Au défilé de la comédie

Par Joanna Pötz

Une critique du spectacle :

Cabaret / de Hanokh Levin / mise en scène Nalini Menamkat / du 25 mars au 6 avril 2014 / La Comédie de Genève / plus d’infos

© Marc Vanappelghem

Avec Cabaret, mis en scène par Nalini Menamkat, La Comédie de Genève propose une incursion dans le monde fantaisiste et drôle de Hanokh Levin, qui dévoile la part d’hypocrisie et de bassesse de l’homme dans son rapport au monde.

Tout commence avec l’arrivée du public. Dans une salle de cabaret, lumière tamisée, il prend place autour de petites tables et s’installe comme pour boire un verre entre amis. Un duo de musiciens joue au piano et chante. L’illusion est parfaite, la frontière entre scène et spectateur quasiment abolie, au point que des spectatrices se lèvent pour suspendre leurs vestes avec les autres déjà en place sur une patère derrière ce qui sera la scène. Hélas, non, ce n’est pas le vestiaire pour spectateurs, mais la garde-robe des acteurs… La lumière s’assombrit alors, la musique se fait plus forte. Les quatre interprètes surgissent et commencent à chanter.

Cabaret, créé par le collectif de la Comédie de Genève,  est une succession de sketchs courts et divers, du mini one-man show au dialogue de sourds à quatre, en passant par une conversation téléphonique. Les textes sont tirés de deux recueils de cabaret – Que d’espoir ! et Douce vengeance et autres sketches –  écrits par l’Israélien Hanokh Levin (1943-1999). L’écrivain est surtout connu pour ses œuvres dramatiques, tragédies, comédies et sketchs, qui dénoncent non seulement les défauts de l’homme d’une façon générale – indépendamment de l’âge, du sexe ou de la nationalité – mais aussi le milieu politique tendu d’Israël.  Présenter son œuvre à la scène en Suisse est donc une gageure double : traduire avec justesse ses textes « qui font mouche à chaque réplique, à chaque phrase, à chaque virgule, à chaque silence », comme le note la traductrice Laurence Sendrowicz, et les adapter aux sensibilités d’un public suisse, souvent bien inconscient du contexte israélien. Ainsi, dans l’un des sketchs, les personnages évoquent Genève et ses frontaliers, et une sélection parmi la multitude des textes des recueils a dû être effectuée.

 Le tout est agrémenté de chansons – composées à partir des écrits de Levin, et accompagnées par Daniel Perrin et Lee Maddeford – interprétées par les acteurs. Ces moments musicaux sont autant de coupures qui facilitent le passage d’un sketch à l’autre, l’entrée dans un « nouveau microcosme ‘lévinien’ » comme le souligne Nalini Menamkat. Le dénominateur commun de tous ces tableaux ? Leur objet de prédilection: l’homme. Ainsi, le spectacle dénonce à la fois ses préoccupations bassement matérielles et physiologiques, son hypocrisie et son indifférence aux problèmes des autres. Cabaret, petite satire de la société, dévoile l’absurdité de l’humain avec beaucoup d’humour et de fantaisie.

La mise en scène de Nalini Menamkat met particulièrement bien en avant, par la musique et le jeu des acteurs, l’ambiance de cabaret et le comique qui règnent dans l’œuvre de Levin. Surtout, par l’abolition d’une claire frontière entre acteurs et spectateurs –  installés de part et d’autre du piano des deux musiciens et orientés de la même façon qu’eux – la metteuse en scène rend bien compte de l’aspect universel et englobant des problématiques que soulève l’auteur israélien. La scène très peu profonde et les changements de costumes des interprètes devant le public soulignent également qu’il s’agit bien de dévoiler et montrer au grand jour les non-dits de l’homme qui nous concernent tous. Pari réussi !

Cabaret, pièce pleine d’humour mais aussi de justesse, est à voir à la Comédie de Genève jusqu’au 6 avril.

 

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