Le comptable et le soldat
« Ainsi l’impérialisme, tel le chasseur de la préhistoire, tue d’abord spirituellement et culturellement l’être, avant de chercher à l’éliminer physiquement. La négation de l’histoire et des réalisations intellectuelles des peuples africains noirs est le meurtre culturel, mental, qui a déjà précédé et préparé le génocide ici et là dans le monde. »
Cheikh Anta Diop
« Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place. Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes. Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute… »
Le chant des partisans
C’est en ce 27 novembre 2017, qu’il arrive Macron, à Ouagadougou, capitale du Burkina Fasso, la patrie des hommes intègres. Il est accueilli dans le bruit, la joie et l’euphorie. Il est loin de l’Elysée, de la grisaille ainsi que des journées de pluies parisiennes et automnales. Il arrive pour parler, pour raconter des histoires… Il est agréablement reçu par son grand ami, avec lequel il ne peut que s’entendre. C’est normal somme toute. Ils sont de la même race, celle des populicides. Il rigolera. Il sourira. Il plaisantera avec lui, là, monsieur Roch Marc Christian Kaboré président de l’ex – Haute Volta. Pourquoi s’en priver finalement ? C’est jour de fête aujourd’hui pour le peuple de la Terrasse. C’est en cave qu’on crève… chez ceux qui assument le Réel, pas chez ceux qui le ponctionnent.
Enfin, alors voilà ils défilent tous les deux à travers les rues de la cité. Ils vont là où ils doivent aller, à l’Université. C’est là-bas que Emmanuel fera son grand oral. Il va raconter, lui, comment il voit l’avenir des relations franco-burkinabés et plus globalement, les relations franco-africaines. Il ne dira pas, par contre, qu’aujourd’hui il ne reste plus grand-chose, ni de la France, ni de l’Afrique. Il est en route. Les douceurs et les sourires d’aéroports font vite place aux beuglements de la rue. Elle est comme lui, finalement, cette dernière, jeune et dynamique. Elle est pleine d’énergie. Une grenade pour son arrivée qu’elle lui offre, au logeur de l’Elysée. Il va falloir le protéger car ça s’agite sérieusement dans la cité. Elle hurle, la foule dans les rues. Elle est en colère. Il y a toutes les haines du monde qui s’y trouvent. Elle est bien décidée à se faire voir, à se faire entendre. Elle hurle toute sa haine contre le Franc CFA, battu à Chamalière dont elle ne veut pas. Elle a compris, elle, que ça allait l’asphyxier cette merde. Elle hurle contre le néocolonialisme qui se fait encore sentir. Elle est en colère. Elle gronde. Elle tremble. Elle s’égosille. Elle hurle sa soif de survie à en crever. Nom de Dieu ! Que tu ne l’entends pas cette foule enragée, vas-tu dire ?? il y a tous les damnés de la Terre, vivants et morts, de tous les siècles déjà consommés qui aboient à travers ses cordes vocales. Ça hurle à ne plus s’entendre, à ne plus l’entendre, ce qu’elle dit la rue. Toute cette masse désespérée, c’est le bétail de l’indigence. Cela te fait plus rien, cela ne vous fait plus rien Messieurs les présidents Macron et Kaboré. Vous avez été rudement formés vous, à ne plus voir, à ne plus entendre, à bien dormir. On ne pourrait presque qu’admirer la performance….
Ils arrivent finalement à l’Université. Vous savez là que ce sera plus facile. Ça gueule encore dehors, mais à l’intérieur tout sera aseptisé. L’université, cette ambassade de vos mensonges, vous savez, vous, que là-dedans vous n’aurez plus rien à craindre. Les questions seront, au moins un peu, formatées. Les agents français sélectionneront les gens au compte-goutte. On n’est plus dans le réel là mais dans l’abstraction. Alors, il rigole de nouveau Macron. L’Université ça lui rappelle l’aéroport. On est de nouveau dans la joie, les sourires et la bienveillance.
Il a toujours cette hexis corporelle de l’homme très sûr de lui Macron. Il remet en place son costard et sa cravate. Il ajuste son micro. Il est prêt. Il est comme à l’hôtel. L’homme qui se faisait aboyer dessus en pleine séance parlementaire par l’ancien Premier Ministre qu’on ne nommera pas, celui qui était de passage, celui qui avait la main qui tremblait comme l’autre-là qui disait être marié à l’Allemagne, est accueilli en maître en terre africaine. Il s’autorisera, même, sans gêne, des familiarités en s’adressant aux étudiants par des « mon ami », et quelques plaisanteries concernant la climatisation. Oh…finalement par refus de l’aigreur nous en rirons de bon cœur, avant de lui demander s’il l’aurait fait à Poutine…Il nous aurait alors sûrement répondu qu’en Russie c’est plutôt la question du chauffage qui l’aurait inquiété… Ah là là, ce qu’on rigole bien sous l’occupation…
Soudain, une lumière scintille au fond de la pièce. On voit une silhouette apparaître. Elle tire un coup de feu en l’air. Alors, cela tourne au fiasco. Les agents de sécurité se mettent immédiatement à dégainer dans sa direction. Mon Dieu ! Mais ! Est-ce un Djihadiste ? Grand Dieu les balles ne lui font rien, il reste debout. Par Dieu Charlie Hebdo aurait-il eu tort ? Le Coran arrêterait-il les balles ? C’est la débandade dans la salle. Toute la masse estudiantine court vers la sortie. Macron lui il fait comme Michel Denisot, il se planque sous un bureau…. La lumière éblouissante s’apaise peu à peu. La silhouette devient alors reconnaissable. Lorsque la foule prend conscience de qui il s’agit, c’est la stupeur la plus totale dans la salle. Il y a juste Macron qui ne comprend toujours pas ce qu’il se passe, caché encore qu’il est sous le bureau…La personne en question n’est autre que celle de Thomas Sankara. Il revient, trente ans plus tard, bien décidé à secouer les tables et les têtes.
