Nous sommes à Erétrie (Eubée, Grèce). Réalisée probablement au milieu du IVe siècle av. J.-C., cette œuvre orne l’une des salles de la Maison aux mosaïques. Elle représente Thétis chevauchant un monstre marin. La Néréide apporte de nouvelles armes à son fils Achille. Cette scène est devenue l’un des symboles des découvertes de l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce (ESAG). Depuis 1964, en effet, des archéologues suisses dégagent les vestiges de la ville antique, afin d’étudier et de faire connaître les 3000 ans de son histoire.
Depuis 1982, l’Université de Lausanne abrite le siège de l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce. Le 21 novembre prochain, un évènement officiel marquera le 50e anniversaire du début des fouilles suisses à Erétrie. L’occasion d’entendre des chercheurs parler de leur travail.
Galerie d’images accompagnée des explications de Thierry Theurillat, secrétaire scientifique en Suisse de l’ESAG.
1) Habitations du Quartier de l’Ouest au pied de l’acropole.
2) Idole cycladique.
Il s’agit du seul objet de ce type retrouvé à Erétrie, qui a très certainement été importé. Dans la plupart des cas, le contexte de provenance de ces figurines nous est inconnu, car elles proviennent de vieilles fouilles souvent clandestines. Elles ont beaucoup travaillé sur notre imaginaire et leur impact sur la sculpture moderne est évident.
3) Epigraphie.
On a retrouvé plus de 100 000 tessons de céramique comme celui-ci à Erétrie, mais tous ne portent pas d’inscription, loin de là. Ces objets ont l’air anodins, et pourtant ce sont les attestations les plus anciennes de l’usage de l’alphabet grec: ce fragment date de 750 – 700 av. J.-C. Lors de banquets ou des soirées qui réunissaient les aristocrates, on buvait, on tenait des discours, on récitait de la poésie et les coupes circulaient. Certains y écrivaient leur nom grâce à un stylet, comme on le voit sur l’image. Emprunté aux Phéniciens, l’alphabet fut ensuite diffusé à travers les colonies grecques en Italie, être repris par les Etrusques, puis par les Romains. Même si, de manière générale, on a retrouvé bien davantage d’inscriptions à Athènes qu’à Erétrie, la production de l’Eubée est de bonne qualité. Il s’agit par exemple de décrets ou de listes de citoyens de la cité établies à l’occasion de recensements. Ce qui permet d’étudier les filiations ou l’onomastique (soit les noms propres).
4) Trésor monétaire.
Une trouvaille exceptionnelle, si l’on considère qu’il s’agit d’un demi-kilo d’or qui date d’une époque où les objets prestigieux sont rares. Il s’agit de petits morceaux fondus. Deux interprétations sont possibles: un orfèvre pourrait avoir caché son or. L’archéologue Samuel Verdan penche plutôt pour une « proto-monnaie », soit l’esquisse d’un étalon qui aurait permis de réaliser des échanges avec les marchands orientaux. Cet ensemble constitue le plus ancien trouvé en Grèce. L’objet situé en bas à droite de l’image a été fondu dans une cupule de céramique: le lieu où cette opération a été réalisée a été découvert dans le temple d’Apollon à Erétrie.
5) Epinetron.
Cet objet de prestige était offert à la femme lors de son mariage, et l’accompagnait jusque dans la tombe. Il servait de protection de la cuisse et du genou ainsi que de surface de travail pour le travail de la laine. Dans ce cas, l’iconographie est d’une grande finesse, au point que son auteur est appelé « Peintre d’Erétrie ». Elle représente Alceste qui reçoit ses amies le jour suivant ses noces. Il est arrivé que d’autres epinetron, non décorés, aient été confondus avec des tuiles !
6) Amphore panathéanaïque.
Une des découvertes les plus spectaculaires faite à Erétrie. Neuf amphores ont été retrouvées entre 1969 et 1976, au sud de la Maison aux mosaïques. Ces récipients, remplis d’huile d’olive, étaient gagnés par les athlètes de diverses disciplines lors des fêtes des Grandes Panathénées, qui se déroulaient tous les quatre ans à Athènes en l’honneur de la divinité tutélaire de la ville.
7) Gorgone Méduse.
Cette applique est devenue l’un des symboles de l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce. Elle se trouvait dans la Maison aux mosaïques.
8) Erote en terre cuite.
Plusieurs figurines de garçons potelés semblables à celle-ci, appelées Erotes, ont été retrouvées dans une tombe à chambre de type macédonien. Mesurant de 8 à 11 cm et réalisées en terre cuite, elles datent d’une période allant du dernier du IVe jusqu’au début du IIe siècle avant J.-C. Ces Erotes n’ont pas une position stable : étaient-ils accrochés au plafond de la tombe ? Le contexte de leur découverte est perdu, puisque ces pièces ont été vendues à la fin du XIXe siècle, tout comme le reste du mobilier qui se trouvait sur place.
9) Portrait d’un jeune Erétrien.
Cette tête couronnait une statue dont on n’a retrouvé que quelques fragments. Elle date de la période romaine d’Erétrie, alors petite bourgade prospère de l’Empire. En 212 après J.-C., les habitants de la ville deviennent citoyens romains grâce à l’édit de Caracalla. Dans les sources antiques, la cité est alors connue uniquement pour sa production de « terre d’Erétrie », un matériau un peu mystérieux qui sert à chauler les murs ainsi qu’en médecine. Elle est exportée un peu partout, et on peut supposer que des notables ont fait fortune grâce à ce commerce.