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Constatant que les spécialistes en marketing utilisent des outils de plus en plus sophistiqués pour améliorer les expériences de consommation, Manja Leib a enquêté sur la façon dont la complexité d’une odeur peut influencer les ventes, les décisions d’achat et les comportements de consommation d’une façon générale.
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Les commerçants ciblent les sens des consommateurs depuis quelque temps déjà, dans l’espoir que l’expérience des consommateurs face à leurs marques, leurs produits et leurs services soit la meilleure possible. Le pouvoir des aspects visuels, dans les rayons des magasins et sur les emballages, est maintenant bien établi, mais ce n’est pas le cas des autres sens. Prenez les odeurs, par exemple. Alors qu’il a été démontré que les ambiances olfactives ont une influence sur les acheteurs, les études réelles sur les effets des odeurs sont rares, de même que les explications sur le fonctionnement de tels effets.
Une nouvelle hypothèse a été avancée sur la manière dont les odeurs influencent les consommateurs
Manja Leib, professeure assistante en marketing à HEC Lausanne, Université de Lausanne, en collaboration avec des chercheurs de l’Université de St. Gallen, de l’Université d’État de Washington et de l’Université de Californie à Irvine, a effectué des recherches approfondies sur les effets des odeurs dans le contexte du marketing. Jusqu’à présent, la plupart des recherches portant sur les effets des signaux olfactifs dans un lieu de vente ont été axées sur les odeurs agréables, celles qui font que les personnes se sentent bien et sont donc plus enclines à acheter. Plus récemment cependant, une nouvelle hypothèse a été avancée sur la façon dont les odeurs influencent les consommateurs.
Leib et ses collègues suggèrent que le degré de facilité avec lequel les personnes traitent l’information – aisance de traitement de l’information – dans ce cas, la facilité avec laquelle ils traitent le stimulus olfactif, pourrait jouer un rôle sur les effets des odeurs sur les comportements d’achat. Cette théorie suggère que nous contrôlons la quantité d’efforts que nous faisons pour traiter l’information. Si nous percevons l’information comme facile à traiter, cette facilité de traitement se transforme en sensation, qui à son tour affecte notre comportement.
Moins une odeur est complexe, plus elle est facile à traiter et plus elle influence les attitudes et comportements associés
Les odeurs sont de complexité variable. Elles peuvent comporter un seul ingrédient ou une seule dimension, le citron par exemple, ou plusieurs dimensions, comme un mélange d’agrumes. Les chercheurs ont émis l’hypothèse que le degré de complexité d’une odeur pourrait affecter la capacité du consommateur à traiter cette information olfactive. Moins une odeur est complexe, plus elle est facile à traiter et plus elle influence les attitudes et comportements associés. Cela se traduirait par des réponses plus favorables des consommateurs à l’environnement de vente et aux produits associés.
Les chercheurs ont commencé à tester leur hypothèse en créant un certain nombre d’odeurs avec l’aide d’un vendeur d’arômes. Ils ont veillé à ce que les odeurs utilisées diffèrent en complexité, mais pas selon d’autres critères (par exemple, le fait d’être agréable, familier, adapté à l’environnement, etc.). De cette façon, ils étaient sûrs d’isoler et de tester les effets de la complexité des odeurs. Les odeurs ont été pré-testées en laboratoire et, finalement, l’orange a été sélectionnée comme odeur simple, alors que le mélange orange-basilic avec du thé vert était retenu comme mélange complexe à utiliser plus tard dans les recherches.
Scénarios d’odeurs
Ayant choisi les odeurs simples et complexes, Manja Leib et ses collègues ont commencé à étudier leurs effets sur le comportement. Cela impliquait: d’étudier les effets de la complexité des odeurs sur le comportement d’achat dans un espace de vente; d’étudier comment les odeurs influencent le traitement de l’information dans un cadre contrôlé; et de découvrir si l’aisance de traitement de l’information amène à un comportement d’achat dans le cadre contrôlé d’un laboratoire.
Les acheteurs ont dépensé plus d’argent en présence d’une odeur d’ambiance simple
La première étude a porté sur le comportement d’achat de 403 acheteurs dans un magasin de décoration suisse, dans trois situations olfactives différentes: présence d’une odeur d’ambiance simple (103 acheteurs); présence d’une odeur d’ambiance complexe (102 acheteurs); pas d’odeur (198 acheteurs). L’odeur était diffusée à travers le magasin à une intensité modérée. Les résultats ont montré que les acheteurs ont dépensé plus d’argent en présence d’une odeur d’ambiance simple qu’en présence d’une odeur complexe ou en l’absence d’odeur.
Dans deux autres études, les chercheurs ont testé leur idée selon laquelle l’aisance de traitement de l’information était le mécanisme par lequel l’odeur simple influençait le comportement des acheteurs. Des groupes d’étudiants de premier cycle ont été exposés à trois situations olfactives, tandis qu’on leur demandait de résoudre des problèmes d’anagrammes. Pour l’un des groupes, les performances des participants étaient jugées sur le nombre d’anagrammes correctement faites, pour l’autre groupe, les chercheurs ont mesuré la vitesse avec laquelle les anagrammes ont été faites. Dans les deux cas, ce sont les étudiants soumis à une odeur simple qui ont le mieux réussi.
Et ils ont pris leur décision d’achat plus rapidement
L’étude finale était une expérience contrôlée qui permettait de déterminer si la complexité de l’odeur modifiait l’attitude du consommateur et le comportement d’achat dans un acte d’achat fictif. Les groupes de participants, étudiants de premier cycle, disposaient d’un budget fictif de 60 $ et d’un catalogue de produits de supermarché avec les prix. On leur a demandé de choisir les produits qu’ils utiliseraient pour cuisiner pour des amis au cours d’une visite imaginaire. Différents jours de la semaine, les groupes étaient aléatoirement exposés aux scénarios d’odeurs simple, complexe ou sans odeur, tandis qu’ils effectuaient leur tâche. Les résultats ont été remarquables. Les participants exposés à une odeur simple ont dépensé plus d’argent: 40,90 $, contre 33,58 $ pour l’odeur complexe et 34,14 $ sans odeur. Ils ont aussi acheté plus de produits et pris leurs décisions d’achat plus vite.
Les résultats de la recherche montrent que, alors que les odeurs utilisées dans des environnements de vente peuvent être également agréables, elles n’ont pas la même influence sur le comportement d’achat des consommateurs. Les odeurs simples ont de meilleurs résultats en matière de marketing. Si on la compare à une odeur complexe ou à pas d’odeur du tout, une odeur simple apporte de meilleures ventes, des décisions d’achat plus rapides et un comportement d’achat plus favorable d’une manière générale. Dans le temps, cet effet se traduit par une augmentation considérable des revenus. Pour les commerçants, le doux parfum du succès est une odeur simple.
Lire le travail de recherche original: The Power of Simplicity: Processing Fluency and the Effects of Olfactory Cues on Retail Sales by Andreas Herrmann, University of St. Gallen, Switzerland, Manja Zidansek HEC Lausanne, Switzerland, David E. Sprott, Washington State University, US and Eric R. Spangenberg, University of California Irvine. US, Journal of Retailing 89 (1, 2013) 30–43.
Crédit photo: Victor Wong / Flickr CC