Dominus det vobis pacem
« J’aurai aimé avoir dans les veines une goutte du sang de François d’Assise »
George Clemenceau
« J’ai commis une erreur. Sans aucun doute, une multitude oppressée devait être libérée. Mais notre méthode a seulement eu pour effet de nouvelles oppressions et d’atroces massacres. C’est mon cauchemar éveillé que de me retrouver perdu au milieu d’un océan rouge de sang de mes innombrables victimes. Il est maintenant trop tard pour changer le passé, mais ce qu’il aurait fallu pour sauver la Russie, c’est dix François d’Assise. »
Lénine
Il est étonnant de constater que deux hommes aussi différents que Clemenceau, homme politique français et Lénine, le leader bien connu du parti bolchevik, puisse tomber d’accord sur un quelconque sujet. Pourtant, preuve est faite que c’est effectivement le cas ici. Leur point d’accord n’est pas une doctrine politique mais un homme. Cet homme, c’est Saint François d’Assise, un religieux, fondateur de l’ordre des frères mineurs qui deviendra par la suite l’ordre des Franciscains. Mais, bien avant la sainteté, il est simplement Giovanni di Pietro Bernardone, le fils d’une riche famille de marchands de la ville d’Assise, dans l’actuelle Italie. La trajectoire personnelle de cet homme nous paraît des plus intéressantes.
Au début, il s’agissait d’un homme comme il en existait au 13ème siècle. Son rêve, à ce moment-là, était de gagner gloire et honneur par des faits d’armes et de devenir chevalier. L’Italie, à cette époque, ne manquait pas de conflit. Il rejoint donc une petite armée qui fait route vers Pérouse. Il sera capturé et purgera 365 jours et autant de nuits au cachot. Les ornements de son destrier l’ont fait passer pour un noble. Il sera donc enfermé avec les aristocrates, ceux précisément qu’il idolâtrait. La froideur du cachot aidant, François tombe malade. Une organisation charitable souhaite le rapatrier mais cela coûte cher. Son père payera, il a besoin de l’aide de son fils dans ses activités commerciales. Il finira bien par sortir mais le désir de grandeur demeure cependant bien présent.
La rupture de 1205
En 1205, François à vingt-quatre ans. Il entend parler d’un chevalier français du nom de Gauthier de Brienne. Ce chevalier souhaite récupérer des terres pour le compte du pape et reprendre aux allemands des villes au sud de l’Italie. François se laisse convaincre et repart au-devant de la gloire. Il part pour Spolète et là il se retrouve immobilisé, malade encore une fois. La légende nous dit, qu’entre deux insomnies, il aurait entendu une voix qui lui disait en substance : « Qui est le plus apte à combler tes désirs, François, le Seigneur des seigneurs ou son capitaine ? » François répond que c’est le seigneur des seigneurs qu’il faut servir.
Une fois remis sur pieds, François rentre à Assise. Il s’arrête à l’église saint Damien à Foligno, vend son cheval et donne l’intégralité du bénéfice au prêtre ébahi. Lorsque le père de François apprit ce que son fils avait fait, il devint véritablement fou de rage. François, de son côté, traine des journées entières dans des cavernes ou seul dans des chapelles. La tristesse et l’ennui de ne pas savoir à quoi servir le préoccupe particulièrement. Sa question réclame d’urgence une solution… il la trouvera en Dieu et par l’exemple du Christ…
François devient un mendiant vivant au gré du pain donné par ceux dont il croise la route. Il abandonne tous ces dignes vêtements pour des guenilles de simple clochard. En voyant un lépreux, il descend de cheval pour aller vers lui et l’embrasser sur la bouche. En définitif, François fait le contraire de ce vers quoi tendait ses désirs antérieurs. Il désirait la gloire, il va vers l’humilité. Il craignait la lèpre, il en avait une peur panique et maintenant il embrasse des lépreux sur la bouche. Plus tard, en priant dans la chapelle Saint-Damien, en face d’un grand crucifix, il entend une voix qui lui dit ceci : « Ma maison est délabrée François… Ne pourrais-tu la réparer ? » Le dieu que perçoit François d’Assise ce n’est pas le dieu de l’ordre établi, le dieu des riches, mais au contraire, le dieu des humiliés et des petits, des battus, des pendus et des crucifiés passé, présent et futur.
