Volume 8

Le pur et le puissant

Callimaque et Segalen. Enquête sur l’énoncé littéraire
Maxime Laurent

Préface de Noël Cordonier et Martin Steinrueck, 2003.


P
lus encore que d’œuvres singulières, Segalen (1878-1919) s’est voulu poète et créateur de genres. Car ce dont il se soucie, ce n’est pas tant le poème lui-même, qu’en aval du poème, la relation littéraire qu’il engage. Un poème vaut donc surtout comme exemple, comme item de collections. Tout aussi varié et ambitieux, Callimaque (3e siècle av. J.-C.) compose également des collections de poèmes : un recueil de Iambes, un autre d’Hymnes ; et comme Segalen, il invente de nouveaux genres : les quatres livres d’Aitia. Chez l’un comme chez l’autre, la verve polémique défend une nouvelle conception de la poésie, comprise comme l’invention d’un nouveau rapport au texte. C’est sans doute pourquoi ces poètes que deux millénaires séparent ont au moins de commun, et de contemporain, quelques tics de leurs littératures secondaires. On y voit aujourd’hui des poétiques dialogiques, orientant tout le travail créateur sur le moment de la réception – ce qui est juste. Mais il arrive qu’on parle aussi, à leur propos, d’une émancipation du poétique ou de la mise en oeuvre d’un pouvoir-faire autonome. Au pouvoir et à ce qui s’y entend d’effectif, l’auteur de l’ouvrage oppose la puissance et ce qui en elle demeure virtuel. Loin d’un pouvoir-faire émancipé, la littérature semble selon l’auteur procéder d’abord et surtout d’un paradoxal (im)pouvoir — d’un pouvoir qui ne peut que pouvoir, sans faire.

157 p.