Christine Mohr

Christine Mohr a été nommée professeure ordinaire de psychologie cognitive à l’Institut de psychologie de l’Université de Lausanne en novembre 2010. Voici une interview qui éclaire son parcours et ses passions.

Avant de s’installer dans le Canton de Vaud, Christine Mohr a travaillé pendant six ans à l’Université de Bristol (UK), en qualité de professeure associée et de professeure assistante. Elle a également été chercheuse postdoc à Genève de 2001 à 2004 et elle a passé plusieurs mois à Edmonton (Canada). Elle a obtenu son doctorat à Zurich en 2001, après avoir achevé un diplôme de psychologie à l’Université de Constance (Allemagne) en 1998.

Quel est le parcours qui vous a amené à devenir chercheuse ?

On peut sans doute dire que j’ai été une personne très curieuse tout au long de ma vie. En approchant de la fin de mes études, je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire. Il n’était tout simplement pas envisageable pour moi de ne plus étudier. Je me suis posé ces questions qui restaient invariablement sans réponse, lorsque je travaillais comme étudiante assistante ou durant mon stage de six mois à l’Unité de neuropsychologie de l’Hôpital universitaire de Zurich. Ma motivation et mon dévouement durant mon projet de master ont probablement été à l’origine d’une offre pour mener des activités de recherche en dehors du projet et pour commencer un doctorat, une offre que j’ai acceptée et que je n’ai jamais regrettée.

Votre domaine de recherche en une phrase ?

Les corrélats cognitifs, neuropsychologiques et psychopharmacologiques d’individus porteurs d’un risque potentiellement accru de troubles mentaux (principalement de schizotypie) et d’individus qui connaissent des expériences rares/ paranormales (comme la synesthésie ou les épisodes subjectifs de décorporation).

Pourquoi ce domaine de recherche ?

En raison de mon sujet de doctorat sur les corrélats neuropsychologiques et cognitifs de la croyance magique. Cela touche à deux domaines de recherche, l’un lié à la pensée paranormale et l’autre aux troubles psychotiques. Relevant le défi d’intégrer ces deux champs d’études, j’ai commencé à me demander de plus en plus dans quelle mesure et quand des mesures particulières (comme la cognition, la réactivité à la dopamine, l’emploi de drogues) rendraient compte d’un fonctionnement normal et anormal. On voudrait éviter de coller inutilement l’étiquette de malade psychiatrique à une personne saine et, inversement, de laisser passer le cas d’individus qui nécessiteraient d’une attention clinique.

Pourquoi être chercheuse à la Faculté des SSP de l’UNIL ?

J’ai mené des recherches en Suisse, au Canada et en Angleterre. Si on peut s’étendre sur l’efficacité de l’enseignement supérieur anglo-saxon, on peut tout aussi bien s’étendre sur l’excellence du soutien que la Suisse assure à ses chercheur-e-s. Considérant la taille du pays, on ne peut qu’admirer la proportion élevée de productions scientifiques d’excellence en Suisse. Ainsi, je m’estime chanceuse que la Faculté des SSP ait mis au concours un poste de professeur-e dans le domaine de la psychologie cognitive au moment où j’étais à la recherche de nouveaux défis. Evidemment, je me considère également chanceuse que mes espoirs aient été comblés par l’offre qui m’a été faite de ce poste.

Qu’attendez-vous de vos recherches ?

D’avancer dans l’emploi efficace des mesures cognitives, neuropsychologiques et psychopharmacologiques, en cherchant à distinguer les individus supposés sains des individus supposés à risque dans la population générale.

Quelles difficultés éprouvez-vous dans le travail de recherche ?

Je suis passionnée par la recherche et je ne la considère pas comme difficile, exception faite du fait de me débattre occasionnellement avec ma patience et ma persévérance, ce qui est un prérequis. Ainsi, pour moi, les plus grandes difficultés résident dans les demandes de soutiens financiers et administratifs. En faisant face à mes préoccupations liées à la recherche (y compris l’enseignement à la future génération de chercheur-e-s), j’aimerais simplement m’occuper de cela. Evidemment, une université attend plus de nous. La capacité à effectuer plusieurs tâches à la fois et à revêtir différents rôles est sans doute appréciable, mais cela se termine fréquemment par des journées qui sont tout simplement trop courtes.

Quels sont les talents cachés qui vous aident à surmonter ces difficultés ?

Ne jamais abandonner la passion pour laquelle on a choisi en premier lieu de faire ce que l’on est en train de faire aujourd’hui. Je considère cette passion comme cruciale pour garantir la motivation nécessaire à ceux qui vont suivre, les postdocs, les doctorants mais aussi les étudiants. Si des individus ayant différents niveaux de formation et des expériences différentes sont désireux de travailler au sein d’une même équipe, la recherche va avancer, en dépit des difficultés.

Qui serez-vous dans 10 ans ?

Quand je réfléchis à où je suis aujourd’hui, je ne suis pas sûre de savoir où et qui je serai dans 10 ans. Bien des objectifs ont déjà été atteints. J’espère encore faire progresser les connaissances dans mon domaine de recherche et que les jeunes chercheur-e-s qui travaillent ou qui ont travaillé avec moi se sentent/ se sont sentis stimulés par ce que j’ai à leur offrir. J’espère aussi que quelques-uns vont commencer leur propre carrière de recherche. Je serai peut-être en mesure d’utiliser mon expérience de plus en plus solide pour contribuer à la renommée de notre université.