Première chronique
La pièce Le sexe c’est dégoûtant, écrite par Antoine Jaccoud sera montée en création en février 2020 à La Grange, dans une mise en scène de Matthias Urban. Et pourquoi pas inviter l’écrivain en résidence à l’UNIL ? Connaissant son goût et son talent pour les chroniques descriptives, il se fera un plaisir de promener son regard perçant sur le campus de Dorigny durant toute la saison pour nous livrer de croustillantes chroniques universitaires. Première chronique.
RENTRÉES
Un c’est pour faire comme son père.
Un autre c’est aussi pour faire comme son père.
Une c’est pour faire comme son père et sa mère.
Un c’est parce que ni son père ni sa mère.
Un c’est parce que personne jamais avant lui.
Une c’est pour la coloc. Elle aime organiser, et puis les grandes salades de riz.
Un c’est papa qui payera le studio. Et puis la Golf. Et puis d’autres choses encore.
Un ce sera la Migros, et puis les remplacements, et puis les tomates à la fin du marché.
Une qui préfère penduler depuis Vissoie tous les jours. La maman elle est triste,
elle n’ose pas la laisser toute seule.
Un qui a fait le bac du soir à 30 ans. C’est fini maintenant les conneries, et les folles, et tout ce temps perdu.
Un qui rêve d’Erasmus. Les chopes de bière il les voit déjà en songe.
Un qui porte des Lacoste, une c’est un sac Longchamp, un il a plus touché ses cheveux depuis Paléo 2005, un autre encore c’est depuis le gymnase qui perd ses tifs.
Une qui est venue voir l’endroit avant avec sa maman. « On aurait dû prendre du pain pour les moutons » elle a dit.
Une qui a le trac, deux fois elle a vomi déjà.
Un qui est encore au Mexique à fumer de la beu, il rejoindra plus tard.
Une qui avait commencé Médecine et qui reprendra en Psycho.
Un qui pense que son père serait content s’il n’était pas parti avec Exit en mars.
Un qui verra l’aumônier mais qui ne le sait pas encore.
Une qui rencontrera son mari mais elle ne le sait pas encore.
Un qui sait déjà les noms des bâtiments par coeur, et les bancs et les raccourcis.
Deux ou trois qui se demandent à quoi ça sert puisque la fin du monde adviendra en 2036, ou 2027, bref arrivera bientôt.
Un qui a une Porsche.
Beaucoup des vélos.
Les autres ce sera le métro.
Et ces deux couillons qui projettent de libérer les singes de l’animalerie de l’EPFL.
Mais pour qu’ils aillent où ?
Ils arrivent.
Les Valaisans et les Français.
Les ambitieux et les branleurs.
Les débrouillards et les mal dégrossis.
Les dragueurs et les timides.
Les déjà vieux et les encore petits.
Et ceux qui ont tout lu,
et ceux qu’ont rien lu,
et celles qui savent déjà pour la suite,
et celles qui se demandent encore,
et tous ceux qui s’en foutent.
Les étudiant·e·s.
Antoine Jaccoud