Décryptage du plan de relance de la Commission européenne

Flash-éco 09 du 31 mai 2020

La Commission européenne (propositions du 27 mai) puise dans l’inconscient politique et court-circuite la raison économique.

L’Union Européenne est une union douanière qui repose sur la libre circulation des personnes, services, biens et capitaux. Son cerveau politique (Conseil) juxtapose 27 têtes qui jouent l’unanimité pour les décisions de souveraineté nationale. Son cervelet (Commission) assure le contrôle moteur et la coordination. Son cœur économique (espace Schengen, la Suisse en fait partie) irrigue le plus grand marché unique (530 millions de consommateurs) après l’Empire du Milieu [1].

Propositions du 27 mai (milliards d’Euros)

250 mia €: prêts de substitution (ne laissent pas dupes) en faveur des Etats membres, à commencer par les plus lourdement endettés. Cela aggravera leur dette, limitant autonomie, solvabilité, rating (mise sous tutelle ? Cas d’école: la Grèce en 2012).

500 mia €: subventions aux Etats membres dès 2021, non remboursables. Trop tard: la relance doit démarrer maintenant et casser l’effet domino des faillites. Trop flou: arrosage économique, contestations, disputes, rancœurs.

1’100 mia €: budget supplémentaire pluriannuel de la Commission (2021 – 2027). Même le budget ordinaire n’a pas pu encore être décidé.

Le marché ne peut admettre une Commission (aux revenus insignifiants) emprunteuse que si les Etats membres se portent cautions pour le tout. Emprunteurs et garants à la fois? Chacun pour le tout? Pour sa part? Jusqu’à quelle limite? Si l’un ou l’autre défaille, qui payera à sa place? La pratique est d’emprunter quand on a les ressources pour rembourser. Certes, un remboursement par ressources propres est envisagé, mais tardif (2028 à 2058) et sur des concepts vagues (taxes numériques, taxes carbone, impôts plastique) qui impliquent un cadre technique différent pour chaque Etat, lesquels doivent à chaque fois se prononcer à l’unanimité.

Conclusion

La Commission joue sur trois niveaux d’inconscient: l’opinion publique, le monde d’avant COVID19, les fantasmes d’un macronisme en déroute administrative et économique.

Mais cette idée de relance par l’investissement responsable [2] qui relaie les mesures jusqu’ici appliquées est une vision keynésienne économiquement correcte (les marchés l’ont saluée positivement le lendemain). C’est le flou politique du mode de solidarité d’une union douanière qui la compromet.

Dernière minute

Le marché attend une annonce de la BCE [3] : augmenter son aide de 750 à 1’250 milliards (pour financer les emprunts supranationaux proposés par la Commission ci-dessus?)

Elle s’ajoutera aux mesures déjà prises (quantitativistes: court terme, mais permettrait de financer les emprunts de la Commission européenne :

  • UE SURE [4] 100 ; Fonds de Garantie aux Entreprises 200 ; MES [5] 200
  • BCE Injection de liquidités et rachats de dettes 750

Jean-Marie Brandt, Dr ès sciences économiques

[1] Le vrai nom de la Chine
[2] Mécanismes keynésiens, voir Flash-éco 08
[3] Banque Centrale Européenne
[4] Support to Mitigate Unemployment Risks in an Emergency
[5] Mécanisme Européen de Stabilité, fonds créé à la suite d’el crise de 2008, destiné à l’origine à devenir banque de développement européenne.