Antonin Congy – Le visual novel historique comme champ d’expérimentation du game design et de la fictionnalisation de l’Histoire
11h, jeudi 5 octobre 2017
Enseignant en game design et game studies au sein de l’école Isart Digital depuis 2008, j’encadre depuis 5 ans un exercice de Visual novel historique. Ce travail vise à mettre en relation deux thématiques de recherche qui nourrissent mes réflexions et motivent le travail de thèse que je mène actuellement :
- Tout d’abord en explorant les mécaniques ludiques d’un genre de jeu « limite » qui court-circuite les attendus performatifs intrinsèques à l’activité vidéoludique, il était question d’aborder la notion même du « jeu ». S’intéresser à la « frontière », c’est réfléchir sur ce qu’il se passe réellement dans l’activité ludique. Il y avait donc là un défi lancé à mes étudiants sur leur capacité à créer du jeu avec un objet qui pouvait leur paraitre inerte et injouable.
- L’autre enjeu est celui de la fictionnalisation de l’histoire. C’est-à-dire de motiver la création, par la référence au réel, tout en questionnant notre capacité à le fictionnaliser, avec les enjeux inhérents à la perception poétisée qui en découle. Là où les Japonais ou les Américains n’ont aucun mal pour mettre en jeu leur histoire, notre rapport français à l’histoire nous parait bien plus encombrant. Par respect académique de la culture ? Par peur du romantisme ? L’autre défi lancé à mes étudiants consistait donc à créer du jeu avec un sujet perçu par certains comme peu engageant.
Je proposais donc une trentaine de sujets variés (biographie, bataille, période), des Guerres médiques à la Première Guerre mondiale, en passant par la Commune, Néron, Jeanne d’Arc, Charlemagne ou Gengis Khan. Les équipes de travail sont celles d’un projet professionnel : 3 ou 4 game designer, entre 4 et 8 game artist, et un ou deux sound designer. L’objectif est de produire un jeu complet durant une vingtaine de minutes en 3 mois.
Dès lors de nombreuses questions émergent : comment les étudiants ont-ils appréhendé cet exercice ? Par quel truchement ont-ils créé du gameplay dans un genre qui rompt avec « l’impératif d’action » ? Là où les visual novel japonais canoniques fondent leur expérience sur des intrigues dramatiques et épistémiques, quel a été leur positionnement ? Quelle mise en scène ? Quelle caractérisation des personnages (historique, fictif) ? Quelle game structure (fin unique, multiple) ? Quelle grammaire ludique ? Focalisation interne ou externe ? Avatar invisible à la 1ère ou visible à la 3ème personne ? Quel système de communication (boite de dialogue, phrase complète, émotions, actions, émoticons) ? Quels sujets ont été majoritairement choisis ? Quelle forme de fictionnalisation a été opérée ? Quel travestissement de l’histoire se sont-ils autorisés, dans quel objectif ?
À travers cette communication, je me propose donc de présenter un retour sur expérience sur cet exercice basé sur un corpus d’une quarantaine de projets. Il conviendra pour cela de typologiser les choix opérés par mes étudiants mais aussi d’interpréter la typologisation proposée pour en tirer un enseignement à la fois sur le plan du game design que sur celui des enjeux culturels inhérents à tel sujet.
Bibliographie indicative
Espen J. Aarseth, Cybertext: Perspectives on Ergodic Literature, Baltimore, The Johns ikins University Press, 1997.
Espen J. Aarseth, « Quest Games as Post-Narrative Discourse », Marie-Laure Ryan (dir.), Narrative across Media. The Languages of Storytelling, Lincoln, university of Nebraska Press, 2004
Raphaël Baroni, La tension narrative. Suspense, curiosité et surprise, Paris, Seuil, 2007.
Brian Crimmins, « A Brief History of Visual Novels », Zeal, 7/01/2016 (consulté le 20/03/2016)
Olivier Caïra, « L’Expérience fictionnelle, de l’engagement à l’immersion », dans Bernard Guelton (dir.), Les Figures de l’immersion, Presses universitaires de Rennes, 2014.