- Hé les ahuris !!! Qu’il hurle, on retourne à sa place ! Rasseyez-vous tous ! Et les agents de sécurité, rangez-vos armes, elles ne vous permettront pas de tuer un mort. Kaboré, où il est ? Qu’il demande.
- Il est allé réparer la climatisation, capitaine Sankara.
- Ah, je vois, je comprends. Il fait chaud ici, il devait être inquiet pour la mère d’Emmanuel, Brigitte, avec son âge avancé on a plus de peine à supporter la chaleur. J’ai vu, depuis le ciel, les ravages qu’a fait la canicule, en France, en 2003. D’ailleurs où est-il cet avorton, qui représente davantage le FMI, la Banque Mondiale et le 49.3 que la France ? demande-t-il ensuite en scrutant la salle dans tous les coins.
Ouais, c’est vrai, il faut le dire ça, que Thomas, il est comme Macron, jeune, dynamique et plein d’humour.
- Ni à gauche ni à droite Monsieur, il est sous le bureau
- Sous le bureau ? Il suce un futur bailleur de fond pour les LREM ?
- Enfin, Monsieur Sankara, ce n’est pas de votre niveau ça, renchérit une étudiante dans la salle.
- Oui, c’est vrai, excusez- moi, j’ai été un peu lourd, obscène et grossier. Bon, sous le bureau, vous dites qu’il est ?
- Oui, oui
- Je n’aime pas les balances. C’est à cause des gens comme ça qu’on a pu me tuer. Bon ! Emmanuel ! C’est fini, tu sors maintenant, montre-toi !
- Voilà je suis là mais s’il te plaît, Thomas, soit clément. Je…Je…qu’il dit en tremblotant le Macron.
- Allez c’est bon sors. Je suis venu pour discuter, c’est tout. Après je repartirai d’où je viens, dans le monde invisible, j’ai juste une permission de trente-trois heures. Allez, debout ! tu fais honte à la France !! Bon, en même temps je pense que tu le sais déjà mais tu n’en n’as rien à foutre.
- Je veux bien qu’on discute Thomas mais alors dans le cadre des Conventions de Genève.
- Ouais, ouais c’est ça. Et quand on m’a flingué, c’était selon quelle convention, elle a été faite où ? Ne me réponds pas finalement. Je n’en n’ai rien à foutre. C’est fait… c’est fait maintenant.
- D’accord, d’accord. Heu… de quoi faut-il que l’on parle ?
- Tu es l’invité, je te laisse commencer, règles de bien séances obligent.
- Heu…c’est-à-dire qu’il faudrait juste que je retrouve mes feuilles parce qu’avec les événements j’ai dû les perdre.
- Tes conseillers doivent en avoir un double
- Oui oui sûrement. Et toi tu n’as pas de feuilles ?
- Non non je n’en n’ai pas besoin, je suis sûr de ma morale et de ma logique.
- Tu as toujours ce pistolet sur toi ?
- Oui oui il m’a été offert par Kim-Il Sung. Ouais tu vois moi on m’offre des flingues. Il y en a d’autres à qui on offre des costumes. Mais bon, tu vois, en même temps moi il n’y avait pas une Christine Angot pour venir me casser les couilles, me dire que ce n’était pas bien et qu’il fallait que je le rende. Bon, tes feuilles ? qu’il demande en perdant un peu patience.
- Oui, mon conseiller s’affaire à m’en amener d’autres…
Le conseiller arrive et lui remet ses feuilles.
- Bon, alors on est d’accord, on fait un débat style comme chez Pujadas ? Pas de violence. Et pis d’abord je t’emmerde. Je suis quand même encore le Président de la France. Je n’ai peut-être pas d’armes sur moi mais j’ai les codes pour activer une bombe nucléaire. Alors, si je rentre à Paris avec une seule égratignure, je ne te raconte pas les répercussions politiques que ça aura pour ta nation, qu’il ajoute Emmanuel en reprenant peu à peu l’assurance qu’on lui connaît.
- Emmanuel, commence par me parler poliment, qu’il lui répond sèchement Thomas.
- Non non Thomas je ne te respecte pas, qu’il continue toujours à nouveau de plus en plus sûr de lui.
- Ah, tu ne me respectes pas.
Thomas s’approche rapidement, lui met un poing bien à droite et un poing bien à gauche dans sa gueule.
- Sauvage !! qu’il s’insurge, Macron.
Les gardes du corps de Macron sautent immédiatement dans le tas pour séparer les deux hommes.
- C’est bon, c’est bon je vais reprendre ma place, qu’il fait ensuite savoir très calmement, Sankara. Je peux continuer. Je voulais juste que tu comprennes, petit con, que tu n’es pas dans les bureaux des Rothschild, dans le secteur comptabilité, en train de discuter avec un employé subalterne du tertiaire, poursuivit-il en s’adressant au locataire de l’Elysée.
- Je voulais dire, si je peux me permettre, qu’en tant qu’actuel président du Burkina Fasso, je condamne fermement l’attitude de Monsieur Sankara qui a agi en contradiction totale avec les valeurs de la démocratie, des Droits de l’Homme et des principes républicains, qu’il ajoute, Monsieur Kaboré.
