L’enjeu des origines
Parallèlement à l’élaboration d’une œuvre extrêmement variée, touchant au genre du merveilleux scientifique comme à celui du réalisme social, Joseph-Henri Rosny aîné entame, à la fin du 19e siècle, un cycle de romans sur le thème de la préhistoire. Paraissent en effet Vamireh en 1891, Eyrimah en 1893, La guerre du feu en 1909, Le félin géant en 1919, et, en 1930, Helgvor du fleuve Bleu. Dans ces récits, l’auteur s’attache à décrire le cheminement de nos lointains ancêtres, et les montre acquérant, au fil des siècles, les caractéristiques physiques, intellectuelles et morales qui définiront l’homme moderne. La question des origines de l’humanité, de son évolution durant les premiers temps de son existence, est alors fort en vogue. La préhistoire est une science encore jeune, qui passionne les milieux savants comme le grand public, curieux des découvertes archéologiques qui se succèdent à l’aube du 20e siècle. Les récits de Rosny sur les « âges farouches » s’inscrivent donc dans cette vague d’enthousiasme qui entoure la nouvelle discipline. Ils ne constituent cependant pas, comme on pourrait le croire de prime abord, une simple mise en fiction, dans un but de vulgarisation, des thèses des paléontologues et des anthropologues d’alors. L’ouvrage se propose de démontrer qu’ils représentent bien davantage une prise de position sur certains débats esthétiques, politiques ou philosophiques qui divisent la société française aux alentours de 1900.