Un onirique bal des fantômes

Par Deborah Strebel

Un jour / Création de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre / Théâtre de Vidy / du 1er au 12 octobre 2014 / plus d’infos

Copyright : Laure Ceillier et Pierre Nydegger

Un Jour explore, dans une atmosphère onirique, les frontières entre les morts et les vivants. Laissant peu de place à la parole mais multipliant les tableaux en mouvement, le spectacle présente un enivrant et ascensionnel bal des fantômes.

Parterre en bois surélevé à l’arrière-scène, chaises suspendues, tout paraît en lévitation. Un sentiment de légèreté émerge. Au sein de ce décor, après quelques paroles échangées par deux comédiens sur le sujet de la mort, un élégant ballet de spectres hypnotise les spectateurs. Caractérisé par une dynamique ascendante, l’ensemble des mouvements ne cesse d’effectuer des allers et retours entre le bas et le haut, entre la terre et le ciel. Six personnages se trouvent ainsi comme piégés dans une sorte de purgatoire. Ils vomissent, se convulsent, se raccrochent à la vie en promenant leur cœur comme s’il s’agissait d’un chien au bout d’une laisse ou alors se laissent partir, le tout autour d’une éblouissante chamane en pleine incantation et sur une musique dont le rythme palpitant semble reproduire les battements du cœur, apportant de ce fait un ultime souffle de vie à ces êtres en perdition.

Réel jeu avec l’iconographie du revenant dans la société occidentale, du drap recouvrant la totalité d’une personne au cri «houhouhou» susurré entre deux courants d’air, le spectacle propose une fascinante séance de spiritisme.

Comment représenter les éventuels échanges entre les morts et les vivants? Tel est, en effet, le défi que se sont lancé Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre. Plasticien, performeur, chorégraphe, dont le mode d’expression premier demeure l’image, le metteur en scène italo-suisse aux multiples facettes puise généralement son inspiration dans l’univers de l’enfance. Ses œuvres les plus emblématiques relèvent d’un registre joyeux, On se souvient de Furlan évoquant l’Eurovision et ses fioritures totalement kitsch, ou reproduisant à lui seul le célèbre match de football, de la finale de la coupe du Monde de 1982 qui avait opposé l’Allemagne à l’Italie. L’artiste s’intéresse pourtant autant aux trépassés, qu’il a d’ailleurs croqués dans ses premiers dessins. Sa compagne et collaboratrice, Claire de Ribaupierre, dramaturge et chercheuse dans le domaine de l’anthropologie, s’est aussi interrogée sur les figures de l’au-delà notamment lors de l’élaboration de sa thèse de doctorat consacrée aux fantômes dans les œuvres de Claude Simon et Georges Perec. C’est donc presque naturellement que l’idée de créer un projet autour de ces funestes thématiques est née chez eux lors d’une conversation avec Jane Birkin, rencontrée au Festival d’Avignon. Comble de l’ironie, rattrapée par la mort, la chanteuse et actrice française a abandonné l’aventure suite au décès de sa fille, Kate.

Projet plus évocateur que raconteur, Un jour suggère un voyage ésotérique au royaume des ombres en évitant le mauvais goût et sans chercher à faire peur. Non pas valse macabre où les esprits frappeurs feraient sursauter le public, la pièce se caractérise par une succession de tableaux oniriques et poétiques, tantôt blancs, tantôt colorés, comme autant d’ «images longues», comme le théorise et le pratique le metteur en scène, des images presque immobiles dont les actions sont très simples et lentes, laissant ainsi la possibilité au spectateur d’en inférer du sens. Programme conseillé, donc, avant tout aux esthètes et non aux avides de frissons, Un Jour, après Lausanne, se produira en France et au Luxembourg.

 

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