Roger Caillois, Les jeux et les hommes, Paris, Gallimard, 1967
Dani Cavallaro, Anime and the visual novel: narrative structure, design and play at the crossroads of animation and computer games. McFarland & Company, 2010
Henri Dontenville, Mythologie française, Paris, Editions Payot et Rivages, 1998
Richard Eisenbeis, « How A Visual Novel Made Me Question Morality Systems in Games” in Kotaku. 28 August 2012
Patrick W. Galbraith, Bish?jo Games: ‘Techno-Intimacy’ and the Virtually Human in Japan, in The International Journal of Computer Game Research, volume 11, issue 2 May 2011
Sébastien Genvo, 2008, « L’art du game design : caractéristiques de l’expression vidéoludique », Colloque ,E-formes 2 « Les arts numériques au risque du jeu », Saint-Etienne, 6 juin, disponible en ligne : http://www.ludologique.com
Sébastien Genvo, Le jeu à son ère numérique, Comprendre et analyser les jeux vidéo, Paris, L’Harmattan, 2009.
Lebowitz, Josiah; Klug, Chris, « Japanese Visual Novel Games ». Interactive storytelling for video games: a player-centered approach to creating memorable characters and storie. Burlington, MA: Focal Press, 2011
Marc Marti, « La narrativité vidéoludique : une question narratologique », Cahiers de Narratologie , 27 | 2014, mis en ligne le 18 décembre 2014, consulté le 09 janvier 2017
Marc Marti et Raphaël Baroni, « De l’interactivité du récit au récit interactif », Cahiers de Narratologie , 27 | 2014
Marc Marti, « Jeux vidéo et logiques narratives », Espaces et temps des jeux vidéo, éditions Questions théoriques, Paris, 2012.
Marie-Laure Ryan, « Interactive Narrative, Plot Types, and Interpersonal Relations », Interactive Storytelling : Proceedings of Ist lCIDS, Berlin-Heidelberg, Springer Verlag, 2008.
Marie-Laure Ryan, « Des jeux narratifs aux fictions ludiques, Vers une poétique de la narration interactive », dans la Nouvelle revue d’esthétique N°11, 2013
Emily Taylor, « Dating-Simulation Games: Leisure and Gaming of Japanese Youth Culture », Southeast Review of Asian Studies, Volume 29, 2007
Julien Lalu et Romain Vincent – Et si on jouait à l’Histoire, histoire de jouer?
11h30, jeudi 5 octobre 2017
Le discours politique sur le jeu vidéo comme possible outil à l’éducation se développe fortement avec l’apparition croissante de nouveaux genres de logiciels : les serious games et les logiciels ludo-éducatifs. En 2008, Valérie Pécresse alors ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, préconise dans une enquête ministérielle intitulée L’université numérique, le lancement d’un programme national de recherche sur le serious game. De même, en 2010, le rapport de la mission parlementaire de Jean-Michel Fourgous, député des Yvelines, nommé Réussir l’école numérique, recommande de « favoriser l’intégration des jeux sérieux dans les apprentissages ».
Alain et Frédéric Le Diberder prônaient déjà dans leur ouvrage Qui a peur des jeux vidéo ? (1993, p. 182), une utilisation du jeu vidéo dans l’enseignement notamment en Histoire avec le jeu de Sid Meier, Civilization (Microprose, 1991). Cette remarque est confirmée par l’ouvrage collectif Les jeux vidéo : pratiques, contenus et enjeux sociaux, de Tony Fortin, Philippe Mora et Laurent Trémel qui mettent en garde contre le discours politique de certains jeux de stratégie comme Rise of Nation (Microsoft, 2003) mais lui reconnaissent un intérêt historique voire géographique (2006, p. 144). Ils montrent quelques expériences pédagogiques ponctuelles réalisées par des enseignants du secondaire. Il en ressort un intérêt certain de la part des élèves qui ont possibilité d’interagir avec l’univers mais l’impérative nécessité d’un accompagnement de l’enseignant pour déconstruire le discours de la fiction. Que ressort-il de toutes ces expériences ? Existe t-il des résultats concrets de l’impact de l’utilisation du jeu vidéo en classe ? Comment ce nouveau medium peut être appréhendé dans un cadre pédagogique ?