- Toi aussi tu veux que je vienne te voir ? qu’il lui répond sur un ton glacial, Thomas. T’entends comme ça gueule dehors ? Tu sais qu’un jour tu vas devoir leur rendre des comptes à ces gens ? Tu vas leur parler de Droits de l’Homme ? Tu verras s’ils t’écouteront. Tu vas d’abord être tabassé comme Kadhafi, puis pendu comme Saddam Hussein et finalement désintégré dans l’acide comme Lumumba, mais à la différence d’eux, tu ne seras dans aucun livre d’histoire. Un autre viendra et te remplacera jusqu’à ce qu’il subisse le même sort. Faut que tu comprennes que t’es totalement interchangeable petit con ! Alors maintenant que t’as fini de réparer la climatisation, tu fermes ta gueule, t’observes comment je fais les choses et t’essaies d’apprendre. J’aimerais que tu avances un peu intellectuellement !
Macron saigne encore un peu du nez mais plus tellement, juste un peu… Il a plus ou moins compris la leçon, enfin on ne sait pas trop. En tout cas il commence à dire ce qu’il a à dire.
Alors on m’a dit qu’ici c’est un amphithéâtre marxiste et panafricain. Donc je me suis dit : c’est l’endroit où je dois aller pour m’exprimer.[i]
Il rigole un peu, tout de même, Sankara quand il entend ça… Il continue Emmanuel :
Je parlerai donc ici devant l’Afrique comme un continent multiple, pluriel, fort et comme d’un continent où se joue une partie de notre avenir commun. Je suis comme vous. Je suis d’une génération qui n’a jamais connu l’Afrique comme un continent colonisé. Je suis d’une génération dont l’un des plus beaux souvenirs politiques est la victoire de Nelson Mandela et son combat contre l’Apartheid, chassé par une solidarité panafricaine allant de Alger à Rabat, de Luanda à Conakry… C’est cela l’histoire de notre génération.[ii]
Macron, celui qui voudrait faire croire qu’il n’a jamais vu les réseaux du père Foccart…C’est qu’il y en dans la salle qui se laisseraient bercer par cette romance hollywoodienne qu’il nous peint, cet artiste. Il parle là comme un grand bourgeois des beaux restaurants qui, poète le temps d’un verre, la douceur dans les yeux, la noblesse dans le phrasé, et un semblant de bienveillance dans l’âme, s’adonne au sophisme, histoire de trousser une nuitée la boniche bretonne qu’il convoite avant de la renvoyer, déculottée, dans le caniveau… Sankara ce n’est pas une fille facile… Alors il répond :
(…) Les ennemis du peuple sont également hors de nos frontières. Ils s’appuient sur des apatrides qui sont ici, parmi nous, à tous les échelons de la société : chez les civils comme chez les militaires ; chez les hommes comme chez les femmes ; chez les jeunes comme chez les vieux ; en ville comme à la campagne. Ils sont là, les ennemis du peuple. Ils sont là, les ennemis extérieurs. C’est le néo-colonialisme, c’est l’impérialisme.
S’appuyant donc sur ces apatrides, sur ceux qui ont renié la patrie, ceux qui ont renié la Haute-Volta, enfaite ceux qui ont renié le peuple de Haute-Volta, l’ennemi extérieur développe une série d’attaques. Des attaques en deux phases : la phase non violente et la phase violente. Nous sommes actuellement dans la phase non violente. Et l’ennemi extérieur, c’est-à-dire l’impérialisme, c’est-à-dire le néocolonialisme, tente de semer la confusion au sein du peuple voltaïque. (…)
Comme je vous l’ai déjà dit, il se passera une phase violente. Cet impérialisme, c’est lui qui a organisé des débarquements dans certains pays que nous connaissons. Cet impérialisme c’est encore lui qui a armé ceux qui, en Afrique du Sud, tuent nos frères. Cet impérialisme, c’est encore lui qui a assassiné les Lumumba, Cabral, Kwamé Nkrumah.[iii]
Emmanuel, là, il se prend l’histoire qu’il veut cacher en pleine gueule. Il sait, lui, qu’il va devoir répondre et il en a tout de même de la ressource. Alors il se reprend. Il n’a peur de rien…Enfin du moins fait-il bien semblant. Il ferait croire, si c’était possible, à la Terre entière que si en ce moment il transpire c’est simplement parce qu’ici il fait chaud, et non pas parce que pour lui, maintenant, c’est chaud. Il le ferait s’il le pouvait. Macron, il est de ceux qui font tout ce qu’ils peuvent…Il enchaîne :
Aussi je me refuse à revenir toujours sur les mêmes représentations d’hier. Il y a eu des combats. Il y a eu des fautes et des crimes. Il y a eu des grandes choses et des histoires heureuses. Mais j’ai une conviction profonde : notre responsabilité n’est pas de nous y enfermer, notre responsabilité n’est pas de rester enfermé dans ce passé mais de vivre l’aventure pleine et entière de cette génération. Je suis de cette génération de Français pour qui les crimes de la colonisation sont incontestables et font partie de notre histoire. Je me reconnais dans les voies d’Albert Londres et d’André Gide qui ont dénoncé les milliers de morts du chemin de fer du Congo et je n’oublie pas que ces voix, alors, ont été minoritaires en France comme en Europe.[iv]
Emmanuel, il essaye d’émouvoir la ménagère de plus de cinquante. Pourtant, c’est surtout des jeunes qui l’écoutent. Il déplore le fait que les barbaries de la colonisation ne furent dénoncées que par une minorité d’individus en Europe. Il croit ou semble vouloir nous faire croire qu’en métropole le luxe de tenir le crachoir était accordé à tous les bourgeois comme à tous les manges-merdes, sans distinction… Là, Thomas il sera bref :
(…) Ceux qui veulent exploiter l’Afrique sont les mêmes qui exploitent l’Europe. Nous avons un ennemi commun. (…)[v]
