Vers une récession temporaire à soubresauts

Flash-éco 02, du 12 avril 2020

La Suisse est entrée en récession. Récession et non pas dépression. Une différence capitale car la récession est passagère, la dépression durable.

La récession 2020 sera douloureuse. Elle ne devrait ni durer ni devenir dépression, comme la Grande dépression des années 30qui a touché l’Occident et débouché sur l’économie de guerre. La Grande récession des années 2008 – 2012, financière, fut maîtrisée par un traitement de même nature. La finance s’est stabilisée, renforcée, et s’est libérée de l’économie en y puisant légitimité et vitalité. Le tissu économique n’a pas recouvré la santé d’une croissance (une inflation de 2 à 3%). Se sont installées des affections chroniques: chômage de longue durée (jeunes et seniors), ghettoïsation des sans-emplois, pouvoir d’achat décroissant, classe moyenne fragilisée, inégalités aggravées. L’ordre économique est devenu instable, volatil, spéculatif, privé de vision à long terme et baignant dans le conformisme mou d’une société «liquide».

La récession 2020 est économique (la finance est sous contrôle).

Un dé-confinement prochain – écrêté – s’inscrit dans la durée. Il implique le mixage du traitement financier (court terme, assister l’oxygénation) et du traitement fiscal et budgétaire (long terme, intuber) tel qu’à ce jour initié: la Suisse débloque 42 milliards (monteront-ils à 100-150?), les USA 4.200, l’UE 2.200. Les économistes dessinent la géométrie (incantatoire) du PIB[1] 2020: les optimistes imaginent une courbe en V rapide, les pessimistes une courbe en L vers l’infini. La courbe pourrait bien esquisser un W, où le sommet central serait le plus bas ; mais, probables désillusions, la seconde descente pourait même se prolonger en L…

En Suisse récession équivaut à baisse du PIB sur deux trimestres consécutifs. Cette définition varie à l’étranger selon l’idéologie, la culture, l’humeur des dirigeants. Pour nous, les priorités sont:
a – assurer la liquidité à court terme (compenser les rentrées immédiates de revenus);
b – restaurer la confiance (stimuler l’investissement, relancer la demande par les salaires).

Le mixage de ces mesures à court terme (quantitativistes) et à long terme (keynésiennes) est un art connu. A condition que le confinement tienne, que l’écrêtage du dé-confinement immunise la population, qu’un vaccin intervienne.

Il paraît raisonnable de tabler sur une récession 2020 temporaire à soubresauts et une chute du PIB de 7 à 12%. Retraités: premier et deuxième piliers pas impactés pour l’instant. Transition écologique: tout reste ouvert; la récession 2020 pourrait la financer à terme (optimistes), la compromettre définitivement (pessimistes) ou inspirer les conditions cadres de son financement (théoriciens).

Dernière minute

500 milliards décidés par l’Euro-zone via le MES[2]: insuffisant. Coronabonds[3]: échec de la solidarité d’Etats débiteurs solidaires.

Jean-Marie Brandt, dr ès sciences économique et en théologie

 

[1] Produit Intérieur Brut: valeur de marché de l’ensemble des biens et services finals produits à l’intérieur d’un pays sur un période donnée
[2] Mécanisme Européen de Stabilité
[3] Emprunt européen

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