
Thérèse Jeanneret
Professeure honoraire de didactique du français langue étrangère, Faculté des lettres, UNIL
Mon Métier
J’ai dirigé pendant quinze ans l’École de français langue étrangère, un département dans lequel on enseigne la langue, la linguistique, la didactique et la littérature. Certains étudiant·e·s ne suivent à l’EFLE qu’un cours ou deux pour soutenir leur français, d’autres y obtiennent un grade. Diriger l’EFLE (une trentaine d’enseignant·e·s et de personnes gérant l’administration et la technique, plus d’un millier d’étudiant·e·s), c’est traiter une foule de questions pratiques et scientifiques, avant tout humaines.
Ce qui m’inspire et me motive
La transmission. Du français, et aussi des notions élaborées pour expliquer l’acquisition des langues, les résistances que les personnes expérimentent, le rôle des langues déjà sues, etc. L’enseignement, le guidage de personnes se lançant dans des recherches sur la transmission de la langue dans divers contextes sociaux me passionnent. Voir des étudiant·e·s saisir la portée scientifique et humaine d’une explication a été une grande joie de ma vie professionnelle.
Être une femme dans ce contexte
Mon idéal serait que cette question soit non pertinente ! En réalité, en tant que femme on en fait toujours un peu plus pour être prise au sérieux et on apprend à prendre avec philosophie la condescendance et les mecsplications. À l’EFLE, j’ai bénéficié d’une certaine complicité de toutes mes collègues, en Faculté des lettres également, il y a une sorte de solidarité féminine due au sentiment d’être minoritaires, sûrement !
Valeurs importantes à mes yeux
À l’université, ce sont les personnes qui sont les plus importantes : sans elles, il n’y a pas d’enseignement, pas de recherche, pas de conditions rendant possible ces activités. La devise de l’UNIL, le savoir vivant, signifie pour moi les personnes qui fabriquent et transmettent ce savoir !
Une anecdote
J’ai débuté à l’UNIL en linguistique française : une enseignante faisant défaut au dernier moment avait transmis mon nom au Prof. Jean-Michel Adam. Il m’a donné rendez-vous au Buffet de la gare de Lausanne (je vivais alors à Neuchâtel). Je lui ai rapidement présenté les deux projets de cours que j’avais imaginés, il les a acceptés et je me suis retrouvée, très vite, à enseigner à l’UNIL ! Ce premier engagement a été suivi par d’autres, puis j’ai gagné le poste de professeure et directrice.
Message aux futur·e·s scientifiques
Il faut lire le sociologue Pierre Bourdieu pour bien comprendre que la légitimité est « accordée » par le pouvoir, c’est-à-dire dans le monde académique, encore le plus souvent par des hommes ! Il faut donc se construire un petit bagage de confiance et de sécurité intérieure pour poursuivre son chemin et sa carrière. Pour moi, cela a passé par un travail sérieux me permettant de me sentir compétente et de trouver ainsi les ressources pour passer les obstacles.
Portrait réalisé par : le Service Culture et Médiation scientifique
Illustration : Maurane Mazars