Le Nouvel Ordre Économique international s’inscrit, tout simplement, à côté de tous les autres droits des peuples, droit à l’indépendance, au libre choix des formes et structures de gouvernement, comme le droit au développement. Et tout comme les droits des peuples, il s’arrache dans la lutte et par la lutte des peuples. Il ne sera jamais le résultat d’un acte de la générosité d’une puissance quelconque.[vi]
Il y a des applaudissements dans la salle. Emmanuel, il n’aime pas ça. Il sent que le bateau prend l’eau. Thomas non plus, car il n’est pas venu pour faire un spectacle… Emmanuel, il s’accroche. C’est un guerrier de la palabre. Tel un capitaine, il reste à son poste quitte à couler avec le navire. Il poursuit ainsi :
D’autres sont venus pour entendre votre message. Et j’ai tenu à ce qu’ils soient présents à mes côtés. Ce sont les membres du Conseil présidentiel pour l’Afrique. Pour l’Afrique, car ils seront en lien permanent avec vous comme le sont les organisations que je n’oublie pas, qui œuvrent au quotidien sur le terrain auprès de la population. Et présidentielle, car votre voix me sera restituée sans filtre, sans intermédiaire, sans concession. C’est ce qu’ils ont commencé à faire il y a quelques jours, lorsque nous avons commencé à préparer ensemble ce déplacement. Ce sont de jeunes hommes et de jeunes femmes qui ont accepté de prendre sur leur temps pour venir être, en quelque sorte, vos portes voix. Pour venir à la rencontre, pour écouter, pour partager leurs expériences. Non pas pour me dire ce qu’il faudrait me dire, ce qu’on pourrait dire à un président de la République depuis bien longtemps. Non pas pour me dire ce qui se ressent, ce qui se veut, ce qui est attendu ou ce qui est nécessaire. C’est ce qu’ils continueront de faire en veillant au respect des engagements pris devant vous.[vii]
Il aime bien prononcer le mot « Afrique » Macron. Il a l’air de croire qu’à force de répéter ce mot indéfiniment, il sera Noir le temps de son discours. Lui, il veut convaincre le Burkina que la merde ça peut s’aménager et qu’ainsi tout peut continuer encore longtemps. Thomas répond :
(…) Il n’y a plus de duperie possible. Le Nouvel Ordre Économique Mondial pour lequel nous luttons et continuerons de lutter, ne peut se réaliser que :
Si nous parvenons à ruiner l’ancien ordre qui nous ignore,
- Si nous imposons la place qui nous revient dans l’organisation politique du monde,
- Si, prenant conscience de notre importance dans le monde, nous obtenons un droit de regard et de décision sur les mécanismes qui régissent le commerce, l’économie et la monnaie à l’échelle planétaire. (…)
(…) Nous faisons le serment de lutter pour atténuer les tensions, introduire les principes d’une vie civilisée dans les relations internationales et les étendre à toutes les parties du monde. Ce qui revient à dire que nous ne pouvons assister passifs, au trafic des concepts. (…)[viii]
Il y aurait, comme ça, un continent, sur la Terre, qui regorge de matières premières et qui depuis des décennies, que dis-je ! depuis des siècles, se verrait spolié, violenté, violé aux yeux du monde tant par ses ennemis intérieurs, qu’extérieurs, par les grandes firmes internationales ainsi que par les puissances belliqueuses qui règnent en maîtresses sur la planète. Et du jour au lendemain, dans un monde portant une humanité nullement assagie par le passage du temps, cette situation cesserait. Elle cesserait parce qu’un homme, aujourd’hui, nous le dit. Et bien cela, sans sourire, sans rire, sans douter, il faudrait le croire… Là, Macron il comprend qu’il va falloir changer de sujet. Alors maintenant il s’attaque au problème de la démographie.
Dire tout va bien, Madame la Marquise, c’est formidable on va continuer ensemble comme on a toujours fait et qu’on va s’apercevoir qu’il y a une démographie extrêmement dynamique mais dont bon nombre de pays qui n’ont pas la croissance pour entretenir une génération, une démographie qui fait encore basculer de l’autre côté. C’est, ne pas partager une préoccupation que nous devons avoir en commun. 70% de jeunes, c’est ça l’Afrique ! Alors oui c’est une chance ! je vous l’ai dit, j’y crois. Si je n’y croyais pas je ne serais pas là. Mais c’est surtout une immense responsabilité. Alors, la démographie, cela ne se décrète pas. Et là aussi, cela ne se dicte pas. Aucun président ne va dire ma démographie doit être celle-ci où celle-là. Et à fortiori, pas un président français pour l’Afrique. Mais elle renvoie à des choix personnels, intimes, dans lesquels personne ne doit s’immiscer. Et c’est là le cœur du sujet. Elle doit être un choix, en particulier pour les jeunes filles et pour les femmes. Et posez-vous bien la question. Partout, vous avez sept, huit, neuf enfants par femme. Est-ce qu’à chaque fois, dans chaque famille, vous êtes bien sûr que c’est le choix de cette jeune femme ? Il y a dans mon pays des familles qui ont fait ce choix. Il y a en France des familles où il y a sept, huit, neuf enfants par femme. C’est leur choix, c’est très bien je n’ai pas à en juger. Je n’en parle d’ailleurs jamais. Et je n’ai pas à en juger pour une famille et une femme africaine. Mais je veux être sûr que partout en Afrique, que ce soit bien le choix de cette jeune fille ou de cette femme. Je veux le choix pour une jeune fille, si elle le souhaite, de pouvoir continuer ses études, de continuer à se former, de trouver un emploi, de créer une entreprise, de