon leurs domaines de connaissances. Ensemble, nous proposerons de tracer des lignes rectilignes sur une carte de la région grenobloise, qui traversent les ensembles grossièrement définis précédemment de vallée, des versants des massifs et des espaces considérés « de montagne ». Ces lignes seront les traits de coupes schématiques qui seront dessinées, représentant la topographie, les couches géologiques, les sols et le réseau hydrographique souterrain et surfacique et mettront ainsi en évidence les grands ensembles de la géodiversité effective. Une fois sur le terrain, il s’agira de marcher au plus près de la ligne, à pied, en contournant les obstacles infranchissables. Le but est de ne pas préjuger de l’intérêt ou non d’un site en termes de géodiversité, et de faire des découvertes au fil de la marche. Il faudra évidemment consigner le tracé (ceci peut être fait par un traceur GPS), comme le montre l’un de nos transects réalisés, pour un travail sur la perception des paysages survolés en transport par câble (fig. 13).

Fig. 13 – Exemple de transect réalisé à la confluence du Drac et de l’Isère en 2018, à pied, le long du tracé du futur transport par câble.
Fig. 13 – Example of a transect carried out at the confluence of the Drac and Isère rivers in 2018, on foot, along the route of the future cable transport.

Fig. 13 – Exemple de transect réalisé à la confluence du Drac et de l’Isère en 2018, à pied, le long du tracé du futur transport par câble.   Fig. 13 – Example of a transect carried out at the confluence of the Drac and Isère rivers in 2018, on foot, along the route of the future cable transport.

A : Depuis un pont sur l’Isère vers le Néron (voir fig. 1) et son val perché ; B : Le Drac depuis la digue en rive gauche, en regardant vers le Néron. Photographies : Inès Hubert.
A: From a bridge over the Isère River to the Néron (see fig. 1) and its perched valley; B: The Drac River from the left bank dike, looking towards the Néron. Photographs: Inès Hubert.

58Avec un matériel se limitant à un appareil photographique, un carnet et/ou un sac de récolte, il s’agira pour les participants de se déplacer au plus près de la ligne définie et d’effectuer des arrêts à une fréquence de temps impartie où ils pourront réaliser deux photographies, qui selon eux représentent des éléments de géodiversité auxquels ils trouvent un intérêt. La fréquence de temps imposée permet de ne pas multiplier les prises de vue, qui ne pourront être exploitées ensuite si leur nombre est trop grand. La première devra être à hauteur des yeux, la seconde au sol et il faudra noter la raison de ses choix. Il faudra être attentif à la forme des reliefs, la composition et la disposition des roches, la nature des sols, le type d’occupation, les milieux aquatiques et le réseau hydrographique, les pierres de construction, etc. La taille, la texture, la couleur, l’odeur de ces éléments de géodiversité pourront être autant de motifs concourant à les photographier. Un ramassage de roches et matériaux abiotiques lors des arrêts ou une photographie s’ils ne peuvent être ramassés fournira un échantillon de la géodiversité rencontrée sur le trajet. Si aucun élément n’est visible à l’œil nu, le fait sera consigné.

59Une fois le transect achevé, deux étapes inséparables l’une de l’autre suivront. La première sera d’étoffer la coupe schématique du transect avec la géodiversité perçue par les participants. Une séance de travail en équipe de transect après le travail de terrain devra avoir lieu afin de co-construire le support réunissant la carte avec le tracé et la coupe étoffée des photographies et éléments glanés. La base de données interactives, utilisée notamment pour les Observatoires photographiques du paysage, est un outil dont il sera intéressant de s’inspirer. Celui du Pays Voironnais, qui jouxte la métropole grenobloise, propose d’ailleurs une plateforme à la fois pédagogique et participative
(https://www.paysagepaysvoironnais.com/​).
La seconde étape sera l’usage du support et son évaluation. Le public auquel il s’adresse et le choix des lieux d’exposition ou de présentation seront déterminants. Il faudra qu’il soit lisible par le plus grand nombre et ce dans tous les territoires, du plus « urbain » au plus « montagnard », en passant par toutes les formes hybrides. C’est pourquoi l’édition sous forme d’une carte de randonnées pourra être intéressante. Les acteurs publics, du tourisme et les chercheurs devront également pouvoir s’en saisir. Les dispositifs devront être évalués par la suite : quelles seront les réactions devant des représentations de l’« entre-deux » dans des lieux dédiés comme des musées ou les espaces publics urbains par exemple (fig. 12) ?