1206-1208 Dieu embauche…
François le sait, Jésus l’a embauché… fort bien… Saint François vient de naître. Il retourne au magasin paternel et emporte des draps d’une qualité extrême et s’en va les vendre à Foligno. Il donne ses gains à un prêtre pour qu’on répare la chapelle Saint-Damien. Fini la vie de marchand ! En réalisant que du tissu est manquant, le père de François entre en transe. Il fait fouetter son fils et le fait enfermer à la prison de Pérouse. Cette fois c’est son propre père qui l’a mis au trou. Cela confirme l’intuition de François, à savoir que l’argent a le pouvoir de détruire des familles alors, pour François, mieux vaut ne rien posséder ! Il voit bien, qu’en ce siècle, l’argent devient gentiment le nouveau maître. L’autorité civile assigne François en justice. Il se récuse. « Je ne relève plus de la justice des hommes. J’ai donné ma vie à Dieu » Qu’importe ! son père saisira donc le tribunal ecclésiastique ! On ne badine pas avec un marchand, fusse-t-il notre propre père. Si son fils ne vénère pas la fortune, c’est qu’il est fou ! S’il a perdu la raison, alors il doit être enfermé ! Le procès se passe en public sur une place d’Assise. François s’exprime très clairement : « Bonnes gens, écoutez-moi tous et comprenez bien. Jusqu’à présent, c’est Pietro Bernardone que j’appelais mon père. J’ai pris la résolution de servir Dieu. Je rends à mon père tout ce que j’ai reçu de lui. Désormais, je ne dirai plus : « mon père, Pietro Bernardone ». Je dirai : « Notre père qui est aux cieux. » Et François fait suivre son discours d’un acte incroyable. Il jette aux pieds de son père l’ensemble de ses vêtements jusqu’au caleçon. En face de son père et devant tout le monde, François nargue la richesse et l’héritage et cela le fait jubiler. Le procès est terminé, François n’a plus rien à rembourser. Il a tout restitué et il a quitté sa famille. La foule se disperse et s’en va commenter l’événement aux quatre coins de la ville.
En 1206, François a vingt-cinq ans. Il a revêtu l’habit des ermites et à graver la croix du Christ, à la chaud, dessus. Son père le maudit chaque fois qu’ils se croisent. Dès 1208, il se met à prêcher et, très vite, quelques gens se groupent autour de lui. Au bout d’un moment, il les enverra prêcher la « bonne nouvelle » comme le Christ, en ce temps, envoya ses apôtres.
La conformité aux Evangiles
En 1209, François et douze frères décidèrent d’aller à Rome pour obtenir sa bénédiction quant à la règle de vie qu’ils souhaitent observer. Les premières règles de vie sont simplement des passages tirés des Evangiles. Il s’agit de trois passages bien précis. Le premier est celui-ci : « Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; puis viens et suis-moi. » (Mathieu, chap.19, verset 21.) Le second passage de sa règle est celui-là : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ; » (Mathieu, chap. 16, verset 24.) Enfin, le dernier : « Si quelqu’un veut venir à moi, et ne hait pas son père et sa mère, sa femme et ses enfants, ses frères et ses sœurs, et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Et quiconque aura quitté son père ou sa mère, ses frères ou ses sœurs, sa femme ou ses enfants, ses maisons ou ses champs à cause de moi, recevra le centuple et possédera la vie éternelle. » (Mathieu, chap. 19, verset 29.)
François et l’islam
François, dans le cadre des croisades, en viendra à rencontrer le sultan d’Egypte ; Malek el-Kamil. En présence du sultan, il répond aux questions. Il dit qu’il « est envoyé par Dieu pour dire au sultan et à son peuple le chemin du salut et leur annoncer l’Evangile qui est la vérité… Si vous voulez vous convertir au Christ, ton peuple et toi, c’est très volontiers que, pour son amour, je resterai parmi vous. » Le sultan obligea François à marcher sur un tapis couvert de croix pour vérifier s’il oserait commettre un acte sacrilège en les piétinant. François déjoua ce stratagème avec humour : « Ce n’est pas la croix du Christ que tu as posée là mais celles des deux brigands crucifiés à ses côtés ! » Pour en finir avec leur controverse, on propose de dresser un bûcher. François et un théologien musulman doivent s’y jeter pour prouver la supériorité d’un dieu sur l’autre. Cela ne fut cependant jamais tenté…
Retour et fin de vie
François rentre de croisades en 1220 pour constater que les deux frères, à qui il a confié l’ordre à son départ, ont fait quelques entorses à la règle de vie prodiguée par lui. François, utilisera le reste de son temps pour rédiger une nouvelle règle dont l’application tient compte du développement et à la croissance de l’ordre qu’il a fondé par son seul exemple. Selon la légende, il recevra « les stigmates » c’est-à-dire les marques dont le Christ fut la victime pendant la passion. Il est le premier stigmatisé connu de l’histoire et reconnu par l’Eglise. Il meurt le 3 octobre 1226 en laissant un testament dans lequel il professe son attachement à la règle qu’il a fondée ainsi qu’à la pauvreté. A sa mort, l’ordre des Franciscains compte de 3000 à 5000 frères. Il sera rapidement canonisé par l’Eglise et deviendra l’un des sains les plus connus et les plus respectés autour du monde et bien au-delà de la seule chrétienté. Récemment, le dernier vicaire du Christ sur terre choisi le nom de François en son honneur.
Rédacteur : Josselin Fernandez