Pasteur et ancien aumônier à l’UNIL, Virgile Rochat livre ses réflexions dans «Le temps presse!», un ouvrage qui vient de paraître. Pourquoi le christianisme a-t-il une si mauvaise image aujourd’hui? Comment remédier à cette situation? Extraits choisis.
L’essai qui va suivre réfléchira […] au divorce qui s’est opéré entre la tradition chrétienne majoritaire de ce pays, et les hommes et les femmes d’aujourd’hui, ainsi qu’aux pistes possibles pour retrouver un dialogue», annonce Virgile Rochat dans la préface de son livre. L’auteur pose en préambule un constat connu: les participants aux célébrations religieuses vieillissent, il est difficile de trouver des bénévoles… En parallèle, un certain engouement pour toutes sortes de spiritualités peut être observé, ainsi qu’une «montée en puissance très significative des conceptions conservatrices […] autour de ce que l’on appelle les fondamentalistes». Ainsi, le créationnisme et les courants évangéliques brouillent l’image du protestantisme.
Virgile Rochat traite de la difficulté d’être protestant aujourd’hui, une religion dont certains attributs (austérité, intériorité) vont à l’encontre du consumérisme et du culte de l’apparence ambiants. Mais de manière plus large, l’auteur avance que les Eglises n’ont pas compris la mutation qui a eu lieu à la fin des années 1960 : le passage à une société ouverte, le refus des institutions, la prise de parole possible pour chacun. «Résultat : une mégacrise d’identité […] Les grandes Eglises sont restées ce qu’elles étaient: des forces de conservation (dans une société où tout change, là au moins ça ne change pas!)».
Le pasteur lance alors un avertissement: «Dans la crise actuelle, grand est le risque de glisser vers une forme de repli identitaire […]», ce qui conduit selon lui au communautarisme, «avec le risque d’être perçu comme une secte». Virgile Rochat estime que «la relation entre Eglises historiques et société n’est pas optionnelle. Elle constitue l’identité profonde de celles-ci.» Il leur propose donc d’aller «à la rencontre des femmes et des hommes d’aujourd’hui», d’établir du «lien».
De quoi faire bondir certains : le message des Eglises est permanent, il n’a pas à être bradé pour complaire aux valeurs d’une société éphémère. A cette objection, l’aumônier répond que dans les Evangiles, Jésus est «dans l’accueil, l’absence de jugement préalable, dans l’ouverture. Sur les chemins de Palestine, des relations se tissent qui permettront un échange […] A quoi sert-il d’avoir une parole si elle n’est pas entendue?»
Après avoir posé un diagnostic, l’auteur propose des pistes concrètes pour sortir de l’ornière. Comme par exemple alléger l’institution, entamer un «processus de dépouillement» pour n’y conserver que ce qui va au-devant des gens et de la société, au détriment de l’administration: «Notre société a plus besoin de rapports humains que de rapports sur papier.»
Il reste encore à atteindre la population, qui possède des agendas pleins à ras bord. Virgile Rochat mentionne les «interstices» de la vie quotidienne, les files d’attente, les loisirs, les repas. Se basant sur son expérience d’aumônier, il écrit que «de vraies relations d’accompagnement spirituel se sont mises en place simplement parce que je passais dans les couloirs de l’université. Une main me frappe sur l’épaule: «Ah, puisque je vous vois, pourrions-nous nous rencontrer?» […]»
Même s’il a l’ambition de stimuler le débat plutôt que de décourager ses lecteurs, l’auteur n’hésite pas dans ses conclusions à poser un pronostic alarmant: «[…] sans renouveau sérieux, l’espérance de vie des Eglises historiques dans leur forme actuelle tourne autour de dix, quinze ans au mieux.» La tâche s’annonce donc difficile.
Pragmatique, facile d’accès, l’ouvrage de Virgile Rochat reformule quelques évidences. Mais il donne aux lecteurs des éléments de réflexion. Le pasteur, qui possède un blog, accueille volontiers les commentaires.