60Ce principe du transect pourrait être associé pertinemment avec le parcours de l’eau (Laroche et Tixier, 2019) et donc aider à une nouvelle perception de la géodiversité. Comme nous l’avons constaté dans le corpus d’images pour la promotion de la ville hôte des Jeux olympiques de 1968, le lien à l’eau est distendu dans l’agglomération de Grenoble. Des fonctions sont assignées à certains cours d’eau, principalement l’Isère qui est paradoxalement très aménagée mais peu accessible à d’autres sens que la vue. D’autres sont méconnus, mis à distance ou enfouis. Or, l’eau et la composante torrentielle ont une grande importance. Elles ont modelé les paysages après la dernière glaciation et ont fait accéder Grenoble à son « destin » industriel. L’Isère et le Drac, surnommés respectivement le Serpent de par ses méandres et le Dragon de par sa force, n’ont pas toujours été ce qu’ils sont aujourd’hui. Leurs crues ont rythmé l’existence des populations (Astrade et al., 2019). L’eau et sa force motrice ont inspiré les papeteries, la ganterie, le ciment, l’électrométallurgie, puis l’électricité. Des questionnements contemporains surgissent, directement liés au changement climatique et à l’érosion de la biodiversité et de la géodiversité : comment apporter de la fraîcheur en ville ? Comment préserver, créer, renforcer des corridors écologiques ? Comment prévenir des risques naturels ? Comment vont évoluer les barrages ? La composante hydrologique était jusqu’à peu absente du discours sur le paysage urbain et des versants périurbains et ruraux. À l’occasion du Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi, https://www.lametro.fr/​646-les-documents-du-plui.htm ; Ville de Grenoble, Grenoble Alpes Métropole, 2016), la Métropole s’est saisie de ces questions et tente de les révéler sur la place publique via des débats et expositions itinérantes. En appui à ces démarches, il serait pertinent de reproduire le protocole que nous proposons en suivant le fil de l’eau depuis les sources de l’Isère, du Drac, de la Gresse ou de la Romanche. L’eau, qu’elle soit en surface ou souterraine, déterminerait le tracé du transect. Sur notre passage, des aménagements hydrauliques pourraient être visités. Ainsi, suivre l’eau révèlerait des connaissances à la fois géologiques, pédologiques, géomorphologiques et historiques et serait un moyen de renouer avec la géodiversité de l’agglomération. En effet, utiliser l’eau comme fil conducteur permettrait de faire le lien entre les éléments centraux de la géodiversité de Grenoble : les roches et leurs perméabilités diverses, la géomorphologie, son influence sur les pentes et donc sur le cheminement de l’eau, tout en renforçant le lien entre la géodiversité et son utilisation par la société.

7. Conclusion

61À l’issue de ce travail, il nous apparaît que la géodiversité n’est pas neutre, contrairement à ce que pourraient faire penser les définitions scientifiques de la géodiversité comme par exemple celle de Gray (2013) ; elle est perçue par les acteurs du territoire et les habitants, et donc construite socialement. Le choix que nous avons fait de distinguer « géodiversité effective » et « géodiversité perçue » permet de saisir ce double statut de la géodiversité. Notre travail a permis dans un premier temps de montrer le hiatus entre la géodiversité effective de la région grenobloise, dont il a été démontré depuis des décennies qu’elle est particulièrement riche, et la géodiversité perçue telle qu’elle est représentée sur un échantillon d’images de promotion de la ville alpine à ses heures de gloire lors des Jeux olympiques d’hiver de 1968. Notre deuxième résultat est que la géomorphologie domine certaines représentations cartographiques de la géodiversité effective et qu’elle est souvent le seul élément de géodiversité que l’on retrouve sur les images de promotion touristique étudiées. Un troisième résultat est que les rares éléments de géodiversité dans la partie centrale urbaine ne sont de surcroît quasiment pas représentés, ce qui crée une situation de quasi a-géodiversité perçue. Enfin, les espaces situés entre la ville et la montagne sont largement sous-représentés, et ce malgré l’emprise majoritaire de ces territoires dans la région grenobloise et la diversité des paysages et des situations géologiques, géomorphologiques, hydrologiques et pédologiques qu’ils offrent, ce qui conduit à une sous-représentation de la géodiversité. Forts de ces résultats, nous avons pu proposer une méthode par transects à travers la région grenobloise et de mises en images afin de redonner une vision plus exhaustive de sa géodiversité.

