La Savoie était au Moyen Âge une principauté d’Empire qui présentait la particularité de se trouver aux confluents de trois réalités politiques et culturelles distinctes : l’espace franco-bourguignon, les États du nord de l’Italie et les villes de la Suisse occidentale. La cour des princes savoyards a fait l’objet d’un renouveau historiographique depuis les années 90 qui a permis d’utiles coups de projecteur sur nombre de thématiques (les vêtements, les enfants, la mort…), mais personne ne s’est encore jamais attaqué à la colonne vertébrale de cette société curiale : l’Hôtel du prince.
De quoi s’agit-il plus précisément ? L’Hôtel regroupait les offices qui veillaient, en premier lieu, aux besoins domestiques du prince, de sa famille, de son entourage et de ses hôtes, qu’il s’agisse de les sustenter, de veiller à leurs déplacements, de les vêtir ou encore d’assurer leur sécurité. Dès le XIIIe siècle, l’Hôtel assuma également un rôle politique qui ne cessa de croître, car c’est en son sein que les princes choisissaient ceux dont ils s’entouraient pour exercer le pouvoir, notamment leurs conseillers, leurs ambassadeurs ou encore leurs chefs militaires. Par ailleurs, l’Hôtel participait pleinement à la mise en scène du pouvoir princier par les fonctions de représentation sociopolitiques et symboliques qu’il revêtait : il était le cœur de la cour, le noyau organisationnel autour duquel elle gravitait. En conséquence, l’étude de l’Hôtel, qui s’érige progressivement en institution gouvernementale, s’avère indispensable pour saisir les mécanismes de la formation de l’État princier savoyard.
Ce projet a l’ambition de combler trois lacunes fondamentales de l’historiographie des États de Savoie. Le premier objectif consistera en une étude complète des Hôtels de Savoie – celui du prince, celui de la princesse et celui de leurs enfants – par le biais de sources comptables, normatives et notariales. Cette recherche portera sur le temps long, du XIIIe au XVe siècle, période décisive pour la genèse de l’État moderne. Il s’agira ainsi de reconstruire, pour la première fois de manière globale, l’organisation de l’Hôtel de Savoie et sa lente évolution en une institution réglementée, hiérarchisée et codifiée.
Le deuxième objectif visera à réaliser une base de données prosopographiques des membres de l’Hôtel. Celui-ci n’était en effet pas qu’une institution : il était composé d’hommes, de femmes et d’enfants appartenant à une microsociété dont les contours précis restent encore à définir. Cette société de cour sera abordée dans son ensemble, ce qui apportera une contribution essentielle à la sociologie des élites et permettra de mettre en évidence le poids des réseaux de solidarité et des alliances au sein de la cour de Savoie. Il sera également possible de reconstituer des carrières et de saisir l’ascension des officiers et des serviteurs ne faisant pas partie de la noblesse.
Le troisième objectif tendra à définir les coûts de l’Hôtel et son impact sur les finances savoyardes, en faisant dialoguer les résultats obtenus par l’étude détaillée de l’Hôtel avec ceux dégagés pour les deux autres principales sources de dépenses de la principauté savoyarde : la guerre et l’administration. Ceci consistera d’une part à dresser un bilan économique global sur la longue durée, et d’autre part à réaliser une synthèse sur le fonctionnement des finances d’un État en construction.
Direction du projet
Eva Pibiri, Maître d’enseignement et de recherche en histoire médiévale, Section d’histoire
Equipe de recherche
Lauréane Badoux, doctorante FNS
Simon Frei, doctorant FNS
Dr. Roberto Biolzi, collaborateur scientifique
Dr. Marion Rivoal, Pla Tec