micropodcast numéro 1

Plus peut-être que toute autre performance entendue ici au Foyer, Je chanterai ce que je n’aurais pas voulu chanter de Wanda Obertova est une œuvre ouverte. Dans cette exploration vocale sous la forme d’un concert d’une quinzaine de minutes, le spectateur à l’oreille attentive est invité à se positionner en tant qu’auditeur. La place symbolique qu’il occupe (être spectateur d’un concert) et surtout son horizon d’attente (une chanteuse va donner de la voix) sont perturbés dès les premières secondes de la performance.
Une chanson fantôme
En lieu et place de la chanson attendue et désirée, Wanda Obertova délivre au compte-gouttes des bribes de paroles éparses. L’auditeur, déstabilisé, se voit contraint de rassembler les pièces du puzzle en repérant ici et là les traces d’une mélodie tantôt maintenue à l’intérieur de soi dans une sorte de psalmodie intime et tantôt camouflée derrière les effets d’écho et de distorsion du micro relié à un petit ampli à piles. Les pistes sont donc brouillées et nous oscillons d’une extrême à l’autre entre des moments d’intimité où l’on ne sait si l’on assiste à une répétition en appartement et des moments chantés sans artifice qui nous propulsent dans une salle de concert dédiée au chant classique lyrique.
Pour autant, l’impossibilité de reconnaître ce morceau en zone de rétention vocale n’est très vite plus une frustration. Wanda Obertova n’en demeure pas moins musicienne et le spectateur abandonne délibérément sa quête de référence au profit d’une pleine écoute où les sons parasites, les respirations accentuées, les disparitions et réapparitions de la voix sont compris comme des éléments musicaux à part entière, au même titre que la mélodie.
Jeu de piste
C’est à la fin de la performance que les questions reprennent. Je chanterai ce que je n’aurais pas voulu chanter est le titre d’une chanson du XIIe siècle de la Comtesse de Die, troubadouresse de langue d’oc dont quelques textes et partitions sont parvenus jusqu’à nous. Wanda Obertova reprend le titre pour sa performance non pour la musique ou le texte mais pour la magnifique ambiguïté polysémique du titre et pour la filiation à cette femme trobairitz qu’on imagine volontiers forte et indépendante.

Je n’ai su que plus tard le nom de la véritable chanson fantôme dont la mélodie et les paroles sont distillées tout au long de la performance. Même si le travail d’Obertova n’est en aucun cas une ré-interprétation de la chanson, il convenait ici d’en révéler le titre tant il ajoute encore une épaisseur à ce passionnant jeu de cache-cache, plaisir affirmé de Wanda Obertova pour la mise en abyme : un morceau de Mina, chanteuse italienne des années 60, La voce del silenzio.
Que dire de plus ?