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Annexe

Abridged English version

As early as the 18th century, many scientists made the mountains, and even more so the Alps, their favorite object, sometimes overshadowing the valleys where cities were established. This research has expanded to the present day and has shed light on the common geohistory of the “valley city” and the “mountain”. Nevertheless, even if scientific production now covers the areas from the city to the mountains, it seems to suffer from unequal recognition. The effective landscape richness of these territories is indeed perceived unequally in cities, between cities and mountains, and in mountains.

The concept of the physical geography of the mountain based on slope and difference in elevation – which itself does not enjoy consensus within the community – is intertwined with a set of symbols and ideology (Bras et al., 1984). The mountain would oppose the city through the calm, solitude and contemplation it offers, as well as the opportunities to overcome its physical and mental limits (Vanier, 2005). This cleavage contributes to the sanctuarization of mountain landscapes. However, the cities that describe themselves as “alpine”, and especially Grenoble, have a history closely linked to the abiotic resources of mountainous territories. Since deindustrialization in the 1960s, the massifs surrounding Grenoble have been used primarily for visual purposes to promote the Alpine city. We seek to determine what this reveals about the attention given to landscapes and their abiotic components of geodiversity (Gray, 2013; Serrano and Ruiz-Flaño, 2013; Pereira et al., 2013; Bétard and Peulvast, 2019) depending on whether they are located in cities, between cities and mountains, or in mountains. The observation of gaps between what we call “effective geodiversity” and “perceived geodiversity” would thus reveal the links between the city-centre of Grenoble, its periphery which runs as far as the mountainsides and the slopes of the surrounding mountains.

To do this, we first analyzed the literature and cartographic documents from works in geology, geomorphology, hydrology and pedology, in order to characterize what we call the “effective geodiversity” in the study area. Then we looked at a corpus of 38 photographs used for postcards to promote the Alpine city during the Olympic Winter Games hosted by Grenoble in 1968. This allowed us to analyze the culturally “perceived geodiversity”.

Following the work of characterizing the effective geodiversity of the study site, we concluded that Grenoble, its agglomeration and the parts close to the surrounding mountains have been the subject of prolific research in geology, geomorphology, pedology and hydrology. The maps reveal that geodiversity is very rich and that the elements of the different spaces are interdependent. Current geomorphological models have been guided by lithology and folds, as well as Quaternary morphologies and deposits. The hydrographic network, itself directly linked to the spatialization of soils and landforms, is the main morphogenic agent today. Surveys of geodiversity elements are based on cartographic data and their comparison has confirmed the importance of the site’s geomorphology.

The study of the perceived geodiversity was conducted in several stages. First, we subdivided the geological, i) geomorphological, ii) hydrological iii) and pedological iv) categories as follows: i) crystalline massif - marl and limestone massif; ii) alluvial plain - mountainside - bordering hill – plateau; iii) watercourses - lake/wetland; iv) urbanized area - non-sealed soil - “natural” stream bed - fluvio-glacial/moraine terrace - limestone cliff.

In a second step, we determined whether or not they were present in each of the 38 photographs in the corpus. Our first observation is that the geology and detailed pedology of the site are under-represented and the elements of the mountain slopes prevail. A second observation is that the hydrological components of the study area are limited to the Isère River and its developments. Finally, the particularities of the geomorphological base are presented with a predominance of the landforms of the highest massif, the crystalline massif of Belledonne. The geomorphology of mountainous landscapes is therefore the main element of geodiversity presented to the general public in these tourism promotion photographs.

Another result of the study is that the images show the urbanity of the city centre in the foreground and the mountain slopes in the background. With a few exceptions, geodiversity was rarely known and valued in the city in the late 1960s. This way of representing dominant postcards in the corpus of images contributes to accentuating some of the characteristics criticized over the past fifty years: a stifling, artificialized city, which distances its rivers.