pouvoir faire ce choix, elle et personne d’autre. Je veux que partout en Afrique une jeune fille puisse avoir le choix de ne pas être mariée à 13 ans ou à 14 ans pour commencer à faire des enfants. Non pas parce qu’un président de la République l’aura voulu. Parce que vous l’aurez voulu. Parce que vous l’aurez voulu. Mais nous devons avoir ce débat responsable qui force celui de la liberté du choix. Celui qui va avec la démocratie. Celui qui va avec la route que vous avez choisie. C’est une conviction profonde qui m’a poussé à faire de l’égalité femme-homme la grande cause de mon mandat. En France, d’abord, où nous avons encore d’énormes progrès à accomplir pour assurer une égalité réelle dans notre société. Et c’est une cause que je porte aussi dans mon action internationale et que je partage avec vous ici. La démographie peut être une chance mais donc à condition que chaque jeune fille, chaque femme ait la possibilité de choisir son destin dans notre société, quelle qu’elle soit.[ix]
Emmanuel, il se reconvertit dans la police des mœurs. Alors oui, il vient vous expliquer comment il faut engrosser, et à quelle fréquence, les demoiselles. Il veut être sûr qu’une femme qui a beaucoup d’enfants, en a par choix. Il veut des « certitudes » monsieur Macron. En quoi les Africains sont-ils tenus de répondre à ce type de désidératas ? Si en Afrique, il y a grand nombre d’enfants par femme, les raisons qui provoquent un tel phénomène ne regardent en rien un président de la république française, aussi méprisable ou respectable soit-il. En somme, l’Afrique va mal. Elle est pillée chaque jour et cela empêche ce continent de prospérer. Après vous avoir appauvris, messieurs-dames, nous vous demanderons également de baisser votre propension à vous reproduire. Ayez le désir d’avoir moins d’enfants par femme chers Africains, qu’il leur dit là Macron, car je le veux. Si vous pouviez disparaître et laisser place nette à Total ou Areva, ce serait alors le paroxysme du bonheur, mais comment faire pour vous en convaincre ? Il parle de choix des femmes comme si leur vie partout ailleurs n’était faite que de choix. Sait-il seulement que très peu nombreux sont les pays africains où l’on peut bénéficier d’une sécurité sociale ? Que le fait d’avoir un grand nombre d’enfant constitue justement une forme d’assurance sociale ? Que c’est une bénédiction en Afrique que d’avoir grand nombre d’enfant ? Ce n’est pas depuis l’Elysée qu’il pouvait le savoir cela, Macron.… Et toutes ces femmes du prolétariat français, qui vivent dans la précarité, qui vivent de petits boulots souvent peu épanouissants sur le plan intellectuel, forcées qu’elles sont de travailler car la paye du mari ne suffit plus à subvenir au besoin du ménage. S’il ne s’agit pas d’une mère monoparentale où le père s’est tiré depuis bien longtemps. Il s’est tiré parce que c’est son choix, sa liberté tout comme les femmes ont les leurs puisque nous sommes à l’air de l’égalitarisme. Concept érigé en maître et comme une fin en soi par les tenants de l’idéologie dominante occidentale. Il serait d’ailleurs amusant d’entendre une fois un président africain venir tenir un discours sur la fécondité dans un pays occidental, comme par exemple en Allemagne qui, elle, a un important déficit à ce niveau-là. Pourquoi ne faite-vous pas davantage d’enfants Mesdames ? Est-ce véritablement un choix ? Je souhaiterais en être sûr. N’est-ce pas dû à l’incertitude économique que traverse votre pays ? N’est-ce pas dû à l’apparition du divorce où les femmes ont peur de devenir mère célibataire, et devoir assumer seules trois ou quatre rejetons ? N’est-ce pas dû à la dégénérescence des mœurs et de la morale via le consumérisme à outrance qui vous prive d’un terrain sain et fécond pour l’éducation d’un enfant ? Ces mères célibataires qui triment à l’usine ? Ces jeunes femmes qui posent à moitié nues sur des affiches pour faire vendre des Audi ou des BMW, est-ce vraiment leur choix ? Je voudrais en être sûr Madame la Chancelière…Si un jour cela arrivait, que dirait-on ? Que diraient les Allemands ? que diraient les Allemandes ? S’offusqueraient-ils. Peut-être que oui…peut-être que non. Dans tous les cas, un chef d’Etat africain n’aurait aucunement la légitimité pour poser ce genre de question au peuple allemand. Sankara répond :
Le poids des traditions séculaires de notre société voue la femme au rang de bête de somme. Tous les fléaux de la société néocoloniale, la femme les subit doublement : premièrement, elle connaît les mêmes souffrances que l’homme ; deuxièmement, elle subit de la part de l’homme d’autres souffrances. Notre révolution intéresse tous les opprimés, tous ceux qui sont exploités dans la société actuelle.
Elle intéresse, par conséquent, les femmes, car le fondement de sa domination par l’homme se trouve dans le système d’organisation de la vie politique et économique de la société. La révolution, en changeant l’ordre social qui opprime la femme, crée les conditions pour son émancipation véritable.
Les femmes et les hommes de notre société sont tous victimes de l’oppression et de la domination impérialistes. C’est pourquoi ils mènent le même combat. La révolution et la libération de la femme vont de pair. Et ce n’est pas un acte de charité ou un élan d’humanisme que de parler de l’émancipation de la femme. C’est une nécessité fondamentale pour le triomphe de la révolution. Les femmes portent sur elles l’autre moitié du ciel.
