Nombre de chercheuses et chercheurs ont recours à Twitter dans leur activité scientifique. L’email, compagnon de route lourdaud mais imposé, reste évidemment le champion incontesté parmi les moyens à disposition pour échanger de l’information. Mais après plus de dix ans d’existence, Twitter est devenu un des médias sociaux les plus prisés grâce à ses messages courts et sa capacité de diffusion instantanée. Ce qui se passe sur cette plateforme peut avoir de grandes répercussions, des élucubrations de l’actuel président des États-Unis au mouvement qui a émergé au mois d’octobre pour dénoncer le harcèlement et les violences faites aux femmes.
Inévitablement, ces courts messages jouent aujourd’hui un rôle dans la dissémination de la science, qu’il s’agisse de recherche ou de médiation. J’ai participé au mois d’octobre à l’organisation d’un colloque international de trois jours se déroulant à l’Université de Lausanne. Quelques mois plus tôt, l’appel à contributions avait été partagé plusieurs centaines de fois sur Twitter et nous avions pu répondre aux questions des personnes intéressées.
Dans les semaines précédant le colloque, nous avons pris soin d’organiser les discussions autour d’un hashtag – un dièse auquel un mot-clé est accolé, souvent un acronyme – permettant de retrouver les informations pertinentes. Ainsi, une communauté a commencé à prendre forme en amont de l’événement. Par ce biais, nous avons par exemple trouvé une solution de logement pour deux chercheurs qui ne pouvaient se permettre le coût d’un hôtel lausannois.
Puis le colloque a démarré. Avant même l’ouverture officielle, des dizaines de personnes se saluaient et échangeaient alors qu’elles ne s’étaient jamais rencontrées auparavant. Les présentations furent consignées en tweets par plusieurs participantes et participants parmi la centaine de personnes présentes, parfois même par le biais de photographies – ce qu’on nomme un live-tweet. Les références – articles et posters, comme supports de présentations – furent mises à disposition via le hashtag. Et en dehors des murs de l’université, les collègues qui n’avaient pas eu la chance de faire le déplacement purent suivre les présentations et participer à la discussion. Des personnes citées mais absentes fournirent même sur Twitter des réponses à certaines questions soulevées durant le colloque.
Aujourd’hui, celui-ci est derrière nous, mais les tweets ont été compilés sous la forme d’articles de blog. En attendant la réalisation des actes, ce phénomène de coopération au sein de l’assistance a fourni des compte-rendus qui rappellent au passage et à grand renfort de GIFs – des images animées – l’enthousiasme présent tout au long de ces journées.
En dehors des colloques aussi, la dimension communautaire de Twitter s’observe parmi les scientifiques, et il est rare de croiser des personnes malveillantes: débats en ligne, échanges de vues, de références, ou encore partages d’articles bloqués derrière des paywalls. Combien de fois ai-je contacté des chercheuses ou chercheurs par le biais de cette plateforme faute d’adresse email affichée sur le site de leur université? À l’inverse, mon profil, visible publiquement, est peut-être le moyen le plus rapide de se renseigner sur mes objets de recherche. À ce propos, le compte @EnDirectDuLabo invite chaque semaine un ou une scientifique à décrire son quotidien. Le résultat, fascinant, est le plus souvent un exemple de médiation scientifique réussie. La contrainte de 280 signes a pour bénéfice de motiver une écriture fluide privilégiant la pertinence.
Une majorité de chercheuses et de chercheurs ne recourent pas à Twitter dans leur activité de recherche et se portent très bien. Mais comme tendrait à le démontrer la diversité des contenus sur le compte @EnDirectDuLabo, la probabilité est grande que, pour chaque champ de recherche, une communauté existe déjà.