Moreover, the area between town and mountain is almost unrepresented. These images show how little consideration is given to the in-between areas. This omission could be due to two factors. The first is that the in-between would not be worthy of interest because it would not illustrate any “natural” or “historical” cultural heritage: it would be crushed between the massifs that seem to have only been inherited from geological times and the city with its buildings that bear witness to the constantly evolving history. The second is that it would be considered ugly and banal. However, geological, pedological and hydrological maps show that the in-between region has a large abiotic variety. In addition, in photographs where the in-between is visible, a greater variety of landscapes is to be noted. These landscapes bear witness to the tension between the alluvial plain and the mountains, and reveal the history of both. It is in these territories that the interfaces between the city and the environment are created. They can be a laboratory of development in order not to reproduce the mistakes of the central city.

To conclude, we propose a protocol for observing and enhancing the abiotic landscape values of the agglomeration in the system of valleys, on the slopes of the massifs and on the areas considered as “mountain”. We follow a transect method (Tixier, 2016), inspired by geological and geomorphological sections, which is a path along a line drawn on a map crossing the roughly defined sets. This will involve moving along the defined line and making stops where participants will take photographs and collect rocks and abiotic materials. A support joining the map with the layout and the detailed section of the photographs and collected elements will be made. It would be relevant to expose and publish it in order to propose a narrative of the “cultural” and “natural” geohistory between the inhabitants and their landscapes.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Localisation de la région d’étude. Fig. 1 – Location of the study area.
Crédits Source : Géoportail. © Inès Hubert.
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/13701/img-1.png
Fichier image/png, 195k
Titre Fig. 2 – Emprises des principaux types d’espace de l’agglomération grenobloise et mise en évidence de l’extension des enceintes de la ville du IVe siècle à 2015. Fig. 2 – The urban area of Grenoble between the fourth century and 2015.
Légende A : Carte de l’occupation du sol, Métropole grenobloise, 2005. Enceintes du IVe siècle à 1880 (Astrade et al., 2019). 1. Emprise des logements ; 2. Emprise des infrastructures non vouées à l’habitat ; 3. Emprise agricole ; 4. Emprise des espaces boisés ; 5. Emprise des affleurements principalement rocheux ; 6. Cours d’eau ; 7. Enceintes successives de la ville du IVe siècle à 1880 ; 8. Localisation des cartes postales de la fig. 8. Source : © SPOT image 2005 – BD Carto IGN 1992, AURG ; B : Photographie aérienne, Métropole grenobloise, 12/08/2015. A: Map of land occupation, Grenoble metropolis, 2005. City walls from the fourth century to 1880 (Astrade et al., 2019). 1. Housing extent; 2. Infrastructures not dedicated to housing; 3. Agricultural areas; 4. Forests and wooded areas; 5. Rocky outcrops; 6. Rivers; 7. Successive enclosures of the city from the 4th century to 1880; 8. Location of the postcards represented on fig. 8. Source : © SPOT image 2005 – BD Carto IGN 1992, AURG; B: Air photo, Grenoble Metropolis, 12/08/2015.
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/13701/img-2.png
Fichier image/png, 5,6M
Titre Fig. 3 – Photographies du et depuis le Plateau des Petites Roches, témoins de la géodiversité de la région grenobloise. Fig. 3 – Photographs of and from the Plateau des Petites Roches, evidence of the geodiversity of the Grenoble region.
Légende A : Depuis le plateau. À l’arrière-plan, le massif cristallin de Belledonne. Photographie : Inès Hubert, 2016 ; B : Au pied du plateau depuis la vallée de l’Isère (vallée du Grésivaudan). À l’arrière-plan, les flancs calcaires de la Chartreuse. Photographie : Inès Hubert, 2016 ; C : Depuis les crêtes des contreforts calcaires de Chartreuse. Au premier plan, le rebord du plateau. Au deuxième plan, la vallée de l’Isère (Grésivaudan). À l’arrière-plan, les collines bordières du massif cristallin de Belledonne. Photographie : Inès Hubert, 2018. A: From the plateau. In the background, the crystalline massif of Belledonne. Photograph: Inès Hubert, 2016; B: At the foot of the plateau from the Isère valley (Grésivaudan valley). In the background, the limestone slopes of the Chartreuse. Photograph: Inès Hubert, 2016; C: From the crests of the Chartreuse limestone foothills. In the foreground, the edge of the tray. In the first background, the Isère valley (Grésivaudan). In the background, the edge hills of the Belledonne crystalline massif. Photograph: Inès Hubert, 2018.
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/13701/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 3,3M
