Une représentation multimédia ?

Par Stella Wohlers

Une critique sur le spectacle :

Un fil à la patte / Texte de Georges Feydeau / Mise en scène de Julien George / Théâtre Kléber-Méleau / du 3 au 15 mai 2022 / Plus d’infos.

© Carole Parodi

Après avoir travaillé sur La Puce à l’oreille et Léonie est en avance, Julien George revient avec une nouvelle pièce de Georges Feydeau au TKM. Haut en couleur et en rebondissements, ce vaudeville dominé par des mensonges, quiproquos et courses-poursuites provoque l’hilarité des spectateurs depuis mardi dernier.

Les visites ne cessent de défiler dans le salon de Lucette Gautier : son amant Fernand de Bois d’Enghien qui doit signer son contrat de mariage avec une riche héritière le soir même, Bouzin, le clerc de notaire et auteur de chansons « stupides », Marceline, de Fontanet, Cheneviette, la Baronne, future belle-mère de Fernand qui cherche à recruter Lucette pour chanter à la signature du contrat de mariage de sa fille et le Général Irrigua venu courtiser Lucette. Julien George présente cet imbroglio d’une manière qui rappelle la bande dessinée ou les dessins animés et donne à la pièce toute l’ardeur et la vie qu’un vaudeville requiert, poussant l’outrance au plus haut point.

Les teintes rouges du salon et les couleurs vives des tenues des personnages, le bleu de la jupe de Lucette, le violet du costume de Fontanet, ou encore le orange de la robe de Marceline, forment un visuel des plus éclatants. Le jeu des personnages est rapide et extravagant. Leur gestuelle est appuyée, tout particulièrement celle de Bouzin (David Casada) et du Général Irrigua (Frédéric Landenberg). Droit comme un bâton dans son ensemble rose fuchsia, la main accrochée à sa veste flamboyante parée de plume, le riche Général au très fort accent hispanique se laisse emporter par la colère et tente coûte que coûte d’éliminer l’amant de Lucette. Les mimiques de Bouzin, dont la gestuelle saccadée, les expressions exagérées et le maquillage blanc font penser aux mimes, sont souvent accompagnées de sonorités. Lorsqu’il s’assied, son siège émet un bruit de klaxon, comme le ferait le nez d’un clown.

Plus tard, les moments de disputes corps à corps sont précisément chorégraphiés et accompagnés d’une musique qui s’accélère. C’est notamment le cas lorsque le Général saisit Bouzin par le vêtement, bien décidé à se débarrasser de lui. Il le poursuit ensuite jusque dans la cuisine hors scène et des bruits de casseroles et de vaisselle brisée résonnent, ce qui rappelle certaines courses-poursuites de Tom et Jerry. Dans le troisième acte, Bouzin est invité à entrer dans le cabinet de toilette de Fernand et, au lieu de passer par la porte, David Casada traverse le mur vide qui sépare la pièce du hall d’escalier. Ce jeu avec le décor fait penser à certains épisodes de bande dessinée où le personnage sort de sa case. Il glisse également sur toute la rampe d’escalier comme le feraient des personnages de dessins animés.

Julien George utilise des codes propres à des médias familiers de tous les spectateurs qu’il intègre dans le jeu théâtral. Il parvient à explorer les possibilités du comique de jeu du vaudeville à travers ce procédé qui prend toute sa place dans cette proposition de mise en scène, comme en témoignent les nombreux rires dans la salle du TKM.