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Dans une économie mondiale où les pays se livrent une concurrence féroce pour attirer l’investissement étranger direct, le Prof. José Mata offre quelques conseils aux décideurs politiques désireux de tirer le maximum des incitations fiscales spécifiques à l’investissement – notamment des exonérations fiscales.
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Le développement d’une économie résolument mondialisée a créé un paysage économique où les nations se confrontent les unes aux autres dans le but d’attirer des entreprises étrangères sur leurs côtes. Ce type d’investissement étranger présente de nombreux avantages pour les pays d’accueil, en particulier pour les économies en développement. Les entreprises qui investissent peuvent créer des emplois et ont souvent une productivité plus élevée, apportant ainsi un nouveau savoir-faire qui peut avoir des retombées sur les entreprises locales.
Une méthode couramment utilisée pour attirer l’investissement étranger direct consiste à offrir des incitatifs fiscaux, comme des exonérations fiscales, aux entreprises étrangères qui investissent dans le pays. Toutefois, dans une économie mondiale très mobile, le défi pour les pays d’accueil est de persuader les entreprises de rester après la réduction ou la suppression des incitations fiscales, car il peut être relativement facile pour les entreprises de fermer et de déménager pour profiter des avantages fiscaux offerts dans un autre pays.
C’est une question sur laquelle José Mata, Professeur à HEC Lausanne, Université de Lausanne, s’est penché avec son collègue Paulo Guimarães, économiste à la Banque du Portugal et Professeur à l’Université de Porto. À l’aide de données provenant de Porto Rico, où des exonérations fiscales (qui sont ensuite supprimées) ont été utilisées pour attirer des entreprises étrangères, leur recherche identifie trois facteurs qui affectent la sensibilité d’une entreprise face à une réduction des avantages fiscaux. Ce faisant, José Mata, qui estime que les résultats de la recherche peuvent être généralisés à d’autres pays, est en mesure de fournir des conseils pertinents aux pays hôtes qui souhaitent tirer le meilleur parti de telles mesures fiscales.
L’un des facteurs, décrit dans la recherche comme une « asymétrie de l’information », a trait au degré de connaissance et d’information dont dispose une entreprise au sujet de ses activités dans un pays hôte potentiel. Moins une entreprise a de connaissances sur l’environnement des affaires dans un pays donné – sur l’infrastructure, le niveau de compétence de la main-d’œuvre, le coût des affaires, la gouvernance et ainsi de suite – plus elle est susceptible de formuler des conditions d’investissement qui garantissent un niveau plus élevé de bénéfices. En accordant des incitations fiscales, le gouvernement du pays d’accueil abaisse ce seuil et attire des entreprises qui, autrement, s’abstiendraient d’investir.
Une entreprise qui en sait déjà beaucoup sur le pays hôte est plus susceptible de s’y installer uniquement pour bénéficier de l’allégement fiscal, plutôt que dans le but d’acquérir des connaissances sur la façon de faire des affaires dans ce pays. Ainsi, si l’allégement fiscal est réduit ou supprimé par la suite, il y a moins de facteurs permettant d’empêcher cette entreprise de s’installer dans un pays ayant un régime fiscal plus favorable. Comparons cela à une entreprise moins bien informée, qui pourrait découvrir qu’elle est en mesure de bénéficier de gains d’efficience supplémentaires, en plus des incitatifs fiscaux. Celle-ci a ainsi l’occasion de découvrir la manière de faire des affaires dans le pays d’accueil et, si cette expérience est favorable, elle peut rester même si les avantages fiscaux sont réduits ou supprimés.
José Mata et son co-auteur ont également découvert que si le pays d’accueil compte une importante population migrante provenant du même pays, cette population fait office de vecteur pour la transmission de connaissances vers et dans le pays d’origine. En conséquence, une entreprise originaire de ce même pays bénéficie de nombreuses connaissances sur le pays d’accueil et se montre dès lors plus sensible à une réduction des incitations fiscales.
Un deuxième facteur est le degré de difficulté lié à une relocalisation. Une entreprise qui réalise des investissements qui ne sont pas facilement récupérables en cas de départ, tels que les coûts de formation des employés locaux, est plus susceptible de rester dans un pays.
Un troisième facteur révélé par cette recherche est l’attraction gravitationnelle que les pôles industriels exercent sur les entreprises. Une entreprise qui s’installe dans une région en développement économique est plus susceptible de rester si les incitatifs fiscaux sont réduits qu’une entreprise qui s’installe dans une région à faible croissance. Toutefois, cela n’est vrai que lorsque la croissance économique se concentre sur une activité particulière, plutôt que sur une région connaissant une croissance économique générale. L’attrait de ce pôle industriel est en partie dû à la disponibilité d’une main-d’œuvre spécialisée.
Ces résultats permettent à José Mata d’offrir un certain nombre d’indications sur lesquelles les décideurs politiques, les associations professionnelles et les autres parties prenantes devraient se concentrer s’ils veulent tirer le meilleur parti possible des incitations à l’investissement étranger.
Les pays qui cherchent à attirer des entreprises par le biais d’incitations fiscales devraient cibler les entreprises des pays qui en savent moins sur le pays de destination. Ils devraient également favoriser l’arrivée d’entreprises dans un effort concerté, pour une période limitée dans le temps, plutôt que d’avoir un afflux moins important mais régulier. L’objectif est de créer une certaine dynamique, de sorte que la présence d’une entreprise bénéficie de celle des autres.
Il convient également de cibler les entreprises à plus forte intensité de compétences et désireuses d’investir dans la formation de la main-d’œuvre à l’échelle locale. En outre, il est utile de développer et de promouvoir des pôles sectoriels spécialisés, aussi bien nouveaux qu’existants, auprès des investisseurs potentiels. Il est toutefois intéressant de noter que si un pôle sectoriel est suffisamment fort, des incitations fiscales supplémentaires peuvent se révéler superflues pour convaincre les entreprises de s’y installer.
Enfin, José Mata souligne qu’étant donné la sortie imminente du Royaume-Uni de l’UE et la nécessité accrue d’attirer des investissements indépendamment de l’appartenance ou non à l’UE, les décideurs politiques gagneraient à prendre en considération ces éléments de réflexion. En effet, toute tendance naturelle à offrir des incitations fiscales à des entreprises issues de pays où l’on dispose déjà d’une bonne connaissance de l’environnement économique du Royaume-Uni ne représenterait peut-être pas un usage optimal de l’argent du contribuable.
Papier de recherche: Temporary investment incentives and divestment by foreign firms, José Mata and Paulo Guimarães, Oxford Economic Papers, Volume 71, Issue 1, 1 January 2019, Pages 166–186
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