Cette intervention à quatre mains tente de mettre en perspective des expériences éducatives réalisées dans le cadre de cours personnels dans les classes du secondaire. Elle s’appuie, dans une certaine mesure, sur les travaux de Yvan Hochet et le cadre méthodologique qu’il met en place pour l’enseignement de l’Histoire et de la Géographie à l’aide du jeu vidéo.
Ainsi, entre enseignement de l’Histoire et l’éducation aux médias, nous proposons d’analyser les enjeux éducatifs des usages du jeu vidéo en classe à travers quatre études de cas en collège et lycée :
• l’enseignant-joueur avec les exemples de Skyrim et d’Assassin’s Creed
Il s’agit pour l’enseignant de prendre le contrôle de l’avatar et de donner une représentation graphique du cours écrit. En prenant la manette, en se mettant en position de joueur, l’enseignant peut ainsi sélectionner les passages du jeu pertinents pour sa séance et éviter de nombreux obstacles (gameplay complexe, scènes de violence…). Ainsi, l’univers culturel du jeu devient accessible par l’activité ludique de l’enseignant et permet d’offrir des représentations concrètes aux élèves. Placer l’enseignant dans le rôle du metteur en scène à travers le gameplay permet ainsi de renouveler la pratique du cours magistral à l’aide d’un nouveau medium. L’exemple du jeu de Bethesda (Skyrim) est symptomatique de cette expérience pédagogique. Il permet de donner une image de l’environnement médiéval (communauté villageoise, fort, espace agricol, voie de communication) tout en travaillant sur l’esprit critique des élèves en faisant la distinction entre la fiction (induite par le jeu et par le scénario) et la réalité.
• l’élève-joueur sur Soldats Inconnus et Stronghold
A l’inverse, nos approches suivantes visent à renverser cette posture en mettant les apprenants dans le rôle des joueurs. Il s’agit, par ce volet, de montrer comment l’utilisation de l’essence même du jeu vidéo – l’interactivité – permet une approche différente du cours. Stronghold, un Sim-City médiéval, donne les pouvoirs d’un seigneur aux élèves, tout en ouvrant la séquence sur un décryptage de la représentation du moyen-âge renvoyée par le jeu. Suite à ces retours d’expériences, nous tenterons d’analyser les postures de l’enseignant de celles des élèves mais également de comprendre les effets, les variables qui structurent ces séances. En suivant les expérimentations de Michel Lavigne (ref), nous nous demanderons si l’activité est perçue comme ludique, et si la motivation, qualité souvent mise en avant par l’institution, est vraiment observable chez l’ensemble de nos apprenants. Pour finir, nous aborderons la question de la transférabilité des savoirs et des compétences des programmes à l’aide du medium vidéoludique.
Bibliographie indicative
Alvarez J, Djaouti D, et Rampnoux O, “Typologie des Serious games”, in Samuel Rufat et Hovig Ter Minassian (dir.), Les jeux vidéo comme objet de recherche, Paris, Questions théoriques, 2011, pp. 46-65.
Archambault JP, Une histoire de l’introduction des TIC dans le système éducatif français. 1985, vingt ans après, 2005.
Bogost I, Persuasive games : the expressive power of videogames, Cambridge, MIT Press, 2007, 450 p.
B. Charlier et A. Daele, Comprendre les communautés virtuelles d’enseignants : pratiques et recherches, Paris, L’Harmattan, 2006.
Gee J. P., What Video Games Have to Teach Us about Learning and Literacy, Palgrave Macmillan, 2003.
