Prendre une position épistémique dans l’interaction. Les marqueurs du savoir, du non-savoir et du doute en français (2020-2024)

Lorsque nous communiquons, nous ne faisons pas que transmettre de l’information, mais nous nous positionnons par rapport au degré de certitude dans cette information ainsi que par rapport à son origine. Le projet vise à étudier les marqueurs du savoir, du non-savoir et du doute en français à partir de vidéo-enregistrements de débats politiques et de réunions d’entreprise.

On sait depuis longtemps qu’un état de connaissance (savoir, douter, ne pas savoir) constitue, dans l’interaction avec autrui, moins un donné qu’un construit. En d’autres termes, lorsque nous communiquons avec autrui, nous négocions en parallèle et en continu nos « positions épistémiques » respectives, qui ne sont jamais définies une fois pour toutes. Cette prise de conscience a notamment abouti à une révision des études classiques sur l’asymétrie supposément figée entre le médecin et son patient ou entre l’enseignant et ses élèves. Elle a aussi ouvert la porte à l’étude des ressources qui ancrent ces positionnements épistémiques dans l’interaction verbale, autrement dit des différents marqueurs épistémiques (par ex. des adverbes comme « peut-être », ou des expressions comme « ça se peut »). 

Le projet propose une étude des marqueurs épistémiques du français par l’analyse systématique de collections d’extraits tirés de différents corpus francophones vidéo-enregistrés et documentant différents genres institutionnels apparentés à la politique (débats publics et télévisés) et au monde du travail en entreprise (réunions de travail, travail collaboratif). Pour prendre un exemple parmi d’autres, une telle analyse permettra d’établir le sens de l’adverbe « probablement » en distinction de « peut-être », et cela sur une base empirique et inductive plutôt que strictement théorique.

L’originalité du projet réside dès lors dans une triple ambition :

– Travailler sur une langue, le français, peu explorée du point de vue du positionnement épistémique, relativement à l’anglais, l’allemand, le finnois, l’estonien ou encore l’hébreu. Le projet contribuera de ce fait à poser les bases pour des comparaisons interlinguistiques, très sollicitées à l’heure actuelle.

– Faire dialoguer deux approches qui se sont intéressées au phénomène épistémique de manière différente : la linguistique de l’énonciation et la linguistique interactionnelle.

– Adopter et développer une perspective multimodale sur le positionnement épistémique, c’est-à-dire une perspective qui prend en compte le caractère incarné de la parole (les regards, les gestes, les postures).

Direction du projet
Dr. Jérôme Jacquin, Section des sciences du langage et de l’information