Sismique lacustre

Grâce aux méthodes sismiques, les géophysiciens peuvent effectuer une véritable échographie du sous-sol. Le groupe de recherche du Professeur François Marillier se penche depuis plusieurs années sur les développements liés à cette technologie, notamment dans le domaine spécifique de la sismique lacustre. Plusieurs travaux de thèse et de diplôme sont en cours de rédaction.

Le delta du Rhône
Figure 1 : Régulation de l'air comprimé
Figure 1 : Régulation de l’air comprimé

Pour l’équipe du Professeur Marillier, il était logique de profiter de la situation géographique de l’Université de Lausanne pour se pencher sur l’un des plus grands lacs périalpins d’Europe: le Lac Léman, et plus particulièrement sur son delta. Créé par les sédiments que son affluent principal, le Rhône, a charrié au cours des millénaires depuis les vallées alpines, le delta sous-lacustre du Lac Léman s’étend sur une distance de plus de 10 km et peut atteindre jusqu’à 600 mètres d’épaisseur.

Figure 2 : Le delta du Rhône.
Figure 2 : Le delta du Rhône.

Or, les dépôts sédimentaires offrent une masse incroyable de renseignements sur le passé d’un région. Selon les périodes de l’année, les rivières et les fleuves charrient une quantité presque toujours équivalente de matériaux, de sorte qu’il en résulte des cycles annuels que l’on peut facilement identifier. Par contre, lors de catastrophes naturelles telles que des tempêtes, les matériaux deviennent à la fois plus nombreux et plus volumineux. Il est donc possible grâce à l’analyse des dépôts sédimentaires de dresser une carte des évolutions climatiques subies par une région durant plusieurs millénaires. Malheureusement les sédiments sont par nature difficiles d’accès, ce qui rend leur étude très onéreuse.

La sismique de réflexion multitrace

La sismique propose une alternative intéressante pour l’étude des sédiments, puisqu’elle permet une analyse « à distance ».

Par le passé déjà, des géophysiciens s’étaient intéressés au delta du Rhône, mais sans grand résultat: la sismique monotrace utilisée alors n’avait pas apporté beaucoup d’informations sur les structures profondes du delta, principalement en raison du manque de pénétration du signal.

En 1999, les diplômants Gilles Tacchini et Olivier Zingg ont choisi, sous la direction du Professeur Marillier, de faire appel à une autre méthode: à savoir la sismique de réflexion multitrace. Cette méthode plus puissante et possédant une meilleure résolution laissait espérer pouvoir percer l’imposante pile sédimentaire de ce delta. L’application de cette méthode implique que l’on produise une onde de choc qui se propage dans le sous-sol avant d’être réfléchie, comme par un miroir, chaque fois qu’elle rencontre un milieu d’une nature différente. Dans le cas de la sismique multitrace, le retour des ondes est enregistré par plusieurs récepteurs. Ceux-ci permettent de tracer une coupe verticale du sous-sol. L’image tracée montre la stratification des dépôts et d’autres structures, telles que des glissements sédimentaires.

Gilles Tacchini et Olivier Zingg ont installé leur enregistreur sismique sur le navire de recherche « La Licorne ». La source d?ondes (un « canon » à air comprimé) et 48 récepteurs régulièrement espacés étaient ensuite attachés à un câble et traînés derrière le navire. Grâce à ce dispositif, 24 km de profils sismiques, descendant jusqu’à 130 mètres de profondeur sous le fond de l?eau, ont pu être dressés (voir la figure 1). Entre autres résultats, la coupe transversale du delta a permis de retrouver les traces de la légendaire chute de la montagne de Tauredunum dans le Valais, qui ensevelit en 564 le château d’Epponaz et le village de Docctant. Certaines zones sont cependant restées presque totalement opaques, ce qui s’explique par la nature très absorbante de certains niveaux sédimentaires.

Figure 3 : Profil sismique sur le delta du Rhône et son interprétation géologique. On observe, sur cette image de la partie supérieure du delta, trois types (ou faciès) de dépôts sédimentaires. Ils ont été déposés par le Rhône dont les variations d’activité au cours du temps s’enregistrent ainsi dans le delta. Dans la couche inférieure, on relève la présence possible de gaz due à l’activité biologique de micro-organismes.
Figure 3 : Profil sismique sur le delta du Rhône et son interprétation géologique. On observe, sur cette image de la partie supérieure du delta, trois types (ou faciès) de dépôts sédimentaires. Ils ont été déposés par le Rhône dont les variations d’activité au cours du temps s’enregistrent ainsi dans le delta. Dans la couche inférieure, on relève la présence possible de gaz due à l’activité biologique de micro-organismes.
La sismique 3D

Les profils sismiques tels que ceux du delta du Rhône ne donnent une vision du sous-sol que selon deux directions: la profondeur et la distance le long du profil. Maren Scheidhauer, dans le cadre de son travail de doctorat, également supervisé par le Professeur Marillier, a mis au point un système permettant d’obtenir des images sismiques en trois dimensions. Elle a ainsi mis en évidence la présence de plusieurs failles affectant la molasse sous le lac au large de Lausanne (Fig. 3).

Figure 4 : Cube sismique 3D obtenu par l’Institut de géophysique de l’UNIL sur le Lac Léman au large de Lausanne. Le nouveau système utilise trois câbles sismiques parallèles pour ce type d’acquisition. Cette image montre, sous le fond de l’eau, la présence de sédiments quaternaires et de molasse, cette dernière étant affectée par des failles (en noir). L’échelle verticale en millisecondes correspond approximativement à une échelle en mètres (500 ms = ~ 500 m).
Figure 4 : Cube sismique 3D obtenu par l’Institut de géophysique de l’UNIL sur le Lac Léman au large de Lausanne. Le nouveau système utilise trois câbles sismiques parallèles pour ce type d’acquisition. Cette image montre, sous le fond de l’eau, la présence de sédiments quaternaires et de molasse, cette dernière étant affectée par des failles (en noir). L’échelle verticale en millisecondes correspond approximativement à une échelle en mètres (500 ms = ~ 500 m).

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