Nos retraites sont-elles en danger?

Flash-éco 03, du 19 avril 2020

La récession 2020 (Flash-éco 02) soulève de très nombreuses questions. Parmi elles, à long terme, l’impact sur nos retraites. Polémique politiquement, la réponse est limpide économiquement: côté retraités, il n’y a en principe pas d’impact. Côté cotisants, cela devient difficile.

En principe, la récession 2020 n’aura pas d’impact en tant que cause première sur notre système de prévoyance. S’il y a fragilité potentielle, c’est ailleurs qu’il faut chercher le coupable. Ne nous trompons pas de débat! Un zest de technique est ici nécessaire.

1er pilier (AVS)

Le transfert de substance (répartition) entre cotisants (salariés) et bénéficiaires (rentiers) est soumis aux facteurs suivants de récession: chômage additionné des sans-emplois de longue durée, contraction des salaires, faillites, inflation. Mais :

– les chômeurs (de loin pas tous!) touchent une indemnité oscillant entre 70 et 80% du dernier salaire. Les cotisations à l’AVS sont maintenues de 400 à 520 jours ouvrables. L’effet de la baisse d’encaissements est reporté sur 2022;

– les grands contributeurs (ceux dont le salaire dépasse le plafond AVS de 85320 fr.) ne devraient pour la plupart pas connaître le chômage;

– pas d’inflation (perte du pouvoir d’achat) en vue (politiques financières sous contrôle);

– la TVA, les taxes sur le tabac et spiritueux financent le complément AVS non payé (20%) par les employeurs et employés;

– le fond de compensation AVS couvre légalement les dépenses d’une année (43.5 milliards fin 2018, qui assurent le 103% des dépenses AVS).

En principe, les déficits de l’AVS pour les années 2020 et 2021 sont couverts, sauf que le déficit de l’AVS est structurel et indépendant de la récession 2020. Le projet AVS 2021 du Conseil fédéral reprend ce problème.

2e pilier (fonds de pension)

Les capitaux de l’avoir de vieillesse – base de sa conversion en rente (capitalisation) – correspondent au total des cotisations.

Le rendement de cet avoir doit légalement permettre d’en compléter le niveau et ce, bien qu’actuellement ce rendement soit très bas (1%, contre 2 à 3 % normalement).

Quant aux capitaux nécessaires pour verser les retraites, les réserves dites «mathématiques» les couvrent. Elles sont pré-calculées pour calibrer la somme adéquate.

En principe, les caisses de pension correctement gérées (frais raisonnables, gestion active, principe de solidarité) ne devraient pas avoir de problème, sauf que les caisses de pension ne sont pas toujours correctement gérées. Une analyse comparative peut être utile.

3e pilier (prévoyance volontaire)

Le capital ne devrait pas, à notre avis, être placé sur le marché des capitaux. Si c’est le cas, l’impact du krach boursier de février 2020 pourrait être durable. Ne vendre (réaliser la perte) qu’en cas de nécessité.

Dernière minute

Suisse. L’ordonnance 2 (16 avril) du Conseil fédéral complète en partie l’ordonnance 1 (13 mars) et écrête le redémarrage de l’économie. Excellent pour la confiance – moteur de l’économie.

USA-Chine. Démocratie ultra-libérale versus dirigisme pseudo-communiste, vérités-mensonges, la gestion économique de la crise donne un éclairage brutal sur la réalité du monde. A suivre.

Jean-Marie Brandt, dr ès sciences économique et en théologie

Vers une récession temporaire à soubresauts

Flash-éco 02, du 12 avril 2020

La Suisse est entrée en récession. Récession et non pas dépression. Une différence capitale car la récession est passagère, la dépression durable.

La récession 2020 sera douloureuse. Elle ne devrait ni durer ni devenir dépression, comme la Grande dépression des années 30qui a touché l’Occident et débouché sur l’économie de guerre. La Grande récession des années 2008 – 2012, financière, fut maîtrisée par un traitement de même nature. La finance s’est stabilisée, renforcée, et s’est libérée de l’économie en y puisant légitimité et vitalité. Le tissu économique n’a pas recouvré la santé d’une croissance (une inflation de 2 à 3%). Se sont installées des affections chroniques: chômage de longue durée (jeunes et seniors), ghettoïsation des sans-emplois, pouvoir d’achat décroissant, classe moyenne fragilisée, inégalités aggravées. L’ordre économique est devenu instable, volatil, spéculatif, privé de vision à long terme et baignant dans le conformisme mou d’une société «liquide».

La récession 2020 est économique (la finance est sous contrôle).