Hochet Y, “Jeux vidéo et enseignement de l’histoire et de la géographie”, in Samuel Rufat et Hovig Ter Minassian (dir.), Les jeux vidéo comme objet de recherche, Paris, Questions théoriques, 2011, pp. 103-112.
Lavigne M, « Jeu et non jeu dans les serious games », Sciences du jeu, 5 | 2016, mis en ligne le 01 mars 2016, consulté le 25 janvier 2017. DOI : 10.4000/sdj.648
Mériem El Mansouri et Nicole Biagioli – Concevoir un jeu vidéo éducatif: quels enjeux culturels, didactiques et ludiques
14h, jeudi 5 octobre 2017
Nous nous proposons d’étudier dans le cadre de l’axe 2 le processus de développement des jeux sérieux d’un point de vue à la fois théorique (ludologie/narratologie) et technique (game design). Les jeux sérieux comme tous les jeux vidéo comportent un gameplay, un style graphique, et un monde fictionnel. Pourtant une veille approfondie exercée sur ces jeux a montré que leur création n’était pas investie par les professionnels reconnus du jeu vidéo ludique. Leur conception apparaît comme un exercice pluridisciplinaire délicat. Tout jeu à intention sérieuse implique que ses créateurs puissent mobiliser des compétences d’ingénierie didactique. Nous montrerons en quoi leur game design doit se différencier de celui des jeux ordinaires à partir d’une étude de cas. Ce travail s’inscrit dans une réflexion plus large visant à faire émerger une ingénierie de conception du jeu sérieux qui respecte l’équilibre entre critères didactiques, ludiques et financiers.
Le cadre théorique pluridisciplinaire
Nous introduirons d’abord le modèle théorique pluridisciplinaire que nous avons construit en nous appuyons sur le modèle sémiotique du gameplay de Genvo [1], la définition des jeux de savoirs de la TACD de Sensevy & Mercier [2] et la situation a-didactique de Brousseau [3]. Nous décrirons la mise en jeu des savoirs dans le gameplay du jeu sérieux quand il s’inscrit dans la dynamique d’un projet didactique, et la prise en charge par la narration d’un scénario pédagogique tressé avec un scénario ludique.
Etude de cas
Ce cadre théorique nous permettra d’évaluer un jeu sérieux à destination des diabétiques : Rififi à Daisy Town [4], avec Lucky Luke comme personnage principal.?Dans un premier temps nous ferons une étude descriptive du jeu qui nous permettra de faire état de ses forces et de ses faiblesses. Ensuite nous le revisiterons dans le but d’améliorer sa narration.
Le cadre descriptif utilisé
Il combine deux angles qualitatifs différents : l’un didactique associé au côté sérieux du jeu et l’autre sociotechnique associé au côté ludique et technique. Nous avons retenu trois dimensions pour cette évaluation : la dimension ludique caractérisée par les interactions avec le jeu, la dimension sociale caractérisée par les interactions élève-élève (joueur-joueur) et élève-enseignant (joueur-monde extérieur au jeu) et la dimension numérique caractérisée par l’interactivité liée aux technologies grâce auxquelles les interactions sont contextualisées.
Les propositions d’amélioration
A l’aide d’outils (schémas, grille de critères ludiques, pédagogiques), nous montrerons comment les savoirs doivent être mis en jeu dans la progression du projet ludique, lui-même inscrit dans le projet didactique. L’enquête de Lucky Luke avance avec des étapes sous forme de dialogues et de petits jeux. Nous montrerons comment combiner et organiser les savoirs dans cette dynamique narrative.
[1] Communication lors du colloque Le jeu vidéo : expériences et pratiques sociales multidimensionnelles, Genvo, ACFAS 2008
[2] La théorie de l’action conjointe en didactique (TACD), Agir ensemble : l’action didactique conjointe du professeur et des élèves, Sensevy G.& Mercier A, 2007.
