Au-delà du réel

Par Elisa Picci

Rentrer au volcan / création et mise en scène Augustin Rebetez / Théâtre de Vidy / du 27 novembre au 11 décembre 2015 / plus d’infos

©Augustin Rebetez
©Augustin Rebetez

Avec Rentrer au volcan, Augustin Rebetez nous invite à entrer dans un monde à la fois sombre et poétique, où le réalisme ne trouve plus aucune place : les corps humains se disloquent et les décors prennent vie. Un mélange de performances tant vocales que physiques dans un univers archaïque, étrange et parfois teinté d’humour.

Augustin Rebetez est photographe, dessinateur et plasticien. Son art est également marqué par des installations bricolées de toutes sortes, toujours à l’image d’un monde venu d’ailleurs, qu’il nous présente aujourd’hui sur la scène de Vidy. Déjà bien connu dans le domaine des arts visuels, notamment par les multiples expositions à succès qu’il fait à travers le monde et les nombreux prix qu’il a reçus, Augustin Rebetez se lance à présent dans le théâtre avec sa toute première création scénique, Rentrer au volcan, faisant appel à des performeurs originaires de différents pays.

Le spectacle commence déjà dans la cafétéria du théâtre de Vidy. Les murs sont couverts des dessins et peintures de l’artiste. Les spectateurs peuvent également profiter de quelques-unes de ses installations, comme par exemple une sorte de grande cabane noire portant l’inscription « cinéma », dans laquelle on découvre des vidéos qui concernent ses productions. En s’approchant peu à peu de la salle de spectacle, le public sent déjà qu’il entre dans un ailleurs. Le couloir qui y mène, imprimé lui-même par l’art d’Augustin Rebetez, devient un passage vers un autre monde.

Sur scène, on peut alors observer librement la danseuse Iona Kewney faisant des contorsions et s’agitant brutalement. Un homme, debout à côté d’elle, se penche en avant et se relève constamment. Le silence se fait dans la salle mais sur scène rien ne se passe de plus. Le spectateur peut essayer de deviner ce que représente le décor plongé dans l’obscurité. On perçoit des installations électriques côté jardin, des sortes de cabanes pas tellement identifiables dans le fond et une petite maisonnette avec d’autres constructions singulières côté cour. Et surtout, une gigantesque boule noire suspendue au plafond. Celle-ci explose alors, provoquant le chaos et laissant les spectateurs complètement déboussolés. Des performeurs vêtus entièrement de noir et masqués sortent des décors. Certains hurlent, d’autres se déplacent comme si leurs articulations ne les soutenaient plus, le bruit en devient presque désagréable. Le spectateur va dès lors osciller pendant toute la représentation entre poésie et inquiétude.

Si l’on se retrouve envoûté par de remarquables performances musicales et vocales, qui vont d’un registre lyrique à des tonalités beaucoup plus rock, on est aussi déstabilisé par des prestations plus déconcertantes mais tout aussi fascinantes : à Louis Jucker, musicien punk qui amène une certaine sérénité par le son de sa voix et de sa guitare succède par exemple un performeur vêtu de noir, à la tête de cheval avec un dentier humain, qui récite un texte difficilement compréhensible, actionnant un mécanisme lui permettant de bouger le dentier en même temps qu’il parle. Les performeurs jouent aussi avec les décors bricolés, et selon l’endroit où le spectateur est assis, il peut avoir l’illusion que soudain ces décors se déplacent seuls. Dans ce monde, l’humain n’est plus le seul être capable de s’exprimer.

Vous l’aurez compris, Rentrer au volcan est une invitation à entrer dans un autre monde où l’art se déploie dans diverses formes, tandis que des émotions toujours différentes saisissent le spectateur pendant une heure de représentation. Tentez donc l’expérience et entrez dans l’univers si particulier d’Augustin Rebetez qui vous accueille jusqu’au 11 décembre au théâtre de Vidy !