Flash-éco 13 du 28 juin 2020
La récession sévère qui s’installe en principe sur deux ans, comme le radar routier, envoie deux flashs coup sur coup: nécessité de conversion; disponibilité des moyens. Chronologie.
Avant
Condition-cadres en détérioration systémique dès les années 2000: baisse du pouvoir d’achat, détérioration de la qualité de l’emploi, hausse du chômage de masse, de longue durée (jeunes et seniors), épuration des seniors, augmentation des inégalités, perte du pouvoir régalien en faveur des GAFAM [1] et banques d’affaires, fracture intergénérationnelle, biodiversité compromise, épuisement des ressources, fibrose démocratique, hyperréactivité des dictatures, coordination marchande et financière devenue confrontation, contraction de la classe moyenne, déni de finitude, démesure de la précaution, ubris technocratique, prétention post-humaniste.
Diagnostic: le modèle post-libéral financiermaintient depuis 2008 l’économie en survie au prix de la dégradation des conditions-cadres sans rétablir croissance et prospérité.
Pendant
Le modèle libéral applique deux politiques:
- Etats-Unis, France. Interventionnisme monétariste massif: déficits budgétaires illimités, zéro vision long terme. Le modèle post-libéral (école monétariste [2], facilitation quantitative [3]) accouche d’un nouveau modèle,le MMT [4]: la monnaie injectée (la drogue) shoote le cerveau (la confiance) et booste le cœur (les liquidités). La Banque centrale ad libitum finance le déficit, rachète la dette, maintient le taux d’intérêt à zéro. Les investissements futurs sont compromis.
- Allemagne, Suisse. Interventionnisme étatique mesuré, hybride: monétarisme et néo-keynésianisme. La crise porte sur l’offre (production, flux mondiaux) et sur la demande (confinement, mesures barrières, chômage, faillites, crainte, thésaurisation), soit:
-
- monétarisme. Traitement de l’offre. L’Etat cautionne ; finance le chômage partiel; procure des stimuli (baisse de la TVA, primes diverses, sauvetage d’entreprises: Lufthansa, Swiss),
- néo-keynésianisme. Traitement de la demande. L’Etat stimule les investissements, en partie dans la transition écologique. La Commission européenne (750 milliards), l’Allemagne (1100 milliards) coordonnent mesures monétaires, budgétaires, fiscales: tir de barrage avant le débarquement espéré d’une politique de relance massive par l’investissement responsablequi stimulerait production, salaires, demande dans le respect des affordanceshumaines et terrestres. La Suisse demeure plutôt au stade monétariste (43 milliards utilisés à 60%): absence de besoin, manque d’imagination, ou lobbying financier?
Après
Il n’y a pas d’après. C’est maintenantque la récession nécessite une coordination mondiale des politiques monétaires, fiscales et budgétaires centrées sur l’investissement dans la transition écologique, la prise de contrôle des pôles financiers (GAFAM, banques d’affaires), la reconnexion des chronologies électorales et économiques, la priorisation des affordances humaines et terrestres, la limitation des politiques monétaristes, le lynchage du MMT, le démasquage du green washing, la refiscalisation du private equity.
Rien n’empêche la Suisse de prendre l’initiative. En 1945 elle fut écartée des Accords de Bretton Woods et du plan Marshal. Parions que ce sera encore le cas. Prenons nos responsabilités. Refoulons les rêveries idéologiques. La crise montre qu’il faut se convertir maintenant et que nous disposons des moyens économiques (modèles postkeynésiens), financiers (liquidités), technologiques (Big data, net, IA).
Jean-Marie Brandt, Dr ès sciences économiques
[1] Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft
[2] Milton Friedmann 1912 – 2006
[3] Crise de 2008 à ce jour
[4] Modern Monetary Theory