Christophe Randin

Christophe Randin

Christophe Randin est privat-docent au Département d’écologie et d’évolution de la Faculté de biologie et médecine. Il est également directeur du jardin botanique alpin Flore-Alpe et du centre alpien de phytogéographie (CAP) à Champex-Lac. Il est l’un des porteurs du projet BlueMount, projet prioritaire du CIRM.

 

Entretien du 14 décembre 2021 

 

Mélanie Clivaz (MC) : En tant que biogéographe, quels sont tes axes de recherche ?

 

Christophe Randin (CR) : La biogéographie se situe à l’interface entre la géographie et l’écologie, en combinant encore souvent d’autres disciplines des sciences de l’environnement. Elle tente de répondre à cette question simple mais fondamentale : « Pourquoi trouve-t-on une espèce ici et pas ailleurs, et quels sont les facteurs qui font son succès ? ».

 

Je travaille sur la réponse des végétaux au réchauffement climatique, à la limite de la forêt et dans les pelouses alpines. Les données que j’utilise sont issues d’observations à long-terme, sur une à plusieurs décennies.

 

Depuis 2020, je m’intéresse aussi à l’évolution des prairies de moyenne montagne dans le cadre du projet LABEAU IRRIGATION d’Emmanuel Reynard et en collaboration avec d’autres chercheurs du CIRM. Ces prairies sont des écosystèmes semi-naturels, les facteurs anthropiques sont aussi importants que d’autres facteurs de l’environnement tel que le climat et des approches multidisciplinaires sont donc nécessaires.

 

 

MC : Tu es l’un des porteurs du projet BlueMount. Comment est née l’idée de mettre en place un observatoire des montagnes ?

 

CR : L’idée a émergé lors d’un workshop en 2017 à Obergurgl qui portait sur les recherches à long-terme dans les régions de montagne. Avec ma collègue Davnah Urbach, nous avons réalisé que de nombreux projets et sites de monitoring à long terme en montagne n’observaient qu’une seule dimension d’un système (par exemple le climat sans les écosystèmes ou vice versa), sans vision holistique et intégrative nécessaire à l’étude de nombreux processus spécifiques aux montagnes. De plus, il n’y a pas forcément la volonté de transférer les données et les connaissances générées vers les collectivités publiques ou les gestionnaires de l’environnement de montagne alors que les enjeux sont importants dans le contexte des changements globaux. Nous avons donc commencé à imaginer une structure qui combinerait recherche et communication au travers du monitoring. Sur le chemin, nous avons réalisé qu’une initiatives similaires est en cours dans l’Arctique norvégien (Climate-ecological Observatory for Arctic Tundra ; COAT) et nous aimerions l’adapter pour les Alpes.

 

 

MC : Quelles sont les missions et objectifs de cet observatoire ?

 

CR : Notre objectif est de créer un observatoire à long terme des systèmes socio-écologiques de montagne, avec un fort ancrage régional et avec la double mission d’être au service de la recherche et des politiques publiques environnementales.

 

Nous voudrions ainsi faciliter le dialogue entre science et administrations publiques dans les régions de montagne, promouvoir la recherche interdisciplinaire à long terme nécessaire à une gestion des environnements de montagne et apporter une contribution scientifique au pilotage des politiques publiques.

 

 

MC : Quel est l’avancement du projet ?

 

CR : Notre projet « seed » financé par le CIRM en 2020 a consisté à établir un état des lieux des sites de recherche environnementale à long terme dans les montagnes suisses. Nous avons aussi développé lors de cette première phase une ébauche de modèle conceptuel d’observation qui permette une vraie intégration des dimensions sociales, sociétales et écologiques propres aux environnements de montagne. Ce modèle doit servir de canevas pour le monitoring à long terme de l'observatoire. 

 

Le projet est actuellement dans sa deuxième phase durant laquelle il s’agit de consolider et tester le modèle conceptuel d’observation grâce au travail de recherche postdoctorale d’Hélène Cristofari au sein du CIRM. Un projet financé par l’OFEV est conduit en parallèle pour développer une série d’indicateurs de l’évolution du paysage.

 

Nos objectifs à long terme et pour une troisième phase sont de déployer un observatoire intégré en fédérant les efforts déjà en cours dans les sites identifiés lors de la première phase. Nous aimerions aussi pouvoir centraliser dans une structure commune les données produites pour la recherche et pour la production d’indicateurs à destination des gestionnaires et des politiques publiques de l’environnement.

 

 

MC : Comment se passe la collaboration avec les chercheurs d’autres disciplines impliqués dans ce projet ?

 

CR : Durant la première phase du projet, 18 chercheurs affiliés au CIRM et venant des sciences naturelles, sociales et politiques ont activement participé à l’élaboration du modèle d’observation. Il est clair que la mise en œuvre d’un tel observatoire et l’adhésion à son modèle d’observation n’est pas envisageable sans une co-construction interdisciplinaire. La formation double en écologie et anthropologie d’Hélène Cristofari aide aussi beaucoup à la consolidation du modèle d’observation.

 

 

MC : Quel est le retour de la part des administrations publiques (communes) par rapport à ce projet ?

 

CR : Il y a actuellement une demande des exécutifs de certaines communes de régions de montagne pour que le monitoring fournisse des indicateurs de l’évolution de leur territoire, en particulier pour la forêt et les usages de l’eau.

 

 

MC : À côté de tes activités à l’UNIL, tu es directeur du Centre alpien de phytogéographie (CAP) à Champex-Lac. Quelles recherches sont menées par ce Centre ?

 

CR : Ce sont exclusivement des recherches basées sur des protocoles d’observations à long terme depuis 1991, complétées par des travaux d’étudiants. Elles traitent notamment de l’impact du réchauffement climatique sur l’élévation de la limite supérieure de la forêt. Dans ce but, la croissance et la phénologie d’espèces clé telles que l’arole, le mélèze ou l’épicéa sont étudiées en parallèle à des mesures du climat.

 

Des observations à long terme de la végétation de l’étage alpin sont également en cours depuis 25 ans au moyen de placettes permanentes situées entre la limite supérieure de la forêt et l’étage nival. Depuis 2001, le CAP participe au réseau GLORIA de suivi de la végétation alpine. La végétation de quatre sommets de l’Entremont est inventoriée tous les sept ans, simultanément avec les sommets de 30 autres sites en Europe. Prochaine visite en été 2022 !

 

 

MC : Tu es également directeur du Jardin botanique alpin Flore-Alpe à Champex-Lac. Peux-tu nous en dire plus sur le jardin et sur les activités proposées ?

 

CR : Le jardin a une valeur paysagère, avec ses rocailles qui surplombent le lac de Champex et qui font face aux Combins. Il a aussi une valeur pédagogique, car 4000 espèces de plantes et nombreux milieux de montagne y sont présentés. Nous proposons des visites du jardin et des excursions, y compris durant les vacances en hiver, lors desquelles nous communiquons sur les recherches du CAP et plus largement sur le fonctionnement des écosystèmes de montagne.

 

La médiatrice scientifique du jardin, Lucienne Roh, participe au projet du CIRM Val d’Hérens 1950-2050 en proposant un projet d’enquête participative sur les plantes patrimoniales.

 

 

 

Découvrez le Jardin botanique alpin Flore-Alpe : 
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