Dans une entreprise, un souci mineur que l’on néglige peut grossir pour devenir un vrai problème, voire une catastrophe. Pour parer à cela, une professeure de la Faculté des HEC a imaginé RiskTalk. Une start-up est née de ses recherches.
Au quotidien, chacun repère dans son cadre professionnel ce qui pourrait être amélioré et ce qui pose problème. Par exemple, l’ascenseur en panne un jour sur trois, la faible communication entre deux services ou un souci récurrent dans le contact avec les clients. Généralement, on s’en plaint devant la machine à café avant de retourner au travail.
Imaginé par Anette Mikes, professeure au Département de comptabilité et contrôle de la Faculté des HEC, RiskTalk constitue une solution à ces situations. En pratique, la personne qui remarque un incident ou propose un perfectionnement le décrit grâce à une application pour smartphone. L’événement peut être géolocalisé de manière fine, catégorisé et enrichi de photos prises par l’employé. Ce dernier n’a plus qu’à l’envoyer (de manière anonyme ou non, au choix). Ce contenu parvient à une équipe chargée de trier les cas puis de les assigner aux responsables.
Le système, doté d’une interface intuitive et entièrement adaptable, permet de suivre les problèmes et leur résolution (ou non) dans le temps. «L’incubation des risques m’intéresse depuis longtemps, explique Anette Mikes, qui a mené des recherches sur ce sujet. Ce phénomène arrive quand les valeurs de l’organisation sont contredites par ses actions.» Ce qui survient, de manière classique, quand la pression sur les coûts prend le pas sur la sécurité.
«L’employé qui a signalé un cas reçoit du feedback, note Charles Newman, cofondateur de RiskTalk, en charge du volet informatique du projet. La prise en compte de son message va augmenter sa motivation à utiliser l’outil à nouveau.» En effet, rien n’est plus décourageant que de crier dans le désert.
Dans le cadre d’un essai, en 2017, Swissgrid, la société nationale pour l’exploitation du réseau, a diffusé RiskTalk parmi ses équipes, qui l’ont rapidement adopté. Ces derniers ont émis près de 300 rapports, dont la grande majorité a débouché sur des implémentations. Une autre expérience positive a été réalisée en janvier 2018 à Genève, lors du SIHH (Salon de l’Horlogerie).
«RiskTalk déplace la discussion de la faute ou du blâme vers la solution au problème», ajoute Anette Mikes. Il se fonde donc sur le professionnalisme des employés. Sans en avoir l’air, ce système touche également au fonctionnement de l’entreprise – voire la bouscule – et à l’ouverture d’esprit de son management, qui peut se sentir court-circuité. «On sait que les organisations ne sont pas des démocraties. Toutefois, donner une voix aux personnes qui connaissent le terrain est gagnant pour tout le monde», ajoute la professeure.
RiskTalk, qui compte également l’informaticien Jordan Powell dans son équipe, a été soutenue par le fonds UNIL-CHUV InnoTREK et par l’initiative privée Venture Kick. Ces organismes aident les spin-of issues de la recherche. Charles Newman a déjà créé des sociétés et conseille cet exercice à tout le monde. «Chaque jour, vous utilisez vos talents et vous apprenez quelque chose de nouveau.» Rompue à la recherche-action, Anette Mikes aime son activité d’entrepreneuse et en profite pour partager son expérience auprès de ses étudiants.
Ce printemps, RiskTalk a décroché son premier client payant. Dans les prochains mois, ses cofondateurs vont présenter leur outil à plusieurs entreprises suisses et européennes pour lesquelles la sécurité est centrale, notamment dans le domaine des transports (train et aviation) et de l’énergie mais également de l’événementiel et des loisirs.