Créer une nouvelle mentalité chez la femme voltaïque qui lui permette d’assumer le destin du pays au côté de l’homme est une tâche primordiale de la révolution. Il est de même de la transformation à apporter dans les attitudes vis-à-vis de la femme. Jusqu’à présent, la femme a été exclue des sphères de décisions. La révolution, en responsabilisant la femme, crée les conditions pour libérer l’initiative combattante des femmes. Le CNR, dans sa politique révolutionnaire, travaillera à la mobilisation, à l’organisation et à l’union de toutes ses forces vives de la nation et la femme ne sera pas en reste. Elle sera associée à tous les combats que nous aurons à entreprendre contre les diverses entraves de la société néocoloniale et pour l’édification d’une société nouvelle. Elle sera associée à tous les niveaux de conceptions, de décision et d’exécution, à l’organisation de la vie de la nation entière. Le but final de toute cette entreprise grandiose, c’est de construire une société libre et prospère où la femme sera l’égale de l’homme dans tous les domaines.
Cependant, il convient d’avoir une juste compréhension de la question de l’émancipation de la femme. Elle n’est pas une égalité mécanique entre l’homme et la femme. Acquérir les habitudes reconnues à l’homme (boire, fumer, porter des pantalons) ce n’est pas l’émancipation de la femme.
Ce n’est pas non plus l’acquisition de diplômes qui rendra la femme égale à l’homme ou plus émancipée. Le diplôme n’est pas un laisser-passer pour l’émancipation.
La vraie émancipation de la femme c’est celle qui responsabilise la femme, qui l’associe aux activités productives, aux différents combats auxquels est confronté le peuple. La vraie émancipation de la femme, c’est celle qui force le respect et la considération de l’homme.
L’émancipation, tout comme la liberté, ne s’octroie pas, elle se conquiert. Et il incombe aux femmes elles-mêmes d’avancer leurs revendications et de se mobiliser pour les faire aboutir. En cela, la Révolution démocratique et populaire créera les conditions nécessaires pour permettre à la femme voltaïque de se réaliser pleinement et entièrement. Car, serait-il possible de liquider le système d’exploitation en maintenant exploitées ces femmes qui constituent plus de la moitié de notre société ?[x]
Pendant que l’Afrique se fait piller, mettez-vous sur la gueule messieurs-dames. Ouais, Emmanuel il voulait remettre en scène la guerre des sexes. C’est plus confortable que de parler des problèmes de relations Nord-Sud. C’est vieux comme le monde ça ! Quand on ne peut plus répondre sur l’économico-sociale, on fait du sociétal. Et puis quand le sociétal ça ne marche toujours pas, on saute aux arbres. Faut bien trouver une échappatoire, somme toute. Alors on passe comme d’un terrain à l’autre. Emmanuel il reprend alors, en parlant de la pluie et du beau temps :
Enfin, la menace qui peut amplifier toutes les autres et les rendre hors de portée, c’est le changement climatique. Le changement climatique n’est pas une lubie pour pays développés. Ce n’est pas une préoccupation sur laquelle certains, simplement, devraient s’attacher à passer leur quotidien. Non ! Le changement climatique c’est vital. C’est ce qui peut transformer, bousculer des régions entières dans le Pacifique ou en Afrique. L’Afrique, des rives du lac Tchad au bassin du Congo est toute entière en première ligne des effets du changement climatique. Elle peut aussi, mes amis, être à l’avant-garde de la solution. Elle peut aussi réussir là où l’Europe n’a pas toujours su apporter les bonnes réponses. La secrétaire d’Etat m’accompagne ici et elle mène, aux côtés du ministre d’Etat, le combat. C’est pour cela que j’ai souhaité que l’Afrique soit à nos côté lors du sommet du 12 décembre prochain à Paris. Nous aurons des projets concrets, et en particulier des projets africains face auxquels nous mettrons des financements concrets, publics et privés, pour permettre d’avoir des résultats rapides. Je souhaite que la France, par ses entreprises et ses opérateurs, soit le partenaire privilégié de l’Afrique dans le domaine de l’adaptation au changement climatique. Je pense, en particulier, aux énergies renouvelables. C’est le sens que je donnerai, en inaugurant demain, avec le président Kaboré, la centrale solaire de Zagtouli. Avec ce projet, j’ai la fierté de penser que la France, avec d’autres pays européens, pourra ainsi contribuer, aux côtés du gouvernement burkinabè, à changer un peu la vie. A changer le quotidien des coupures d’électricités. A rendre l’énergie plus accessible…mais aussi plus propre. La lutte contre le réchauffement climatique doit être le terrain de l’innovation, de l’entreprenariat, d’un défi commun où nous devons réussir ensemble. Où les formations doivent se multiplier. Où les investissements nouveaux doivent se multiplier. (…)[xi]
Il suffirait de laisser l’Afrique se développer grâce à ses ressources et le courant irait très bien, la vie aussi…Oh, mais il a compris Emmanuel, qu’il parle à la jeunesse. Elle est si volatile, qu’il suffit d’avoir de la poésie et des mots pour lui faire croire qu’on soignera ses maux. La jeunesse, elle est si volatile, si pressée d’aller toujours faire autre chose, de rêver d’un autre monde, qu’il suffit d’un discours pour lui faire croire, que ce dernier, on va l’inventer. La jeunesse, on lui fait l’amour en face avec des mots, puis on la baise dans le réel, par derrière, une fois celle-ci endormie. Elle, si naïve, si pathétique, elle n’en connaît pas assez pour se méfier. La jeunesse, c’est une maladie dont certains ne sortent jamais ! Mais une fois mort, vous êtes comme un vieux… Et Thomas ça fait déjà trente ans qu’on la fait crever. Alors il répond :
(…) Je ne suis que l’humble porte-parole d’un peuple qui refuse de se regarder mourir pour avoir regardé passivement mourir son environnement naturel. Depuis le 4 août 1983, l’eau, l’arbre et la vie pour pas dire la survie sont des données fondamentales et sacrées de toute action du Conseil national de la révolution qui dirige le Burkina Faso. (…)
Pour le nouvel an 1986, toutes les écolières, tous les écoliers et les élèves de notre capitale, Ouagadougou, ont confectionné, de leurs propres mains, plus de 3500 foyers améliorés offerts à leurs mères, et venant s’ajouter aux 80’000 foyers confectionnés par les femmes elles-mêmes, en deux ans. C’était leur contribution à l’effort national pour réduire la consommation du bois de chauffe et sauvegarder l’arbre et la vie.