Titre Fig. 4 – Carte géologique de la région de Grenoble au 1/50,000, d’après les données de la BD Charm-50 (BRGM). Fig. 4 – Geological map of Grenoble area at scale 1:50,000, from the Charm-50 database (BRGM).
Légende 1. Alluvions actuelles et récentes ; 2. Cônes torrentiels post-würmiens et holocènes ; 3. Dépôts glaciaires principalement du Würm (till) ; 4. Complexe calcaire urgonien : masse urgonienne supérieure (Aptien inférieur) ; 5. Complexe calcaire urgonien : calcaires et marnes (Barrémien inférieur) ; 6. Calcaires cristallins massifs à silex (Campanien terminal – Maastrichtien) ; 7. Lauzes et formations biodétritiques diverses (Campanien) ; 8. Formation de Bramefarine : alternance de bancs calcaires et de schistes (Bajocien inférieur) ; 9. Gneiss, leptynites et micaschistes ; 10. Amphibolites : « ophiolites » de Chamrousse, complexe de Belledonne (Précambrien). Pour un aperçu complet de la légende, se référer à la carte géologique du BRGM et à sa notice (feuille Grenoble), également consultable sur le site http://infoterre.brgm.fr/​. Mise en forme : Léa Paly. Source des données géologiques : https://www.data.gouv.fr/​fr/​datasets/​cartes-geologiques-departementales-a-1-50-000-bd-charm-50/​ 1. Modern and recent alluvium; 2. Post-Würmian and Holocene torrential cones; 3. Glacial deposits or till (mainly Würmian); 4. Limestone Urgonian Complex: Upper Urgonian (Lower Aptian); 5. Limestone Urgonian Complex: limestones and marls (Lower Barremian); 6. Crystalline limestones with flint (Upper Campanian – Maastrichtian); 7. “Lauzes” and various biodetritic formations (Campanian); 8. Bramefarine Formation: alternation of limestones and schists (Lower Bajocian); 9. Gneiss, leptynites and micaschists; 10. Amphibolites: “Ophiolites” of Chamrousse, Belledonne Complex (Precambrian). For a complete overview of the legend, please refer to the BRGM geological map and the associated leaflet (Grenoble sheet), also available on http://infoterre.brgm.fr/​. Cartographic design: Léa Paly. Source of geological data: https://www.data.gouv.fr/​fr/​datasets/​cartes-geologiques-departementales-a-1-50-000-bd-charm-50/​
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/13701/img-4.png
Fichier image/png, 6,4M
Titre Fig. 5 – Extrait de la carte géomorphologique détaillée de Grenoble au 1/50,000, (Chardon et al., 1980). Fig. 5 – Extract from the detailed geomorphological map of Grenoble at scale 1:50,000 (Chardon et al., 1980).
Légende Pour la légende et la notice, consulter la carte originale ; voir également les descriptions dans le texte. For the legend and instructions, consult the original map; see also descriptions into the text.
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/13701/img-5.png
Fichier image/png, 7,6M
Titre Fig. 6 – Carte des sols de l’Isère. Fig. 6 – Soil map of the Isère department.
Légende 1. Sols des plaines alluviales récentes ; 2. Sols des plaines et terrasses anciennes ; 3. Sols des placages limoneux ; 4. Sols des paysages morainiques ; 5. Sols des collines et versants des formations miocènes ; 6. Sols des colluvions et cônes de déjection ; 7. Sols des plateaux villafranchiens de Bonnevaux et Chambaran ; 8. Sols du plateau jurassique de l’Île Cremieu et du Chaînon du Ratz ; 9. Sols des piémonts et glacis de raccordement ; 10. Sols des croupes et versants des roches en place ; 11. Sols des croupes et versants des matériaux hérités ; 12. Sols des hauts plateaux du Vercors et de la Chartreuse ; 13. Sols des reliefs majeurs sous la limite de la forêt ; 14. Sols de la haute montagne ; 15. Neiges et glaciers. Adapté d’après INRA, Ministère de l’Agriculture, 2000. 1. Soils of recent alluvial plains; 2. Soils of ancient terraces and plains; 3. Soils of silty deposits; 4. Soils of morainic landscapes; 5. Soils of hilly landscapes shaped in Miocene formations; 6. Soils of colluvial cones; 7. Soils of the Jurassic plateaus of Île Cremieu and Chaînon du Ratz; 9. Soils of piedmont and glacis; 10. Soils of hilly landscapes with rock outcrops; 11. Soils of hilly landscape with inherited materials; 12. Soils of the upper plateaus of Vercors and Chartreuse; 13. Soils of major reliefs below tree-line; 14. Soils of high mountainous areas; 15. Snow and glaciers. Adapted from INRA, Ministry of Agriculture, 2000.
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/13701/img-6.png
Fichier image/png, 8,9M
Titre Fig. 7 - Carte du réseau hydrographique superficiel de la région grenobloise. Fig. 7 – Map of the surficial hydrographic network of the Grenoble region.
Crédits Source : Géoportail, 2019.
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/13701/img-7.png
Fichier image/png, 10M
Titre Tab. 1 – Occurrence des éléments de géodiversité sur un échantillon du corpus de cartes postales éditées pour les Jeux Olympiques de 1968. Tab. 1 – Occurrence of geodiversity elements on a sample of the postcard corpus published for the 1968 Olympic Games.
Légende Les lettres A, B, C, D, E, F se réfèrent aux images de la fig. 8. The letters A, B, C, D, E, F refer to the images represented on fig. 8.