[3] Théorie des situations didactiques, Brousseau,2011
[4] Jeu en ligne
Florence Quinche – Processus de création de serious games, recherche de critères de conception pour favoriser l’intégration dans l’enseignement
14h30, jeudi 5 octobre 2017
Dans cette présentation nous analyserons les processus de réalisation de plusieurs serious games destinés à l’enseignement (primaire et secondaire 1). Le cadre théorique est celui de l’analyse des processus créatifs (T. Lubart) et de l’analyse des processus de conception technique (N. Bonnardel). Ce cadre théorique sera croisé avec celui de l’intégration des Mitics dans l’enseignement. Car la conception du jeu présuppose d’étroites interactions avec les enseignants et futurs utilisateurs de dispositifs. La question de recherche porte sur la manière dont les besoins des éducateurs et enseignants sont pris en compte dans la production de l’objet technique « serious game ». Notre hypothèse est que cette question va mettre en lumière les possibles tensions entre innovation pédagogique et besoins effectifs du terrain, montrant de possibles décalages entre les besoins du public (enseignants) et les nouveaux moyens d’enseignement proposés. C’est pourquoi nous prévoyons un ensemble de sous-questions portant sur l’acceptabilité des serious games par les enseignants. Dans la dernière partie nous analyserons les processus de création de jeux intégrés dans l’enseignement en tant qu’activité pédagogiques, où les élèves sont amenés à créer eux-mêmes des jeux. Les objectifs de cette recherche visent à identifier les processus de conception qui favorisent ultérieurement la production de serious games intégrables dans l’enseignement.
La méthode d’enquête est constituée d’une part par l’observation participante dans la réalisation de ces différents jeux : selon des postures distinctes : maître d’œuvre qui élabore la commande du jeu (serious games de conception d’objets réalisés par la HES-Arc), du co-concepteur du scénario de jeu à destination de didacticiens (serious game de prévention en cours de réalisation avec la HEAD de Genève), ainsi que dans la posture de directeur de mémoire pour des serious games réalisés par des étudiants HEP dans le cadre de leur mémoires de fin d’études, mais sera également prise en compte la posture de l’enseignant qui créée ses propres jeux pour son usage en classe.
Des entretiens qualitatifs seront effectués auprès de ces divers publics (enseignants créateurs de jeux, étudiants HEP ayant réalisé des jeux, didacticiens intégrant les jeux dans leur formations, enseignants qui créent des jeux pour leurs propres cours).
Mots-clés : game design, serious games, enseignement, intégration des MITIC dans l’enseignement
Bibliographie
Bonnardel, N. (2006). Créativité et conception. Approches cognitives et ergonomiques. Marseille : Solal.
Bonnardel, N. (2009). Activités de conception et créativité : de l’analyse des facteurs cognitifs à l’assistance aux activités de conception créatives. Le Travail Humain, 72(1/2009), 5-22.
Lubart, T. (2003). Psychologie de la créativité. Paris : Armand Colin.
Quinche, F. ; Leuba, D. “A serious game to teach desing to children”. in S. Gobron, Gamification and serious games, Niff symposium, Neuchâtel, éd. He-Arc, 2016, p. 28-29
Quinche, F. “Introduction et coordination du dossier thématique “Jeux vidéo et apprentissages” in Jeunes et médias, n° 7, 2015
Quinche, F. “Créer des jeux vidéo pour apprendre la logique algorithmique.”, Dossier sur les jeux vidéo, L’Educateur, n °11, 2013, p. 8-9
Quinche, F. Game based learning, Serious game et éducation, Berne, educaGuide, 2013, 48 p. , online, fr. / trad. all, 48 p.
Scherrer, F. Conception et expérimentation d’un jeu vidéo pédagogique pour l’apprentissage de la conjugaison, UNIGE, mémoire TECFA, 2016
Terssac, G. & Friedberg, E. (2002). Coopération et conception. Toulouse : Octarès.
