Volume 13

 

Politique du polar

Jean-Bernard Pouy
Véronique Rohrbach

Préface de Jérôme Meizoz, 2007.


L
a littérature engagée remet en question la définition d’une littérature atemporelle et détachée des contingences historiques. Tel est aussi le cas de ce que l’on a appelé, en France, après la Seconde Guerre, le « roman noir » ou « polar », ce roman policier venu des États-Unis et qui se distingue du roman d’énigme par son écriture béhavioriste, son réalisme et son regard critique sur la société. Dès les années soixante-dix, des auteurs réunis sous l’étiquette « néo-polar » (Manchette, Vautrin, Daeninckx, Pouy ou Fajardie) pratiquent cette littérature policière qui a la tradition d’être politiquement engagée. Or, pour comprendre l’engagement de ces écrivains au passé militant et leur entrée en littérature, il faut se pencher sur la question du genre policier, plus spécifiquement « noir », et de sa position dans le champ littéraire. Car l’engagement politique dans les romans s’avère indissociable d’un engagement pour le roman noir, genre minorisé au sein du champ, à l’instar d’une fiction policière que l’on persiste à qualifier péjorativement de « paralittérature ». Le genre partage ainsi en quelque sorte le même sort que les exclus de la société dont on a coutume de parler dans le polar : littérature en marge, le roman noir écrit sur les marges. Mêlant engagement à l’extrême gauche et rejet de la « littérature blanche », Jean-Bernard Pouy est une figure bien en vue du milieu du polar en France : il se présente comme « un ardent défenseur du roman noir et du roman populaire ». Le père de l’enquêteur libertaire le Poulpe illustre ce double engagement littéraire et politique en endossant une posture d’écrivain « populaire » illégitimé qui se donne à voir dans une pratique d’écriture, une parole et une présentation de soi au public. Cette posture, analysée dans cet essai, lui permet de transformer à son avantage le handicap d’une position dominée dans le champ littéraire.

143 p.