Depuis un an, il enseigne la philosophie et la sociologie à la Faculté de théologie et de sciences des religions et au Collège des humanités. Rencontre avec Jean-François Bert.
Nous sommes au N2O Bar Restaurant, en plein cœur de Lausanne, place de l’Europe. Jean-François Bert vient de France, où il a ébranlé la frontière entre sciences sociales et philosophie avec une thèse sur la réception et l’usage de Michel Foucault en sociologie. «Chez nous, il est estampillé philosophe et la disciplinarisation reste forte en France.» Pourquoi l’UNIL ? Pour répondre à une offre ouverte sur l’interdisciplinarité à la Faculté de théologie et de sciences des religions et rejoindre son épouse italienne engagée par le Musée d’ethnographie de Genève.
Jean-François Bert garde un lien avec Paris et l’Ecole des hautes études en Sciences sociales. Avec ses collègues de l’EHESS, il vient de publier La grande étrangère, ensemble inédit de conférences et d’émissions qui restituent la voix originale d’un Foucault attentif à la littérature. De quoi alimenter sa quête des traces laissées par les auteurs: manuscrits, notes de cours, fichiers constitués tout au long d’une vie. «Je m’intéresse à l’histoire des pratiques savantes. Je souhaite montrer aux étudiants la pluralité des méthodes en sciences humaines et sociales, surtout sur un sujet comme le religieux qui se traite à la frontière de plusieurs disciplines. Il y a de l’artisanat dans la recherche, que l’on soit dans la première moitié du XXe siècle ou aujourd’hui avec un ordinateur. Nous pouvons en rendre compte.»
Dans sa pratique, il valorise la forme du séminaire. La relation entre le pédagogue et l’étudiant s’y élabore sur le mode de la transmission et de la construction partagée du savoir. «Avec l’apprentissage en ligne et la tendance à considérer le savoir comme simple accumulation de connaissances, on perd la relation aux autres, le savoir-faire propre à une discipline, le rapport au monde qu’elle induit. Je m’intéresse au charisme à l’œuvre dans la transmission du savoir. Un professeur apporte un regard particulier…»
En France, Jean-François Bert a expérimenté plusieurs formes éditoriales (colloque, livres, catalogue d’exposition): «En Suisse, il me semble plus difficile de trouver un éditeur intéressé par les sciences sociales; on vous demande d’apporter des fonds au lieu de considérer seulement la qualité de votre travail. En France, l’éditeur ne demande rien, il vous publie ou pas, et c’est toujours un bon exercice d’envoyer sa copie, même pour un professeur installé; rien n’est jamais certain dans ce métier!»
Il considère le rythme de l’enseignement universitaire comme une occasion de continuer à écrire, mais pas forcément en solitaire: «Une écriture collective influe sur le savoir et la manière de le présenter.» A ses yeux, le congé scientifique qui se traduit souvent par un séjour à l’étranger ne doit pas être la seule alternative car un chercheur peut travailler partout. «On peut monter une exposition à Lausanne, s’immerger dans une bibliothèque, une institution, participer à l’élaboration d’un journal. Je pense par exemple au documentaire de Nicolas Philibert sur Radio France. Le point de vue des sciences sociales sur différentes institutions doit être mieux représenté.»
Un goût qui rappelle votre enfance ?
Le sirop pour la toux au goût de banane – celui que je donne moi aussi à ma fille de 4 ans.
Un repas de fin du monde
Sans hésiter un sacrifice grec, thusia, acte collectif par excellence, mais aussi acte de partage autour d’un banquet.
Avec qui partager un repas ?
Tout le monde. La commensalité n’a pas de frontière.