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/13701/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 176k
Titre Fig. 8 – Extrait du corpus de cartes postales éditées pour les Jeux Olympiques de 1968, dont les points de vue sont localisés en fig. 2. Éditions André et La Cigogne. Fig. 8 – Postcards published for the 1968 Olympic Games, whose points of view are located in fig. 2. André and La Cigogne Editions.
Légende A : Quais de l’Isère, téléphérique de la Bastille et chaîne de Belledonne ; B : Arrivée à Grenoble par la route de Chamrousse ; C : Village olympique ; D : Grenoble Ville Olympique, vue générale ; E : Grenoble Ville Olympique, les tours de l’Ile Verte ; F : Chaîne de Belledonne. A: Quays of the Isère River, Bastille cable car and Belledonne range; B: Arrival in Grenoble by the Chamrousse road; C: Olympic Village; D: Grenoble Olympic City, general view; E: Grenoble Olympic City, the towers of Ile Verte; F: Belledonne range.
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/13701/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 2,9M
Titre Fig. 9 – Photographies des lisières entre la ville et les montagnes de la région grenobloise. Fig. 9 – Photographs of the borders between the city and the mountains of the Grenoble region.
Légende A : Depuis une colline bordière dans la commune de Venon (voir fig. 1). Au deuxième plan, le système valléen de Grenoble surplombé par le Mont Rachais (voir fig. 1). À l’arrière-plan, le Vercors. Photographie : Inès Hubert, 2016 ; B : Depuis le sommet de Chamechaude (voir fig. 1) en Chartreuse. Au premier plan, la pente calcaire. Au loin, le Néron (voir fig. 1) et Grenoble. Photographie : Inès Hubert, 2017 ; C : Depuis la vallée de l’Isère vers les contreforts du Vercors. À l’arrière-plan, les carrières de Noyarey (voir fig. 1). Photographie : Inès Hubert, 2019. A: From a bordering hill in the commune of Venon (see fig. 1). In the first background, the Grenoble valley system overlooked by Mont Rachais (see fig. 1). In the background, the Vercors. Photograph: Inès Hubert, 2016; B: From the summit of Chamechaude (see fig. 1) in Chartreuse. In the foreground, the limestone slope. In the distance, the Néron (see fig. 1) and Grenoble. Photograph: Inès Hubert, 2017; C: From the Isère valley towards the foothills of the Vercors. In the background, Noyarey’s quarries (see fig. 1). Photograph: Inès Hubert, 2019.
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/13701/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 2,9M
Titre Fig. 10 – Cartes postales éditées entre 1900 et 1920 montrant les activités industrielles à Séchilienne et au Sappey-en-Chartreuse. Fig. 10 – Postcards published between 1900 and 1920 showing industrial activities in Séchilienne and Sappey-en-Chartreuse.
Légende A : Cimenterie du Sappey-en-Chartreuse ; B : Conduite forcée de l’usine hydroélectrique à Séchilienne. A: Cement plant of Sappey-en-Chartreuse; B: Forced water line of hydroelectric plant of Séchilienne.
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/13701/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 1,9M
Titre Fig. 11 – La géodiversité expliquée au public sur le promontoire de la Bastille. Fig. 11 – Geodiversity explained to the public on the Bastille promontory
Crédits Photo : Emmanuel Reynard, 2017.
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/13701/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 1,3M
Titre Fig. 12 – Expositions dans le cadre de la saison artistique Paysage > Paysages 2018, Grenoble. Fig. 12 – Exhibitions as part of the artistic season Landscape > Landscapes 2018, Grenoble.
Légende A : « Montagne défaite » par Olivier de Sépibus dans le jardin du Musée de l’Ancien Évêché ; B : « Paysages habités » par Mathieu Pernot dans le hall de la Maison de la Culture (MC2). Photographies : Charline Corubolo, 2018. A: “Mountain defeated” by Olivier de Sépibus in the garden of the Museum of the Ancient Diocese; B: “Inhabited landscapes” by Mathieu Pernot in the lobby of the House of Culture (MC2). Photographs: Charline Corubolo, 2018.
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/13701/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 2,2M
Titre Fig. 13 – Exemple de transect réalisé à la confluence du Drac et de l’Isère en 2018, à pied, le long du tracé du futur transport par câble. Fig. 13 – Example of a transect carried out at the confluence of the Drac and Isère rivers in 2018, on foot, along the route of the future cable transport.
Légende A : Depuis un pont sur l’Isère vers le Néron (voir fig. 1) et son val perché ; B : Le Drac depuis la digue en rive gauche, en regardant vers le Néron. Photographies : Inès Hubert. A: From a bridge over the Isère River to the Néron (see fig. 1) and its perched valley; B: The Drac River from the left bank dike, looking towards the Néron. Photographs: Inès Hubert.
URL http://journals.openedition.org/geomorphologie/docannexe/image/13701/img-14.png
Fichier image/png, 3,3M
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Pour citer cet article