Un dé-confinement prochain – écrêté – s’inscrit dans la durée. Il implique le mixage du traitement financier (court terme, assister l’oxygénation) et du traitement fiscal et budgétaire (long terme, intuber) tel qu’à ce jour initié: la Suisse débloque 42 milliards (monteront-ils à 100-150?), les USA 4.200, l’UE 2.200. Les économistes dessinent la géométrie (incantatoire) du PIB[1] 2020: les optimistes imaginent une courbe en V rapide, les pessimistes une courbe en L vers l’infini. La courbe pourrait bien esquisser un W, où le sommet central serait le plus bas ; mais, probables désillusions, la seconde descente pourait même se prolonger en L…

En Suisse récession équivaut à baisse du PIB sur deux trimestres consécutifs. Cette définition varie à l’étranger selon l’idéologie, la culture, l’humeur des dirigeants. Pour nous, les priorités sont:
a – assurer la liquidité à court terme (compenser les rentrées immédiates de revenus);
b – restaurer la confiance (stimuler l’investissement, relancer la demande par les salaires).

Le mixage de ces mesures à court terme (quantitativistes) et à long terme (keynésiennes) est un art connu. A condition que le confinement tienne, que l’écrêtage du dé-confinement immunise la population, qu’un vaccin intervienne.

Il paraît raisonnable de tabler sur une récession 2020 temporaire à soubresauts et une chute du PIB de 7 à 12%. Retraités: premier et deuxième piliers pas impactés pour l’instant. Transition écologique: tout reste ouvert; la récession 2020 pourrait la financer à terme (optimistes), la compromettre définitivement (pessimistes) ou inspirer les conditions cadres de son financement (théoriciens).

Dernière minute

500 milliards décidés par l’Euro-zone via le MES[2]: insuffisant. Coronabonds[3]: échec de la solidarité d’Etats débiteurs solidaires.

Jean-Marie Brandt, dr ès sciences économique et en théologie

 

[1] Produit Intérieur Brut: valeur de marché de l’ensemble des biens et services finals produits à l’intérieur d’un pays sur un période donnée
[2] Mécanisme Européen de Stabilité
[3] Emprunt européen

Nos enseignants s’expriment en leur nom propre et leur propos ne représentent pas les positions de la Fondation Connaissance 3.

Une souffrance économique qui ne fait que commencer

Flash-éco 01, du 3 avril 2020

La Suisse, officiellement, est en «situation extraordinaire» ou «d’urgence» au sens de la loi sur les épidémies (ordonnance du Conseil Fédéral du 16 mars). Depuis, la première priorité est la santé de la population. L’économie intervient en second, ce qui est tout à fait normal. L’économie cependant, directement impactée, est entrée en crise. A ce jour, le diagnostic est: récession.

Flash-éco est un éclairage périodique critique sur l’état de l’économie et les modalités de son traitement. Un éclairage pragmatique sans visée idéologique qui entend «donner du sens»: un sens à notre portée, qu’on peut comprendre, saisir et interpréter en ayant le sentiment d’aller dans la bonne direction. Flash-éco évoluera en fonction de l’actualité et du ressenti de son lectorat.

Suisse – Vaud: un filet sécuritaire jeté dans l’urgence

Le filet économique des mesures à ce jour du Conseil Fédéral et du Conseil d’Etat vaudois peuvent être qualifiées de pertinentes, pragmatiques, efficaces, adaptatives.

Pertinentes: les banques fournissent en 24 heures à taux zéro les liquidités (l’argent) manquantes aux acteurs économiques selon des critères de confiance et des normes d’expérience. Avantages: pas de faillite, l’argent circule, l’économie tourne, pas de risque pour les banques garanties par l’Etat et financées par la BNS; pas d’impact fiscal pour la population.

Pragmatiques: extension massive du chômage partiel; facilitation des démarches. Avantages: chômage réel et de longue durée contenus, motivation et compétences maintenues, bon niveau de revenu et de dépenses, l’argent circule, l’économie tourne (ralenti).

Efficaces: suspensions d’échéances – guillotine (poursuites et faillites, actions judiciaires, certains loyers commerciaux). Avantages: évite l’effet dominos d’un étranglement collectif à court terme.

Pragmatiques: ni de droite, ni de gauche, mixage de modèles économiques éprouvés, déploiement concret, massif et immédiat. Avantages: pas de frein idéologique.

Adaptatives: réponse de première urgence, plasticité en fonction du besoin individuel et à venir. Avantage: s’adapter à l’inconnu.

Conclusion: Blitz-Krieg

Vaud et la Suisse ont à ce jour pris les mesures économiques indispensables dans l’urgence: on peut voir venir et préparer la suite. Les mailles du filet laissent cependant passer une souffrance économique qui ne fait que commencer. Objectif: maintenir en vie le tissu économique. Marge de l’intervention étatique : à peine entamée. Pari fondé dans la confiance mais sous contrôle: le pari gagnant d’une économie libérale mâtinée d’interventionnisme dosé et provisoire. Le risque et le dilemme : pondérer les priorités sanitaires et économiques.

Jean-Marie Brandt, dr ès sciences économique et en théologie

Nos enseignants s’expriment en leur nom propre et leur propos ne représentent pas les positions de la Fondation Connaissance 3.