Du W au U asymétrique

Flash-éco 05, du 3 mai 2020

Après sept semaines le diagnostic économique se confirme sous deux hypothèses (référence chinoise): sortie du confinement dès maintenant; pas de deuxième vague de pandémie.

Diagnostic

  • Récession 2020 sans pareille depuis la 2ème Guerre mondiale ; pas de dépression (voir Flash-éco 01):
    contraction de 30 à 40% du PIB[1] trimestriel
  • impact systémique sur l’économie développée (Etats-Unis, Europe, Japon)[2]
  • chute du PIB annuel mondial 4.1%, Etats-Unis 8.5%, Zone euro 9%, Suisse 7.5%
  • récupération délicate étalée jusque fin 2022.
  • marché des actions (capacité des entreprises à s’autofinancer):
    – perte 30 %; une petite moitié pour l’instant récupérée,
    – perspectives moroses: faillites en cascades, suppressions de dividendes, reports des investissements.

Le soutien sans limite des banques centrales et des gouvernements (5.200 milliards!) n’est en théorie pas artificiel: il équivaut aux milliards effacés du marché (5.300 milliards). Le modèle économique serait donc toujours crédible. Sauf que:

  • la valeur ex ante du marché depuis 2008 est dopée par l’injection de liquidités à hautes doses des mêmes banques centrales. Au lieu de fertiliser l’économie, redonner confiance et financer la vision à long terme de l’investissement, les liquidités se perdent dans le puits de la spéculation financière (le marché boursier)[3],
  • les Etats-Unis ont le vertige: PIB ex ante, 23.000 milliards; ex post, diminution de 8.5%. Injection budgétaire: 2.300 milliards (en gros $1 de perdu pour $1 de réinjecté!). Ainsi le vaccin demeure financier et le virus politique contamine des banques centrales en voie de perdre l’indépendance qui conditionne leur santé, leur crédibilité, celle de la monnaie, celle de la capacité de refinancement de l’Etat et de son économie.

Ces injections massives ne risquent pas de générer l’inflation des années septante. Aujourd’hui le bras de levier du crédit —multiplicateur que les banques apportent à la circulation de la monnaie émise par la banque centrale et déposée chez elles — se situe dans un rapport de 1 à 3 (nos banques créent CHF 3 sur la base du dépôt BNS de CHF 1). Les économistes tablent sur un rapport de 1 à 9 pour une pandémie inflationniste. Donc pas d’inflation au menu pour l’instant et des taux d’intérêt qui restent à de très bas niveaux. Mais le pouvoir d’achat diminue tout de même (augmentation des prix).

Conclusion

Flash-éco 01 évoque un W dont la pointe médiane est la plus basse. Aujourd’hui les économistes décrivent un U asymétrique: chute, puis longue remontée en ligne brisée jusque fin 2022.

Le rôle des multinationales devient critique maintenant et pour la transition écologique. Nous y reviendrons.

Jean-Marie Brandt, dr ès sciences économique et en théologie

[1] Produit Intérieur Brut: valeur de marché de l’ensemble des biens et services (voir Flash-éco 02)
[2] La Chine se considère pays en développement: elle évite ainsi l’obligation de réciprocité de l’Organisation Mondiale du Commerce
[3] Le marché boursier ne représente aujourd’hui qu’une petite part des transactions financières: nous y reviendrons