L’accès à la propriété ou à la simple location de centaines de logements sociaux construits depuis le 4 août 1983 est strictement conditionné par l’engagement du bénéficiaire à planter un nombre minimum d’arbres et à les entretenir comme la prunelle de ses yeux. Des bénéficiaires irrespectueux de leur engagement ont déjà été expulsés grâce à la vigilance de nos Comités de défense de la révolution (CDR) que les langues fallacieuses se plaisent à dénigrer systématiquement et sans aucune nuance.
Après avoir vacciné, sur tout le territoire national, en une quinzaine de jour, deux millions cinq cent mille enfants, âgé de 9 mois à 14 ans, du Burkina Faso et des pays voisins, contre la rougeole, la méningite et la fièvre jaune ; après avoir réalisé plus de 150 forages, garantissant l’approvisionnement en eau potable à la vingtaine de secteurs de notre capitale jusqu’ici privée de ce besoin essentiel ; après avoir porté, en deux ans, le taux d’alphabétisation de 12 pour cent à 22 pour cent ; le peuple burkinabé continue victorieusement sa lutte pour un Burkina vert.
Dix millions d’arbres ont été plantés dans le cadre d’un Programme populaire de développement (PPD) de 15 mois qui fut notre premier parti en attendant le Plan quinquennal. Dans les villages, les vallées aménagées de nos fleuves, les familles doivent planter chacune 100 arbres par an.
La coupe et la commercialisation du bois de chauffe ont été totalement réorganisées et vigoureusement disciplinées. Ces activités vont de l’obligation de détenir une carte de commerçant de bois, de respecter les zones affectées à la coupe du bois, jusqu’à l’obligation d’assurer le reboisement des espaces déboisés. Chaque ville et chaque village burkinabé possède aujourd’hui un bosquet, réhabilitant ainsi une tradition ancestrale. (…)
Mon intention n’est pas d’encenser sans retenue et sans mesure la modeste expérience révolutionnaire de mon peuple en matière de défense de l’arbre et la forêt. Mon intention est de vous parler de la façon la plus explicite qui soit, des profonds changements en cours au Burkina Faso, dans les relations entre l’homme burkinabé et l’arbre. Mon intention est de témoigner de la façon la plus fidèle qui soit, de la naissance et du développement d’un amour sincère et profond entre burkinabé et l’arbre, dans ma patrie.
Ce faisant, nous croyons traduire, sur le terrain, notre conception théorique en rapport avec les voies et moyens spécifiques de nos réalités sahéliennes, de la recherche de solutions aux dangers présents et futur qui agressent l’arbre et la planète à l’échelle planétaire. (…)
(…) Ni les arguments fallacieux du malthusianisme, et j’affirme que l’Afrique reste un continent sous-peuplé, ni les colonies de vacances pompeusement et démagogiquement baptisées « Opération de reboisement », ne constituent des réponses. Nous et notre misère, nous sommes refoulés comme des pelés et des galeux dont les jérémiades et les clameurs perturbent la quiétude feutrée des fabricants et des marchands de misère.
C’est pourquoi le Burkina a proposé et propose toujours, qu’au moins un pour cent des sommes colossales sacrifiées dans la recherche de la cohabitation avec les autres astres servent à financer, de façon compensatoire, des projets de lutte pour sauver l’arbre et la vie. Nous ne désespérons pas qu’un dialogue avec les martiens puisse déboucher sur la reconquête de l’Eden. Mais en attendant, les terriens que nous sommes avons aussi le droit de refuser un choix qui se limite à la simple alternative entre l’enfer et le purgatoire.
Ainsi formulée, notre lutte pour l’arbre et la forêt est d’abord une lutte populaire et démocratique. Car l’excitation stérile et dispendieuse de quelque ingénieurs et experts en sylviculture n’y fera jamais rien ! De même, les consciences émues, même sincères et louables, de multiplier forums et institutions ne pourront reverdir le Sahel, lorsqu’on manque d’argent pour forer des puits d’eau potable à 100 mètres et que l’on en regorge pour forer des puits de pétrole à 3000 mètres ! Karl Marx le disait, on ne pense ni aux mêmes choses, ni de la même façon selon que l’on vit dans une chaumière ou dans un palais. Cette lutte pour l’arbre et la forêt est surtout une lutte anti-impérialiste. Car l’impérialisme est le pyromane de nos forêts et de nos savanes.
