Glacier d’Otemma : comment lier recherche participative et travail de Bachelor

Margaux Hofmann et Valentin Tanniger étudient au Bachelor GSE en orientation géographie physique. Leur travail de bachelor est réalisé dans le groupe de Stuart Lane et est consacré à l’étude de la dynamique des rivières sous-glaciaires dans le cadre de l’étude du retrait du glacier d’Otemma (val de Bagnes), un projet soutenu par le FNS.

L’intérêt de Margaux et de Valentin (outre le fait de faire du terrain) était de pouvoir faire un travail de bachelor intégré dans une recherche plus large et ainsi contribuer à récolter des données directement utiles pour la recherche. Margaux et Valentin ont passé respectivement 2 semaines et 5 semaines cet été au pied du glacier pour effectuer des mesures et des travaux de terrain.

Voici quelques moments de leur expérience « enrichissante, dans un lieu de « travail » magnifique. Certainement le plus incroyable des jobs d’été, crapahuter dans une vallée surplombée de glaciers toute la journée à pratiquer des méthodes et des processus vus en cours, c’est le meilleur moyen de consolider les notions théoriques. »

Le travail de terrain

La recherche sur le glacier d’Otemma (S. Lane)

Stuart Lane a travaillé depuis longtemps sur l’étude des glaciers dans la val d’Hérens. En observant leur fonte rapide durant cette dernière décennie, il a décidé d’entreprendre une recherche sur un sujet de recherche totalement oubliée – la manière par quoi les glaciers évacuent les sédiments qu’ils ont érodés. Le glacier d’Otemma a représenté un « candidat idéal » car son volume est encore suffisamment grand, il est relativement facile d’accès grâce à la route liée à l’exploitation hydroélectrique de Mauvoisin. De plus un terrain d’études aussi proche de l’UNIL permet davantage de flexibilité qu’un terrain situé à plusieurs milliers de kilomètres.

Les recherches sur le glacier d’Otemma ont débuté en 2017 par des projets pilotes. Suite aux résultats obtenus deux projets FNS ont pu être mis sur pieds s’ajoutant à un autre projet qui était prévu dans une autre région.

Actuellement quatre projets sont en cours :

  • bilan sédimentaire de la fonte du glacier,
  • bilan hydrologique,
  • dynamique fluviatile et liaison avec les nappes phréatiques,
  • évolution de l’écosystème en aval du glacier.

L’intérêt d’avoir ces quatre projets dans le même groupe de recherche est que les résultats sont discutés et partagés facilement entre les membres du groupe, ce qui permet d’avoir une vision interdisciplinaire et intégrative des impacts des changements climatiques sur notre paysage glaciaire.

Des collaborations sont également en place avec l’EPFL, l’ETH, l’EAWAG, le WSL ainsi qu’avec des groupes de recherche d’universités d’Angleterre et d’Allemagne.

En FGSE plusieurs chercheurs ont également des projets à Otemma (J. Irving, S. Grand). Des méthodes et approches innovantes ont pu être testées notamment en ce qui concerne la mesure du charriage de fond des sédiments à l’aide de sismomètres ou de la cartographie des chenaux subglaciaires à l’aide de marqueurs dont notamment des cailloux munis d’une puce radio (cf le travail de Margaux).

Injection de rhodamine

J’ai travaillé sur différents projets (mesure de résistance électrique, gestion logistique du camp). Pour mon travail de Bachelor j’ai mesuré le temps mis par une substance fluorescente (la rhodamine) pour s’écouler d’un moulin glaciaire jusqu’à la rivière au pied du glacier. En fonction du moment de la journée ces temps d’écoulement pouvaient prendre de 20 minutes à deux heures (de quoi apprendre la patience).

Valentin
Cailloux munis d’émetteurs

J’ai également travaillé sur le transport de particules dans les chenaux sous glaciaires. J’ai essayé de suivre leur trajet en mettant des cailloux de diverses tailles (5 à 20 cm) et formes dans des borehole (trous artificiels placés au-dessus de zones suspectées contenir des chenaux) et en repérant leur trajet sous le glacier à l’aide d’antennes et de petits émetteurs de signal placés au préalable sur les cailloux

Margaux
Les contraintes du glacier

Travailler sur un glacier n’est pas anodin et représente des risques qu’il faut évaluer et maîtriser. Il faut s’équiper en conséquence (crampons, casque). Margaux ne se rendait jamais seule sur le glacier. Sur deux semaines consécutives Valentin a dû changer trois fois de trajet pour atteindre les points de mesure en raison de l’évolution du glacier.

Au milieu de la saison l’accès sur le glacier par le côté du campement étant devenu trop difficile, il fallait traverser la rivière pour s’y rendre. Comme le débit de la rivière augmente considérablement en cours de journée lorsqu’il fait chaud et que la glace fond, il faut commencer les mesures tôt le matin (6 heures debout) pour pouvoir rentrer en début d’après-midi, avant que le débit ne soit trop fort.

