“L’antidote contre la mort, c’est le désir!”

par Noémie Desarzens

Un Tramway nommé désir / de Tennessee Williams / mise en scène Zoé Reverdin / du 23 juin au 11 juillet 2015 / Théâtre de l’Orangerie / plus d’infos

© Marc Vanappelghem
© Marc Vanappelghem

La reprise, par la genevoise Zoé Reverdin, de la pièce de Tennessee Williams créée en 1947 à Broadway signe l’ouverture estivale du Théâtre de l’Orangerie, dans un cadre tout à fait charmant. Un climat saisissant qui entraîne son public dans une atmosphère de brutalité animale.

Sur scène, une construction métallique marque les contours de l’étroit deux pièces de Stella et Stanley. Des rideaux de fils divisent l’espace, le restreignant encore davantage. Lorsque les lumières de la salle s’affaiblissent, des bruits de tramway se mêlent graduellement à une voix grave afro-américaine. Apparaît en arrière-plan, derrière un rideau, la mince silhouette de Blanche Dubois (Marie Druc) avec deux valises. Fraîchement débarquée chez sa sœur Stella, elle se démarque par son attitude bourgeoise et prude. Mais Stanley n’est pas dupe : il sent que sa belle-sœur cache sa réelle situation.

Cette pièce analyse les relations et les tensions qui se tissent entre Blanche, Stella (Anna Pieri) et Stanley (Valentin Rossier). Cette brutalité et ce désespoir que Blanche exacerbe par sa présence prolongée chez sa sœur soulèvent la question du désir, animal chez Stella et Stanley, vital pour Blanche. Pour survivre au décès de son mari, celle-ci a en effet décidé de se perdre dans le désir charnel. Afin d’échapper à la mort, elle doit se rendre désirable pour exister. Les questions concernant nos raisons de vivre et notre apparence physique restent actuelles. Cette mise en scène épurée de Zoé Reverdin parvient à créer un huis-clos dans lequel ces trois personnages évoluent, frôlant l’étouffement. Les éclairages renforcent l’effet de confinement et de précarité de l’appartement.

Le seul point difficile à interpréter de la pièce : la scène de viol de Blanche. Au moment où l’acte de violence se produit, une musique légère se fait entendre. Le décalage entre ces deux modes – une brutalité innommable et un air joyeux – crée un certain malaise. A dessein, sans doute, mais on peine à saisir la justification de ce dispositif par rapport à l’ensemble du projet.

Reste que Marie Druc, époustouflante, incarne une figure à la fois fragile et manipulatrice. Valentin Rossier réalise une performance d’une vraisemblance effrayante dans les accès de colère, les sautes d’humeur, et le rôle de mâle dominant du personnage de Stanley. Sa seule présence corporelle et le timbre de sa voix mettent en place un sentiment d’insécurité, produisant avec une palette de jeu qui va de la nonchalance à une intensité tout à fait saisissante, une véritable tension au sein du public.

A voir absolument au Théâtre de l’Orangerie à Genève jusqu’ au 11 juillet.