Référence papier

Inès Hubert, Emmanuel Reynard et Nathalie Carcaud, « Donner à voir la géodiversité de la région grenobloise et dépasser le clivage ville / montagne à travers le prisme du paysage et de ses représentations »Géomorphologie : relief, processus, environnement, vol. 25 - n° 4 | 2019, 233-252.

Référence électronique

Inès Hubert, Emmanuel Reynard et Nathalie Carcaud, « Donner à voir la géodiversité de la région grenobloise et dépasser le clivage ville / montagne à travers le prisme du paysage et de ses représentations »Géomorphologie : relief, processus, environnement [En ligne], vol. 25 - n° 4 | 2019, mis en ligne le 19 décembre 2019, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/geomorphologie/13701 ; DOI : https://doi.org/10.4000/geomorphologie.13701

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Auteurs

Inès Hubert

Laboratoire ESO-Angers, UMR6590 CNRS – Faculté des lettres, langues et sciences humaines, Maison de la Recherche G.Tillion, 5b bd Lavoisier – ESO, 49045 Angers Cedex 01, France (in.s.hubert@gmail.com). Tél : +33 (0)2 41 22 63 49.

Emmanuel Reynard

Université de Lausanne, Institut de géographie et durabilité et Centre interdisciplinaire de recherche sur la montagne, Géopolis, CH – 1015 Lausanne, Suisse (emmanuel.reynard@unil.ch).

Articles du même auteur

Nathalie Carcaud

Laboratoire ESO-Angers - UMR6590 CNRS – Département MilPPaT, AGROCAMPUS OUEST, 2 rue André Le Nôtre, 49045 Angers Cedex 01, France (nathalie.carcaud@agrocampus-ouest.fr).

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