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King Lear (a tragic comedy)

 

 

« King … Lear (a tragic comedy) »

Théâtre de La Grange de Dorigny, Lausanne, 19 mai 2017

Mise en scène
Roelof Overmeer
Sarah-Jane Moloney

Distribution
Ben Davis
Rebecca Frey
Vincent Laughery
Sarah-Jane Moloney
Roelof Overmeer
Alisa Steinhauser
Josefa Terribilini

Lumières
Rebecca Frey
Orson Gremaud

Musique
Pascal Desarzens, interprétée sur scène par le quatuor Solem (Denitsa Kazakova, Olivier Piguet, Céline Portat et Pascal Desarzens)

Le Roi Lear, c’est :

  • La dernière (probablement) des quatre inépuisables tragédies (date de la création : le 26 décembre 1606) que le poète de Stratford-upon-Avon, petite ville du Warwickshire (environ 2,000 habitants en 1564), nous a léguées…
  • Un monarque absolu injuste, aimé par les justes…
  • Un roi dont l’histoire est racontée au 12e siècle par Geoffrey of Monmouth dans son Histoire des rois britanniques, que Shakespeare lit et transforme en mythe humaniste que prolongent Korol Lir de Grigori Kozintsev, Ran d’Akira Kurosawa, King Lear de Jean-Luc Godard…
  • Un conte de fées…
  • La plus grecque des tragédies de Shakespeare… l’histoire d’un homme aveugle qui finit par voir… trop tard… (ou peut-être pas)…
  • Une vision apocalyptique qui n’exclut pas l’espoir…
  • Une pièce de méta-théâtre…
Le Roi Lear : 

Une tragédie ne peut être tragique

Comme tout le monde le sait, nous avons hérité le mot “théâtre” des Grecs, mais nous oublions souvent qu’il s’est produit un glissement entre l’utilisation du mot chez les Grecs et nous. Les Grecs séparaient le lieu des représentations théâtrales en plusieurs espaces : l’orchestra est le cercle de terre où se trouvent le chœur, les danseurs, chanteurs et musiciens. Le proskenion, estrade étroite en bois, est le lieu où jouent les acteurs. La skéné est un édifice qui sert de coulisses aux acteurs ; et le theatron (de ??????? ?(theáomai), “je vois”) désigne l’espace où se tiennent les spectateurs, ceux qui regardent, qui voient. En donnant le nom de “théâtre” à l’expérience théâtrale dans son ensemble, les Grecs nous rappellent que le roi Lear et ses filles, ainsi que leurs actions, sont des fictions. Leurs drames ne sont pas réels et ne peuvent, par conséquent, pas être tragiques. Au théâtre, le vrai drame (de drama < dran < “agir,” “faire”) ne peut avoir lieu, ne peut être tragique ou non, que dans l’imaginaire et les actions des membres du public.

Aucune autre des prodigieuses tragédies de Shakespeare va aussi loin que son King Lear dans une tentative d’offrir au theatron, au public, la responsabilité de “voir.” Toute la pièce nous prépare à être voyant, et les dernières paroles de Lear nous mettent en face de cette responsabilité :

“Do you see this ? Look on her ! Look, her lips.

Look there, look there.”

Notre projet, King / Lear, a donc été conçu et travaillé dans l’idée que les vraies actions dans une tragédie sont toujours des actions à venir… Elle espère, avec sa mise en scène, son jeu, sa musique et sa lumière, plutôt que proposer une lecture, proposer une lecture à prolonger…
Shakespeare’s great plays are like territories that, no matter how often they have been travelled, continue to offer new vistas, new directions of thought, new lines of emotion. This is surely because Shakespeare has willed us plays born of an extraordinarily fertile imagination and sensitivity miraculously capable of inspiring the imagination and sensitivity of those moved to translate (in the literal sense) his stories and poetry into their own worldview.

These “translators” are, of course, his audience, his happy but not so few spectators, actors, directors, composers, filmmakers, readers …

“Traduttori, traditori” ?

Plays are written to be staged, i.e. translated and therefore “betrayed”.  Not all playwrights accept this inevitability, but — perhaps more than the work of any other author — Shakespeare’s plays thrive in translation. They have always been and continue to be brought onto all kinds of “stages” — those of kabuki and musicals, film, television, opera, musical compositions … . To take only King Lear as an example, it suffices to watch Edward Bond’s Lear, Tadashi Suzuki’s Noh-Kabuki play, Tale of Lear, Kurasawa’s Ran, Godard’s King Lear, Kozintsev’s Korol Lir to see that Shakespeare’s creativity inspires creativity, provides, to an extraordinary degree, a springboard for perpetual rethinking.

The project King … Lear (a tragic comedy) grew out of a reading of the play which opened a door leading to the realisation not only that King Lear, though a “tragedy”, is not tragic, but moreover that “tragedy”, being a fiction, cannot be tragic. Only reality can be tragic. A “tragedy” is a fictional response to the tragic realities of the world. It is an emotional, reflective and collective response that hopes to help us become more perceptive. It is, in other words, a “comic” response.

King … Lear (a tragic comedy), then, hopes to contribute to furthering the play’s “comic” potential, its potential to help us “see”. Its leading lines will use the dark, “tragic” fable of King Lear in order to attain the play’s comic desire: to make the world lighter …