Mesure du débit en aval du glacier

La vie quotidienne au camp

Logistique (S. Lane)

Lorsqu’autant de projets sont réunis au même endroit, la logistique est un élément très important. Il faut penser à l’acheminement du matériel (2 camionnettes pleines, et 7 vols en hélico.), prévoir les repas, l’apport en énergie etc.. Floreana Miesen a mis en place une gestion professionnelle du camp afin que tout soit sous contrôle et qu’il y ait le moins d’imprévu possible.

En effet dans les conditions de terrain à Otemma il faut pouvoir assurer une bonne logistique ainsi que la sécurité des personnes impliquées. Certaines sont expérimentées, d’autres moins, certaines restent pour une semaine d’autres quelques jours. Il faut déterminer les risques que l’on en veut pas prendre (choses que l’on ne fait pas) et les risques que l’on minimise. Des protocoles de sécurité ont été établis (généraux et spécifiques à chaque activité de recherche : travail dans la rivière, sur le glacier etc). Il faut s’assurer que les personnes soient bien formées et respectent ces protocoles. L’aspect sécuritaire est un souci constant pour Stuart, notamment lors de mauvaise météo comme au début juillet 2021.

Durant le séjour de Margaux et Valentin un ravitaillement intermédiaire a été effectué à pied ainsi que l’apport de nouveau matériel de terrain et le remplacement des bacs des toilettes sèches ayant nécessité plusieurs allers-retours à pied jusqu’aux voitures.

Camp de base

Pour arriver au « camp de base » il faut aller en bus jusqu’au barrage de Mauvoisin, puis faire environ 45’ de voiture sur une « route » parfois impressionnante, (ou 1h30 de vélo lorsque la voiture était pleine) puis 30’ de marche à pied. Le camp est hors réseau Natel et il n’y a qu’un téléphone satellite à utiliser en cas d’urgence.

De 6 à 8 personnes ont séjourné au pied du glacier durant tout l’été, juin à septembre. Chaque personne disposait d’une tente pour dormir, il y avait une grande tente pour les repas et activités de groupe, une tente pour le matériel et une tente “frigo“ se réchauffant moins que les autres pour conserver aussi bien que possible les quelques aliments périssables ….et le chocolat. Le luxe de cette année était d’avoir des toilettes sèches sur place qui ont profité également à 1-2 touristes de passage.

Le camp de base
Et pour manger ?

La cuisine est principalement effectuée à partir d’aliments en conserve ou de longue conservation. hélicoptère (Valentin en charge des courses a rempli 6 caddies pour la nourriture, en grande partie des conserves … et du chocolat)

Floreana a rédigé un Cook Book permettant de donner des idées d’apprêtement des différents ingrédients afin de varier les plaisirs.

Valentin a même tenté .. et réussi à faire de la crème fouettée en fixant des éléments d’une cafetière à filtre au bout d’une perceuse. Depuis là les desserts sophistiqués tels que de la crème à l’ananas …. et crème au chocolat ont complété les repas du soir

Moments intenses

La météo est un élément qui joue un rôle important lorsque l’on est sur le terrain en permanence. Cet été a été particulièrement pénible au début. 

Mais les moments intenses sont aussi beaux comme l’arrivée du soleil sur le camp, ou sur le glacier, la nuit étoilée sans pollution lumineuse, le plaisir de croquer dans un fruit frais ou de manger un légume du jour, d’aller se baigner dans le lac situé à 45’ de marche pour se laver et se détendre les muscles ou alors les jeux après le repas du soir. 

Les moments forts sont aussi ceux où après de nombreux essais infructueux, une expérience fonctionne et que des résultats sortent.

Je suis arrivé en juillet j’ai vécu quelques jours de pluie intense durant lesquels il fallait rester sous la tente avec le bruit de chutes de pierres non loin du camp. C’était impressionnant.

Valentin

J’ai vécu une fois un orage avec de la grêle. Outre le bruit, le fait d’être trempé est embêtant car il n’y a pas de moyens rapides de faire sécher les habits, il faut attendre le retour du soleil.

Margaux
Balade lors d’un jour de congé

Expérience personnelle et professionnelle

Sur le plan personnel, cette expérience nous apprend à apprécier les petits luxes du quotidien qu’on a tendance à oublier ou des choses simples comme se voir dans une glace. On a aussi réalisé la chance d’être loin de tout pendant un intervalle continu »

Du point de vue de notre formation c’est également une chance unique d’apprendre à utiliser plein d’outils et méthodes différentes, à comprendre comment le matériel fonctionne ou, pendant les jours de pluie, d’avoir des explications sur les travaux de recherche et les méthodes des différent·e·s doctorant·e·s. 

C’est également l’occasion d’avoir des contacts avec différentes personnes qui viennent pour 1-2 jours (chercheuses/chercheurs UNIL, ou d’autres institutions). Le contact est plus simple/facile car sur le terrain la hiérarchie se fait moins sentir »

Margaux et Valentin

Au départ ce terrain et les projets qui y sont menés  n’étaient pas spécialement prévus pour accueillir des étudiant·e·s. Il s’avère à présent qu’il représente une opportunité rare pour les étudiant·e·s de se former à différentes méthodes et d’être intégré·e·s dans des recherches en cours au sein de la Faculté. Les retours de Margaux et Valentin témoignent de l’intérêt de ces projets et de ce que les étudiant·e·s apprécient ces opportunités.

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