Il connaît tout le monde, Georges-André Carrel. En cette fin d’après-midi de novembre, attablé devant un expresso dans la lumineuse cafétéria du Centre Sport et Santé de l’UNIL–EPFL, responsable technique du LUC Volleyball s’interrompt souvent pour saluer des connaissances. Même si on est ici pour parler du club, «qui va bien», la conversation déborde vite du domaine strictement sportif, tant ce dernier s’entremêle au reste de la vie.
«Trois de nos joueurs de LNA – Vassil Altanov, Quentin Zeller et Jovan Djokic – sont étudiants. Auparavant, ils étaient juniors dans le club. Une parfaite illustration du succès des LUC !» Georges-André Carrel y tient beaucoup, à la formation. «Cela prend du temps, requiert des compétences et de l’argent. Et on ne gagne pas à tous les coups.»
L’ancien directeur du Service des sports UNIL-EPFL mentionne les talents très prometteurs qui mûrissent dans les classes spéciales pour artistes et sportifs d’élite du Gymnase Auguste Piccard, «un peu notre pépinière. Mais je ne suis pas pour une spécialisation trop précoce. J’aime les parcours ouverts.»
Le café n’est pas fini que le tutoiement vient. Georges-André Carrel passe du LUC à sa carrière. «Pendant les années folles du début des années 90, alors que j’étais tout jeune directeur ici, j’ai mangé, dormi, parlé volley. Bref, je gonflais tout le monde. Avant de réaliser que je passais à côté de la vie.» Donc de la famille, de la gastronomie ou de la fête. «Tu sais, le sport, ça doit se réfléchir. Il faut prendre de la distance.»
Le responsable technique est intarissable au sujet de «ses» jeunes. «Je les trouve sains. Ils ont compris qu’il était important de ne pas seulement consommer du volleyball, mais aussi de donner au club.» Participer à la marche de ce dernier, à côté des études, des entraînements six à huit fois par semaine et des matchs, c’est bon pour le CV. Il prend l’exemple de ses fils Julien et Larry, qui jouent en LNA. «Entre la gestion du stress, des émotions, du temps et la réussite de leurs études, mes coyotes sont blindés. Le sport de haut niveau est très formateur.»
La discussion glisse naturellement sur la pente du management. «Je ne mène plus du tout l’équipe comme il y a 30 ou 40 ans», raconte celui qui fut international suisse. A l’époque, les notions de fidélité et de pérennité prévalaient, dans des équipes fusionnelles. Puis est venue «la génération fun et l’individualisation du sport.» Mais Georges-André Carrel ne chante pas la complainte du «c’était mieux avant», loin de là. Aujourd’hui, il est impossible d’imposer les vues du club ou de qui que ce soit aux membres des équipes. «Nous construisons un objectif partagé en tenant compte des buts personnels des joueurs, qui additionnent leurs différences.» Dans ce contexte, le boulot de l’entraîneur change. «Mes douze joueurs de LNA m’ont dit qu’ils voulaient aller au titre, cette année. Cela n’est pas venu du président du club, ni des sponsors, mais d’eux. Leur souhait me donne de l’énergie. »
Pas étonnant que ce sexagénaire, pour qui le mot enthousiasme semble avoir été inventé, donne autant de conférences. Son discours positif, ses petites phrases comme «le plus beau geste du sport, c’est la passe», font mouche. Tiens, pour le coup, il teinte un peu sa passion d’une ombre de souci. «Ce n’est pas un enterrement, ton article, mais quand même… » Pour Georges-André Carrel, le LUC va bien comme jamais, mais il est également très fragile. Car il «dépend de peu de monde». Pour maintenir une structure professionnelle, trouver de l’argent – 450’000 francs par an -, il faut des personnes hyper compétentes, prêtes à travailler pour presque rien, à activer leurs réseaux, à se donner sans compter. La relève n’est pas nécessaire seulement sur le terrain, mais aussi dans les coulisses.
Après avoir échangé quelques mots avec Fabien Gorgerat, masseur à la Cellule d’entraînement des sports universitaires, l’entraîneur parle du grand évènement de 2015 : les 40 ans du LUC Volleyball. Une fête d’anthologie au tout début de septembre, avec soirée officielle, pique-nique familial géant et – «écoute bien» -, un match contre une grande équipe européenne. «Ce sera le feu d’artifice !»