Vinciane Zabban et Nicolas Pineros – Ce que le jeu fait au travail et à la relation pédagogique: créer et utiliser un jeu à l’université. Le cas d’Erasmus Hispanicus
15h, jeudi 5 octobre 2017
Ludomaker, spécialisé dans la création de jeux, en activité depuis avril 2016, se distingue des « Game lab » existant en France et en Europe en laissant une large part au jeu de société. Géré et animé par un ingénieur pédagogique, avec le soutien de l’université Paris 13, de l’équipe du laboratoire Experice et le Labex ICCA, Ludomaker remplit différentes fonctions. Il accueille notamment des étudiants mais aussi différents acteurs souhaitant bénéficier d’un support humain et matériel pour la création de jeux – principalement des jeux de société.
Ludomaker a été porté par l’un des plus anciens laboratoires dédiés au sciences du jeu en France. Inscrivant ses recherches en sciences de l’éducation, avec un intérêt particulier pour l’apprentissage informel, les recherches du laboratoire Experice, menées entre autres par Jacques Henriot, Gilles Brougère et plus récemment Vincent Berry ont largement contribué aux travaux concernant les relations entre savoirs, culture, apprentissages et jeu.
Avec une démarche réflexive et critique, et en s’appuyant à la fois sur des documents de création et des entretiens, cette communication propose d’analyser, au prisme des apports théoriques de ces recherches, le processus de création et le déploiement de l’un des premiers projets de jeu à vocation pédagogique réalisé au Ludomaker. Erasmus Hispanicus est un jeu de société conçu au sein de Ludomaker en collaboration avec une enseignante en langue étrangère appliquée. Il invite les étudiants à circuler à travers l’histoire de l’espagne, d’un point de vue chronologique et géographique. Sa création s’est appuyée sur des outils de création de jeu (Mecanicartes, Prismatik, Aurélien Lefrançois) ainsi que sur des mécanismes de jeu existants. Au travers de ce cas, de l’initiative aux premiers tests, nous reviendrons, à partir des documents de création et d’entretiens avec les concepteurs, sur les différentes contraintes et ressources (matérielles et immatérielles) qui sont mobilisées dans le processus de création d’Erasmus Hispanicus, en interrogeant particulièrement l’arbitrage et les compromis réalisés concernant les contraintes d’une part pédagogique et d’autre part ludique.
Nous poserons notamment la question de la fonction remplie par Erasmus Hispanicus pour ses initiateurs. Quand les enseignants se prêtent aux jeux, quel rôle lui prêtent-ils ? La conception de ce rôle est-elle partagée par l’ingénieur pédagogique ? Comment s’établissent une méthode et des négociations autour de la double contrainte, dont on connaît les paradoxes, du ludique et du pédagogique ? Nous reviendrons enfin sur le bilan de cette expérience après usage en situation. Au vu de la difficulté à mesurer les effets réels du jeu sur l’apprentissage en situation formelle, nous insisterons notamment sur l’importance à questionner dans le cadre du game based learning autant que la transmission de connaissance, ce que le jeu fait au travail pédagogique, ainsi qu’au cadre de la relation pédagogique.
Thibault Philippette – Ludicisation dans l’enseignement supérieur: travaux de groupe et évaluation continue à travers Classcraft
16h, jeudi 5 octobre 2017
Partant de plusieurs expériences de terrain de l’utilisation de la plateforme Classcraft, d’un côté dans un établissement de formation supérieure (2x 15 heures) et d’un autre dans un certificat universitaire pour adultes (5x 1 journée), nous aborderons la manière de « gamifier » certaines activités de groupe et de concevoir un dispositif permettant l’évaluation continue des apprentissages [1]. Cette présentation au départ empirique sera pour nous l’occasion de revenir de manière réflexive et critique sur la ludicisation1 de dispositifs d’apprentissage et les aspects à prendre en considération si on veut pouvoir combiner de manière signifiante jeu et apprentissage (cf. meaningful play, [2]).
