Avec l’arrivée d’une nouvelle sonde ionique sur le site de l’UNIL, Lausanne se positionne comme un centre de compétence dans le domaine de l’analyse des matériaux.
Un jour de canicule, à la fin août. La machine flambant neuve fait encore la sieste sous ses protections de plastique. Mais autour d’elle, ingénieurs et scientifiques s’activent. Débarquée de la région parisienne par la route, IMS 1280-HR est installée dans ses locaux définitifs, au rez-de-chaussée de Géopolis, dernier-né des bâtiments de l’UNIL. L’achat de cet instrument a été rendu possible grâce à une collaboration entre les Universités de Genève, Berne et Lausanne, ainsi que de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zürich, avec l’aide du Fonds National Suisse.
En forme de croissant, d’une envergure de 4 mètres et posée sur des pieds métalliques rouges, cette sonde ionique constitue une partie majeure du cœur technologique du nouveau Centre de compétence en analyse de surface des matériaux (CASA selon l’acronyme anglais), réalisé en collaboration avec l’Université de Genève et l’EPFL.
Muni d’un électro-aimant qui fait ses 4 tonnes, l’engin est si lourd que le sol gris de la pièce a dû être renforcé. Et pourtant, ce géant va servir à étudier très précisément des «échantillons de petite taille», indique la géologue Anne-Sophie Bouvier, lab manager, soit responsable des expériences qui seront menées avec IMS 1280-HR.
Le principe est le suivant : placé dans un vide très poussé, l’objet à analyser reçoit «un faisceau d’ions primaires d’oxygène et de césium, c’est-à-dire des molécules d’oxygène ou de césium chargées électriquement», précise la chercheuse. D’un diamètre de 10 microns, donc 10 millionièmes de mètre, le faisceau «creuse un trou minuscule à la surface de l’échantillon, ajoute le professeur Lukas Baumgartner, le responsable scientifique de ce laboratoire. Les ions secondaires éjectés suite à ce bombardement sont accélérés, puis séparés selon leur énergie initiale et leur masse.» Ce qui permet de connaître la composition chimique du corps étudié dans les moindres détails.
Que peut-on analyser grâce à cette sonde? «Tout ce qui est solide. Ou de la poussière, ou même des matériaux biologiques gelés», répond Lukas Baumgartner. Le spectre des éléments détectables va de l’hydrogène jusqu’à l’uranium, avec leurs nombreuses variantes (ou isotopes) possibles.
IMS 1280-HR, déjà baptisée SwissSIMS, va être utilisée en minéralogie, et plus généralement en sciences de la Terre. Mais elle trouve des applications dans de nombreux autres domaines, comme l’analyse de la pollution environnementale, la biologie ou l’étude des os, en médecine.
Loin d’être jalousement gardée par l’UNIL, la sonde ionique va servir à l’ensemble de la communauté scientifique suisse et européenne, ainsi qu’à l’industrie privée. Anne-Sophie Bouvier se charge justement de planifier l’exploitation d’un bijou qui requiert un haut niveau de compétences techniques et scientifiques. Conçue et construite à Gennevilliers (nord de Paris) par la société Cameca, l’appareil vaut plus de 5 millions de francs, et il en existe une dizaine de par le monde. Le modèle IMS 1280-HR installé à Géopolis est le deuxième de sa génération.
CASA implique un regroupement des forces. Propriété de l’EPFL, la machine NanoSIMS, au fonctionnement semblable, à la précision analytique plus faible mais à la résolution spatiale plus poussée, va arriver courant octobre pour être installée à côté de sa grande sœur. Deux instruments utilisant des lasers pour creuser les trous à la surface des matériaux, et des spectrographes de masse pour analyser les solides, existent déjà à l’Université de Lausanne. Grâce à cette offre, les scientifiques intéressés pourront travailler avec l’outil le plus pertinent par rapport à leurs recherches, au meilleur coût.
Avant d’être complètement opérationnelle, IMS 1280-HR doit encore traverser une phase d’installation et de tests. Le lever de rideau devrait avoir lieu en janvier 2013.