Cette recherche fait partie d’un plus vaste projet international de six partenaires, portant sur la culture visuelle et matérielle de Rome entre le Ve et le XIe siècle. Ces siècles constituent le véritable trou noir de l’historiographie artistique romaine: une lacune enracinée dans la tradition Renaissante présentant cette période comme le moment le plus sombre de l’histoire de la ville. Un préjugé historiographique d’ailleurs aggravé par la dévalorisation systématique de la culture byzantine – cruciale à Rome à cette époque – enracinée à son tour dans le contraste Est-Ouest perdurant jusqu’au présent.
Ce projet trouve sa source dans l’extraordinaire fonction de melting pot assumée par la ville, un carrefour où les Goths, les Byzantins, les Francs, les Germains ou les Lombards se rencontraient dans un véritable métissage culturel; et dans le rôle de Rome en tant que champ de la mise en place d’une des plus époustouflantes expériences de communication visuelle, à savoir celle de l’Église, dans tous les espaces sacrés et profanes.
Face à une bibliographie du domaine assez dispersée, parfois décevante et souvent vieillie, ce projet veut répondre, par une approche interdisciplinaire, à trois exigences de fond.
a) Réaliser un recensement complet du patrimoine pictural, conservé ou perdu, sans lequel une vision d’ensemble est impossible et pourrait engendrer des réflexions ultérieures lacunaires ou fondées sur des informations erronées ou dépassées. Les dossiers réunis comprendront aussi l’ensemble des inscriptions contenues dans les fresques et les mosaïques et un nouvel appareil d’investigations techniques sur les pigments et le verre des tesselles des mosaïques, indispensable pour offrir aux chercheurs des données complémentaires aux analyses stylistiques et iconographiques.
b) Insérer les connaissances concernant les peintures et les mosaïques dans une plus large problématique, à la lumière des nouveaux questionnements sur les espaces sacrés, habités et même « construits » par les images, les inscriptions, les objets, et par les spectateurs et leurs divers points d’observation et utilisation.
c) Étudier les peintures et les mosaïques, ainsi examinées et contextualisées, dans un arc de très longue durée allant de l’Antiquité tardive à l’aube de la Réforme Grégorienne. Il s’agit là du gigantesque outil de communication visuelle que l’Église développait sans cesse, conservant des structures de fond permanentes tout en proposant une potentialité de variations infinies : ce champ de réflexion est également utile à la compréhension des dynamiques de la communication et de la « persuasion » de nos jours.
Les résultats prévus – deux monographies collectives, un colloque international et interdisciplinaire sur la question des images comme vecteurs d’identité citadine et instruments de communication globale, suivi d’une publication collective et un database open-access réunissant les informations sur les peintures, les inscriptions, et les résultats des investigations techniques sur les tesselles de verre et les pigments – se proposent d’offrir une nouvelle image de la Rome bouillon de culture, au cœur de la formation de l’Europe post-antique.
Direction du projet:
Chiara Croci, Maître assistante, et Irene Quadri, Maître assistante, Section d’histoire de l’art