Concrètement, nous entamerons notre présentation par quatre grands paradigmes de l’utilisation du jeu (vidéo) à des fins éducatives, vecteur-contexte-condition-objet (voir notamment [3]). Nous reprendrons alors une définition de la gamification – l’utilisation d’objets ludiques et de techniques de game design dans des contextes non-ludiques [4,5] – pour situer celle-ci parmi ces paradigmes. Nous aborderons ensuite ce qu’est « Classcraft » et notre propre pratique de la plateforme pour « gamifier » nos enseignements. Ce retour d’expérience permettra d’éclairer les différents jalons et réflexions qui ont mené à la construction de nos dispositifs incluant travaux et/ou évaluation continue des acquis d’apprentissage. Enfin, nous terminerons par une mise en perspective (notamment en comparant nos différentes expériences) et un retour critique plus large sur les potentialités et les limites de la gamification dans l’enseignement.
Afin de rendre cette présentation claire et digeste, nous veillerons à utiliser un support permettant de visualiser au maximum les quelques principes théoriques abordés et les activités réalisées en classe (schémas, captures d’écran, photos, etc.).
Références
[1] L. Sheldon (2012), The Multiplayer Classroom: Designing Coursework as a Game, Boston (MA), Course Technology (Cengage Learning).
[2] K. Salen & E. Zimmerman (2004), Rules of Play: Game Design Fundamentals, Cambridge (MA), MIT Press.
[3] G. Brougère (2005). Jouer/Apprendre. Paris : Economica
?[4] S. Deterding et al. (2011), « From game design elements to gamefulness: defining ‘’Gamification’’ », in Proceedings ofthe 15th International Academic MindTrek Conference: Envisioning Future Media Environments, New York: ACM, pp.9-15.
[5] K. Werback & D. Hunter (2012), For the Win: How Game Thinking Can Revolutionize Your Business, New York : Wharton Digital Press.
[6] S. Genvo (2012), « La théorie de la ludicisation : une approche anti-essentialiste des phénomènes ludiques », Communication lors de la journée d’études ‘’Jeu et Jouabilité à l’ère numérique’’.
?[7] H. Silva (2013), « La ‘’Gamification’’ de la vie : sous couleur de jouer ? », Sciences du Jeu [en ligne], « 30 ans de Sciences du Jeu à Villetaneuse. Hommage à Jacques Henriot », mis en ligne le 1er octobre 2013.
Florence Thiault, Leticia Andlauer et Laure Bolka-Tabary – Utilisation pédagogique du jeu Minecraft.edu dans un dispositif interdisciplinaire en collège
16h30, jeudi 5 octobre 2017
Cette communication est fondée sur un projet de recherche porté par l’ESPE (Ecole supérieure du professorat et de l’éducation) Lille-Nord-de-France. L’étude menée durant l’année scolaire 2016-2017 porte sur l’expérience du jeu Minecraft.edu auprès de collégiens français dans un cadre interdisciplinaire. L’équipe pédagogique a choisi de recourir à l’usage de ce jeu sérieux sur un niveau complet de 5ème, soit 6 classes. L’objectif est de reconstruire une seigneurie médiévale avec l’abbaye, le château et le village. Les enseignants des disciplines mobilisées (histoire, mathématiques, technologie et arts plastiques) interviennent sur des points complémentaires. Notre réflexion s’appuie sur une enquête auprès des participants du projet et des observations directes de séances pédagogiques afin de croiser données qualitatives et quantitatives, informations déclaratives et observées. L’usage d’un jeu vidéo non pensé initialement pour l’éducation mais pour le divertissement pour développer des situations d’apprentissage nécessite de s’interroger sur la façon dont on peut intégrer les effets éducatifs d’une pratique ludique dans un dispositif didactique. Comment la conception et la mise en place d’un dispositif interdisciplinaire autour de l’usage d’un jeu vidéoludique transforme-t-il les rapports au savoir dans la classe pour les professeurs et les élèves ?