Principe de subsidiarité, sésame universel

Flash-éco 12 du 21 juin 2020

Le savoir économique a voulu quitter les rives de la sociologie pour l’Eldorado de la science. Il a gagné en absolu ce qu’il a perdu en humanité. Gagner en absolu est illusoire: l’absolu vit en soi et rien que pour soi [1]. Perdre en humanité signifie déboulonner l’éthique.

Le principe de subsidiarité, sous forme de savoir économique, subsiste.

Issu de la tradition de l’Alliance de solidarité [2], il ouvre la caverne du fécond, du productif, du rentable. Il répartit compétences, responsabilités, tâches dans une solidarité verticale: agir incombe en premier lieu à la base (plus proche), qui remet son trop plein à plus haut (plus compétent), et ainsi de suite (individu, famille, commune, canton, Confédération). Dans le modèle néolibéral : individu, entreprise, Etat régalien. Dans la version libérale non financiarisée de l’économie, le monde de la banque est l’un de ces échelons.

En pratique:

  • Echelon 1: l’entrepreneur.
    Il a la compétence et la responsabilité du choix économique. Ce choix repose sur la valeur qui s’exprime, depuis l’abandon du troc (pas d’intermédiaire dans l’échange), en termes financiers (CHF: intermédiaire de l’échange).
  • Echelon 2. La banque.
    Sa compétence et sa responsabilité sont plus larges (le marché) et spécifiques (le crédit). Elle juge pouvoir faire crédit à l’entrepreneur, crée la monnaie «fiduciaire» qu’elle confie à l’entrepreneur selon sa crédibilité. Fiduciaire pour confiance, crédit pour digne de foi.
  • Echelon 3. La Banque nationale (BNS).
    Elle émet la monnaie officielle. Indépendance et compétence déterminent la confiance en sa politique et en sa monnaie. Elle crée et distribue la masse monétaire selon les besoins du marché et de la politique économique ou monétaire. Elle peut (mesures d’exception, mais qui semblent s’installer [3]) soutenir en direct des Etats ou des entreprises.
  • Echelon 4. L’Etat.
    Son image en compétence et responsabilité interviennent dans le degré de confiance attribué à la monnaie et à l’avenir.

Le processus fonctionne également de haut en bas:

  • Echelon 1. La BNS crée 1000, crédite son passif (elle doit 1000), débite son actif (elle prête 1000 aux banques). La masse monétaire créée est fonction des besoins globaux (macro-économie).
  • Echelon 2. Les banques jugent des besoins de crédit individuels et collectifs (quand, combien, comment, qui?) et répartissent la monnaie en conséquence (micro-économie). Sur base des dépôts de la BNS, elles créent la monnaie «fiduciaire» en fonction des besoins de crédit (1000 à la puissance X). Le peuple suisse a donc bien fait de refuser l’initiative «monnaie pleine» qui faisait de la BNS la seule compétente en la matière (juin 2018) et fracassait la subsidiarité.

La subsidiarité est un sésame universel pour la société (démocratie directe suisse: communes, cantons, confédération), l’armée, l’entreprise, l’enseignement social de l’Eglise [4], le COVID (la confédération décide, les cantons appliquent).

A l’inverse, la France: Le processus de renouvellement macronien est bloqué par l’ignorance du principe de subsidiarité. Jouer le sésame de la subsidiarité est une question de confiance et de mentalité.

Jean-Marie Brandt, Dr ès sciences économiques

 

[1] Voir Petit Robert
[2] Alliance Créateur – créature, libre-arbitre, Réforme protestante, capitalisme, économie de marché (voir Flash-éco précédents)
[3] Voir Facilitation quantitative (Banque Centrale européenne, Federal Reserve Bank)
[4] COMPENDIUM de la doctrine sociale de l’Eglise, St-Maurice, Ed. St-Augustin, 2005, p. 103 ss.

 

NB: Jean-Marie Brandt proposera un cours d’économie pour Connaissance 3, « Et si les sciences économiques nous devenaient indispensables », en novembre 2020.