(…) Ce combat, nous pouvons le gagner si nous choisissons d’être des architectes et non pas simplement des abeilles. Ce sera la victoire de la conscience sur l’instinct. L’abeille et l’architecte, oui ! L’auteur me permettra de prolonger cette comparaison dualiste en un triptyque, c’est-à-dire : l’abeille, l’architecte et l’architecte révolutionnaire.[xii]
Emmanuel, qui croyait que l’Afrique l’avait attendu. Alors que sur cette question, cela fait bien longtemps qu’elle est en marche. Il fait alors sa révérence
Voilà, mesdames et messieurs, au moment de se retirer, je crois qu’il est de coutume au Burkina Faso de demander la route. C’est ce que je vais faire en vous demandant non seulement la route mais aussi la destination que nous devons prendre ensemble. Au bout de cette route, nous avons le choix entre l’envie de nous retrouver ou la tragédie de nous ignorer. Je vous propose non seulement de vous retrouver mais de ne plus nous séparer. Felwine Sarr écrit cette belle formule « L’Afrique n’a personne a rattrapé. Elle ne doit plus courir sur les sentiers qu’on lui indique mais marcher prestement sur le chemin qu’elle se sera choisi. » Alors marchons ensemble sur ce chemin si vous en êtes d’accords. Et apprenons à nous aimer fort de notre histoire partagée et de notre devenir commun. C’est la proposition que je suis venu faire aujourd’hui avec beaucoup d’humilité. C’est la même proposition que je ferai demain avec mes homologues africains et européens. (…) Je vous remercie.[xiii]
Ce n’est plus un discours, mais une déclaration qu’il nous fait là Monsieur le Président Emmanuel Macron, une déclaration d’amour. « Ne me quitte pas. Il faut oublier Tout peut s’oublier Qui s’enfuit déjà, Oublier le temps Des malentendus Et le temps perdu »[xiv] L’Afrique et l’Europe ont-elles seulement été, ne serait-ce que le temps d’un jour, séparées depuis la décolonisation ? Nous avons pu voir, depuis la seconde moitié du XXe siècle, une élite africaine embrasser corps et âme une élite européenne, et deux peuples assister ensemble à ce mariage qui relève davantage de la pornographie que du romantisme, par le trou de la serrure, comme des enfants un peu trop curieux… Vient maintenant au tour du Capitaine Thomas Sankara de conclure :
Nous savons que, dans les officines impérialistes, on essaiera de décortiquer les propos tenus ici et surtout l’on essaiera de savoir jusqu’où le peuple burkinabè réussira à repousser l’ennemi. Et moi, je vous dis que nous repousserons l’ennemi jusqu’à ce nous l’ayons noyé dans les océans.[xv]
Le temps d’un instant, Sankara se transforme en guide du routard histoire de donner une information concernant la route, où plutôt la destination, à Emmanuel, puisque celui-ci est désireux de se la faire indiquer. Ne sait-on jamais, peut-être voudra-il lui aussi la prendre :
La patrie ou la mort, nous vaincrons ! Je vous remercie.[xvi]
Rédacteur : Yoann Lusikila
Image :
Les présidents français et burkinabé, Emmanuel Macron et Roch Marc Christian Kaboré devant le portrait de Thomas Sankara à Ouagadougou le 28 novembre 2017.
[i] Extrait du discours du 28 novembre de Emmanuel Macron à l’Université Ouaga I, visionnable intégralement sur le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=vo9QxXqWjGg&t=1183s Tous les prochains extraits de discours de Macron proviennent également de ce même lien.
[ii] Extrait du discours du 28 novembre de Emmanuel Macron à l’Université Ouaga I, visionnable intégralement sur le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=vo9QxXqWjGg&t=1183s Tous les prochains extraits de discours de Macron proviennent également de ce même lien.
[iii] Extrait du discours de Thomas Sankara Les ennemis du peuple du 26 mars 1983.
[iv] Extrait du discours du 28 novembre de Emmanuel Macron à l’Université Ouaga I, visionnable intégralement sur le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=vo9QxXqWjGg&t=1183s Tous les prochains extraits de discours de Macron proviennent également de ce même lien.
[v] Extrait du discours de Thomas Sankara Discours sur la dette du 29 juillet 1987.
[vi] Extrait du discours de Thomas Sankara devant l’assemblée générale des nations-unies du 4 octobre 1984.
[vii] Extrait du discours du 28 novembre de Emmanuel Macron à l’Université Ouaga I, visionnable intégralement sur le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=vo9QxXqWjGg&t=1183s Tous les prochains extraits de discours de Macron proviennent également de ce même lien.
[viii] Extrait du discours de Thomas Sankara devant l’assemblée générale des nations-unies du 4 octobre 1984.
[ix] Extrait du discours du 28 novembre de Emmanuel Macron à l’Université Ouaga I, visionnable intégralement sur le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=vo9QxXqWjGg&t=1183s Tous les prochains extraits de discours de Macron proviennent également de ce même lien.
[x] Extrait discours de Thomas Sankara de Discours d’orientation politique du 2 octobre 1983.
[xi] Extrait du discours du 28 novembre de Emmanuel Macron à l’Université Ouaga I, visionnable intégralement sur le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=vo9QxXqWjGg&t=1183s Tous les prochains extraits de discours de Macron proviennent également de ce même lien.
[xii] Extrait discours de Thomas Sankara de Discours sur la préservation de l’arbre, de l’environnement et de la vie du 5 février 1986.
[xiii] Extrait du discours du 28 novembre de Emmanuel Macron à l’Université Ouaga I, visionnable intégralement sur le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=vo9QxXqWjGg&t=1183s Tous les prochains extraits de discours de Macron proviennent également de ce même lien.
[xiv] Jacques Brel
[xv] Extrait du discours de Thomas Sankara menace sur la révolution burkinabè du 11 septembre 1985.
[xvi] Extrait du discours de Thomas Sankara menace sur la révolution burkinabè du 11 septembre 1985.