Un cours de français spectaculaire

Par Avî Cagin

Une critique sur la captation du spectacle :
Phèdre ! / Texte de François Gremaud / D’après Jean Racine / Mise en scène de François Gremaud / Théâtre de Vidy / en ligne jusqu’au 30 décembre 2020 / Réalisation de Simranjit Singh / https://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Phedre22659/ ensavoirplus/idcontent/104846

© Loan Nguyen

Au temps du confinement, quel meilleur moyen de se divertir que d’en apprendre plus sur l’un des grands classiques du théâtre français ? François Gremaud propose un spectacle plein d’humour, déguisé en cours sur la pièce de Jean Racine. Avec beaucoup d’habileté, la tragédie classique est mise en lumière sans pour autant faire de l’ombre à la proposition comique. Avec un seul comédien sur scène et un minimalisme total au niveau du décor, le pari est tenu : en direct ou par captation, Phèdre ! retient toute l’attention du spectateur qui se laisse emporter dans une aventure théâtrale très particulière.

Phèdre !, c’est un peu Phèdre de Jean Racine, avec quelque chose en plus : une conférence sur cette tragédie, canon du genre, qui s’écarte pourtant de plus en plus, sur le fond et sur la forme, d’une conférence standard.

Le « conférencier » se propose de nous parler d’une « une pièce de théâtre contemporaine, et même plus précisément une comédie qui met en scène une façon d’orateur qui, se proposant justement de parler de cette pièce (un petit peu comme [il] le fai[t] en ce moment), finit par raconter de manière plus ou moins enjouée une autre pièce… ». La comédie en question est celle de Gremaud ; mais c’est Phèdre (sans point d’exclamation…) qu’il s’agit en réalité de raconter. Imperceptiblement, l’orateur transforme sa présentation en un commentaire ludique du chef d’œuvre de Racine, jusqu’à en jouer des passages avec tantôt de l’émotion, tantôt de la distance humoristique. Romain Daroles, qui joue son propre rôle, nous emmène également jusqu’aux origines mythologiques de l’histoire de Phèdre et Hippolyte, ce qui est toujours passionnant pour un public friand de théâtre.

On sent que Gremaud a un grand amour du théâtre, et qu’il cherche à le partager avec le public. Ce spectacle a d’ailleurs été joué dans des classes de gymnase et a su beaucoup plaire aux jeunes élèves. Les enseignants présentaient Daroles comme un conférencier en bonne et due forme, sans mentionner l’aspect « méta » du spectacle qui allait se dérouler devant les yeux des gymnasiens ébahis. Un excellent moyen d’intéresser ces jeunes gens à la tragédie de Racine, qu’ils étudient dans le cadre de leurs cursus. Si tous les cours de français ressemblaient à un spectacle…

Vers la fin du spectacle, le texte est distribué aux spectateurs, qui découvrent avec étonnement que ce qui semble en partie improvisé par l’orateur est un texte très méticuleusement déjà écrit ; ce texte remplit alors une fonction d’accompagnement ludique du jeu, qui permet aussi au public de prendre conscience du rôle qu’incarne depuis le début ce personnage : dispositif simple et qui crée pourtant une surprise dont on est ravi.

En somme, Phèdre ! est un spectacle au concept innovant et au sujet atemporel. Il plaît aux passionnés de littérature classique comme aux amateurs de comédie contemporaine : un spectacle complet, marquant et dynamique.