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La formation en compétences interpersonnelles pourrait bien évoluer vers des méthodes un peu moins personnelles mais plus virtuelles. Un nouvel article de Marianne Schmid Mast et de ses co-auteurs suggère qu’en matière de formation, les partenaires dans les jeux de rôle ne seront peut-être pas nos collègues ou nos managers, mais plutôt des humains virtuels.
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Chaque année, les entreprises et organisations investissent des milliards de dollars dans la formation et le développement personnel. Une grande partie de cet argent sert à développer des compétences interpersonnelles telles que le leadership, la négociation et la communication. Ceci s’explique en partie par la forte demande pour ces formations, mais aussi parce que la recherche souligne l’efficacité de ce type de formation en termes d’impact.
Habituellement, la formation en compétences interpersonnelles se déroule dans le cadre d’entretiens en face-à-face, le plus souvent sous forme de jeux de rôle. Les participants présentent des scénarios, mettent en pratique leurs compétences avec leur groupe et obtiennent un feed-back. Cependant, comme les nouvelles technologies telles que la réalité virtuelle (RV), l’intelligence artificielle ou la robotique font des percées dans tous les domaines de la vie organisationnelle, les recherches de Marianne Schmid Mast et de ses co-auteurs laissent supposer que la formation en compétences interpersonnelles est sur le point de subir un bouleversement majeur.
Si la RV est utilisée dans les jeux vidéo pour plonger les joueurs dans des mondes interactifs, pourquoi ne pas utiliser la technologie de Réalité Virtuelle Immersive (RVI) pour créer des partenaires virtuels dans le cadre de la formation en compétences interpersonnelles? À l’aide d’un casque de réalité virtuelle (HMD), les participant·e·s sont plongés dans un univers 3D vécu dans une perspective à la première personne, où ils·elles rencontrent et interagissent avec des humains, des objets et des environnements virtuels. De nouvelles technologies, comme l’utilisation de capteurs, promettent d’améliorer encore l’expérience en reproduisant les mouvements, le langage corporel et même les expressions des participant·e·s.
Marianne Schmid Mast et ses co-auteurs se concentrent sur l’utilisation des humains virtuels dans le rôle de partenaires d’entraînement. Ces humains virtuels agissent comme des agents, leurs réponses se limitant à ce qui a été préprogrammé. Ce ne sont pas des avatars contrôlés qui réagiraient en temps réel selon les souhaits d’un humain réel. Cela dit, un·e formateur·trice surveille souvent l’expérience dans son ensemble et peut même choisir les réponses préprogrammées qui seront utilisées par le partenaire d’entraînement virtuel.
La RVI semble offrir un certain nombre d’avantages par rapport à la formation traditionnelle avec jeux de rôle:
- Facilement accessible. Les questions de ressources, telles que le coût et la logistique, comme par exemple l’utilisation d’un auditoire pour les jeux de rôle de discours en public ou le recours à des intervieweurs pour un comité d’entretien, limitent la disponibilité d’une formation conventionnelle. En revanche, une fois programmés, les humains virtuels sont disponibles 24h/24 et 7j/7, ils n’ont pas besoin de briefing ou de conseils, et sont relativement peu coûteux. Ils permettent une pratique fréquente, même depuis la maison, ce qui devrait améliorer le succès de la formation.
- Moins de stress, plus d’apprentissage. Les applications existantes montrent que les personnes qui utilisent la RVI sont capables d’établir un lien psychologique suffisant avec des humains virtuels leur permettant d’avoir des interactions significatives et utiles. En même temps, les humains virtuels sont perçus comme suffisamment artificiels pour atténuer le stress habituellement ressenti dans des situations d’évaluation sociale. Les participant·e·s peuvent donc s’exercer dans un environnement relativement sans risque, ce qui réduit potentiellement l’anxiété, diminue la résistance à apprendre et accroît le transfert des compétences acquises (voir point 3). La simulation peut également être modifiée pour adapter les niveaux de stress aux tolérances individuelles, avec des défis plus ou moins importants, par exemple.
- Des exercices de formation plus pertinents. L’un des soucis majeurs de la formation est de pouvoir s’assurer que les acquis en matière d’apprentissage et de développement puissent s’appliquer au contexte du travail. La RVI augmente les chances de réussite du transfert des compétences acquises, car elle permet d’adapter les scénarios de formation simulés (et les voies d’apprentissage) aux différents participants et à leurs contextes de travail réels. L’environnement de RV peut reproduire l’environnement de travail. Les humains virtuels peuvent être programmés avec différents comportements et caractéristiques. Ils peuvent même être modélisés pour ressembler physiquement au manager ou aux collègues du participant par exemple.
- Créer de nouvelles expériences. La RVI offre une meilleure flexibilité et une plus grande marge d’innovation que la formation conventionnelle, car elle permet de simuler n’importe quelle situation, imaginaire ou réelle. Il est possible de créer des auditoires bruyants pour des exercices de présentation en public. Des environnements irréalistes peuvent être créés pour augmenter le défi, des sosies ou une reproduction virtuelle du la participant peuvent être saisis pour coacher et donner du feed-back.
- Plus de possibilités de donner un feed-back. Au lieu du débriefing post-formation classique, le feed-back pourrait, grâce à la RVI, être donné en temps réel par les réactions des partenaires d’entraînement virtuels, ou via des informations supplémentaires transmises pendant l’exercice selon les actions du participant, comme un signal en cas d’erreur. Il pourrait être automatisé, déclenché par des capteurs dans l’environnement qui contrôle le comportement, ou initié par le formateur.
La RVI n’en est encore qu’à ses balbutiements. D’autres recherches doivent être conduites pour démontrer les avantages et l’impact potentiels de la formation utilisant la RVI en matière de compétences interpersonnelles, étant donné qu’un grand nombre de questions demeurent sans réponse. La personnalité d’un·e participant·e influence-t-elle l’avantage que l’on peut en retirer par exemple? La technologie – casque de réalité virtuelle et expérience de RVI – pourrait-elle décourager les participants très anxieux? Comment les personnes âgées réagissent-elles en comparaison avec de jeunes participants? Marianne Schmid Mast propose dix hypothèses comme points de départ pour des recherches connexes.
Cependant, même en l’absence de recherches plus poussées, la RVI est susceptible de faire partie intégrante du développement des compétences interpersonnelles et d’autres aspects des DRH. Inévitablement, cela amènera des changements qui viendront perturber la prestation de services DRH offerts par de nombreux prestataires traditionnels. Marianne Schmid Mast et ses co-auteurs soulignent qu’ils considèrent la RVI comme faisant partie d’une approche de formation mixte qui vient compléter le jeu de rôle conventionnel. Ils prônent les humains virtuels comme partenaires d’entraînement à des fins pratiques, et non dans le but de remplacer les formateurs. Cependant, il est peu probable que les formateurs soient rassurés, étant donné les progrès incessants de technologies telles que l’IA et l’apprentissage automatique.
Papier de recherche:
Schmid Mast, M., Kleinlogel, E. P., Tur, B., & Bachmann, M. (in press). The future of interpersonal skills development: Immersive virtual reality training with virtual humans. Human Resource Development Quarterly.
Crédit photo : | Dreamstime.com