Installé dans un fauteuil confortable, Benoît Reymond (aka Satyavan) savoure un Sazerac. Sa voix douce couvre à peine le bruit de fond qui règne dans le bar du grand hôtel Art nouveau, en cette fin d’après-midi de février. Le géologue diplômé de l’UNIL vient de débarquer d’un avion: il travaille pour l’un des grands groupes pétroliers mondiaux. Un milieu aussi discret que compétitif.
Ce natif de Château-d’Œx s’occupe d’exploration, c’est-à-dire de découvrir les secteurs prometteurs sur le plan des hydrocarbures, de négocier avec les gouvernements et de placer les premiers puits. Ce travail implique la gestion de grandes équipes et se situe aux antipodes de son activité précédente: une start-up, également engagée dans l’exploration. Il passait alors davantage de temps en plein air, «à dormir sous tente, dans le désert».
Né en 1965, le chercheur a développé un goût pour l’innovation et les nouvelles technologies. «Je suis entré à l’Université de Lausanne le 25 octobre 1984, et j’ai soutenu ma thèse dix ans plus tard, jour pour jour.» Un cursus entamé à la Cité dans une ambiance «familiale», car les étudiants en géologie étaient peu nombreux, et caractérisés par un sens de l’humour à toute épreuve. Avec quelques amis, Satyavan a fondé alors une société qui signait des contrats de confiance avec les propriétaires d’immeubles vides et promis à la démolition. Ce squatteur officiel a ainsi passé la majeure partie de ses études en ne payant que les charges, tout en habitant un duplex à côté de l’ancienne Ecole de chimie.
Le quadragénaire évoque quelques-uns de ses professeurs: «Arthur Escher, qui dessinait les Alpes en coupe avec une craie dans chaque main», Gérard Stampfli ou encore Stephen Ayrton, «un homme de valeurs, qui m’a soutenu dans mon opposition au service militaire, que je refusais par pacifisme». Leur point commun? «Ils respiraient la passion et l’enthousiasme.» Depuis ses études, Satyavan a conservé sa boussole, sa loupe et son marteau. «La force des géologues formés à l’Université de Lausanne, et ce qui leur permet de faire du business au plus haut niveau, c’est aussi la reconnaissance de leur aptitude sur le terrain: nous cassons une pierre et elle nous raconte son histoire.»
Adolescent, il a sillonné la Grèce. Etudiant, il a traversé le Sahara à dos de chameau avec un ami. Son doctorat de «géologie sur ordinateur», une première à Lausanne, lui a valu le Prix de la Faculté des sciences et l’a mené au Costa Rica et dans l’Himalaya. Loin du tourisme superficiel, ses voyages sont toujours des quêtes de sens. Ce que son affection pour les paradoxes lui fait formuler: «Le principal, c’est l’essentiel… ou le contraire!» Ce nomade né a passé beaucoup de temps en Inde, où il a reçu son deuxième prénom.
S’il se déclare «sans domicile fixe», Satyavan a néanmoins créé et dessiné avec sa femme une maison et un jardin à leur image, pour leur famille, en Australie. Le bâtiment aux fonctionnalités écologiques abrite un dojo d’aïkido, que le géologue pratique et qu’il a enseigné.
Son motto: Be the best at what you do. Ou plus exactement, être le meilleur par rapport à soi-même, dans ce que l’on a choisi de faire. «Le monde est vaste: étudiez ce que vous voulez, soyez les meilleurs et il n’y aura pas de problème!»