Category Archives: 2003 re: Lear

re: LEAR

Roelof Overmeer, Pierric Tenthorey, Jérôme Giller, Evelyne Braun, Joëlle Richard et Eleonora Gianetta © Mariangela Tresch
Roelof Overmeer, Pierric Tenthorey, Jérôme Giller, Evelyne Braun, Joëlle Richard et Eleonora Gianetta
© Mariangela Tresch

d’après William Shakespeare
Version plurilingue

8ème Festival de Théâtre Universitaire de Lausanne
Théâtre du Pommier, Neuchâtel
16 mai 2003
Théâtre La Grange de Dorigny, Lausanne
26-28 juin 2003

Jeu : Evelyne Braun, Eleonora Gianetta, Jérôme Giller, Roelof Overmeer, Joëlle Richard, Pierric Tenthorey
Scénographie : Lucienne Favre, Vincent Marolf
Lumière : Nicolas Mayoraz
Mise en scène collective

Eleonora Gianetta et Jérôme Giller © Mariangela Tresch
Eleonora Gianetta et Jérôme Giller
© Mariangela Tresch

Inutile, à priori, de présenter King Lear, chef d’œuvre incontesté de William Shakespeare, tant les divers motifs qu’il dépeint – folie du roi, aveuglement, manipulation et trahison – ont marqué au plus profond notre inconscient collectif. L’histoire, brillant amalgame de tradition celtique et de conte populaire, trouve grâce au génie poétique et scénique du Barde un souffle et une puissance qui en font la tragédie de tous les impératifs. Présenter re: Lear, adaptation plurilingue de ladite pièce, se révèle en revanche infiniment plus délicat, tant tendre à expliquer la démarche d’une mise en scène relève généralement du défi. Il était une fois, donc, un roi et ses trois filles… Trois filles, comme trois langues d’ailleurs, l’anglais, l’italien et le français, qui se croisent et se répondent à travers leurs différences en se faisant tour à tour interprètes de la douleur. A l’exception de cette (presque) coïncidence numérique, re: Lear joue plutôt la carte de la dualité : deux, d’abord, comme deux rois, qui se parlent et se complètent lorsque la raison s’effiloche, comme deux sœurs également, aussi ambitieuses que cruelles, dont l’hypocrisie leur vaut de devenir ce reflet de l’autre qu’elles haïssent. Deux, comme ces frères enfin, fils légitime et bâtard dans l’ombre, qui, en se fondant en un seul interprète forcément ambigu, dénoncent les limites d’un manichéisme souvent trop arrangeant.

Joëlle Richard et Evelyne Braun © Mariangela Tresch
Joëlle Richard et Evelyne Braun
© Mariangela Tresch

Car s’il y a une ligne directrice à chercher dans cette adaptation, elle se trouve certainement, dans la lignée d’UnTropPeu-, au cœur de cette quête perpétuelle d’équilibre qui n’a de cesse de se jouer de toute tentative de catégorisation. Si folie et raison se confondent quelquefois – qui est le fou, qui est le roi ? – il en va ici de même pour d’autres extrêmes – masculin/féminin, comédie/tragédie – qui finissent par se rejoindre en dépassant des frontières superficielles et par trop castratrices. C’est dans cette liberté de jeu, de respirer, d’exister face à une œuvre si intimidante, que re: Lear puise sa force : grâce au ludisme d’un – double ! – travail de construction et de mise à mal du sens, au plaisir du travail en groupe et à la poésie des mots naît une véritable recherche d’authenticité qui insuffle à cette adaptation une vie qui lui est propre. Toute en décalage, en tendresse et en acidité, re: Lear dépeint de manière douce-amère la descente aux enfers d’un père qui se devra d’apprendre à travers sa folie que la compassion est plus importante, peut-être, que tous les attributs du pouvoir, plus importante, oui, sûrement, comme semble vouloir le lui chuchoter cette fille flottant au-delà de sa souffrance, cette fille rêvée, absente… et à jamais perdue.
Joëlle Richard

Pierric Tenthorey © Mariangela Tresch
Pierric Tenthorey
© Mariangela Tresch
Roelof Overmeer © Mariangela Tresch
Roelof Overmeer
© Mariangela Tresch