Si l’on demande aux deux biologistes formés à l’UNIL quel est leur papillon préféré, ils répondent de concert: les espèces du genre Maculinea. «Il s’agit de petits Lycènes dont le cycle de vie est lié à celui des fourmis, du genre Myrmica. Il en existe cinq espèces en Europe, présentes en Suisse», précise Aline Pasche. Son favori: l’Azuré des mouillères, ou Protée (Maculinea alcon), bleu-violet, qui pond ses œufs sur les gentianes des marais. Tandis que Valéry Uldry apprécie l’Azuré du serpolet (Maculinea arion), aux écailles «bleu foncé avec des taches noires, vraiment très beau», qui abandonne sa ponte sur du thym. Ces Rhopalocères, autrement dit papillons diurnes, s’observent plus rarement en plaine. «Maintenant qu’il n’y a plus tellement de prairies adéquates, ils sont devenus plutôt montagnards», signale Valéry Uldry. De son côté, Aline Pasche estime que leur attachement aux fourmis n’aide pas à la propagation de ces lépidoptères: «Quand la femelle pond, elle n’a aucun moyen de savoir si une fourmilière se trouve à proximité. C’est au petit bonheur la chance. S’il n’y en a pas, les chenilles ne se développeront pas. De plus, la colonie doit être grande, car une chenille peut manger jusqu’à 600 larves de fourmis pour se développer.»
Une union diabolique
Comment se débrouille un bébé lépidoptère abandonné pour appeler ses cousines éloignées? «Dès que la petite chenille éclot, elle sécrète une substance chimique qui mime le couvain, c’est-à-dire l’ensemble des œufs, larves et nymphes protégés par les fourmis nourrices», explique la scientifique. Les ouvrières, par l’odeur alléchées, viennent chercher la chenille afin de la ramener dans la fourmilière, croyant qu’elle s’était perdue. Et arrivée à bon port, au milieu du nid, la larve éruciforme se développe en engloutissant tout le couvain des fourmis. «Elle se fait adopter», souligne joliment Valéry Uldry. Tant qu’elle dégage la substance magique, elle indique à ses hôtes bernées que «tout va bien, tout est normal», note Aline Pasche. Ainsi épanouie, elle forme sa chrysalide à l’intérieur de la colonie. Toutefois, son existence serait trop parfaite si elle ne devait éclore. Car au moment où la gourmande chenille devient imago (adulte), il va falloir que le papillon nouveau rampe dans les galeries jusqu’à la sortie. «Un moment très périlleux puisqu’il ne sécrète plus la substance qui lui a permis d’entrer et est donc dès lors détecté comme étranger à tout instant», révèle la biologiste. Il risque alors à son tour de se faire dévorer.
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