Petit précis d’une drague à l’africaine

Par Jehanne Denogent

On va tout dallasser Pamela ! / création et mise en scène Marielle Pinsard / Théâtre de Vidy / du 4 au 13 mars 2016 / plus d’infos

©Marielle Pinsard
©Marielle Pinsard

La température du chapiteau s’élève de quelques degrés au théâtre de Vidy avec On va tout dallasser Pamela ! : un lexique savoureux et haut en couleur de la séduction à l’africaine !

Dallasser : expression d’origine sénégalaise signifiant fêter, s’amuser, crâner en soirée – Le rythme est annoncé, celui d’un spectacle cadencé, énergique, festif. A l’honneur de On va tout dallasser Pamela ! : les techniques d’approches entre hommes et femmes propres à différents pays francophones d’Afrique. Au Sénégal, les célibataires s’annoncent en levant un doigt sur la piste de danse ; en Côte d’Ivoire, pour essayer de couper une go, il faut faire le malin, montrer sa sagacité, etc. Pas vraiment un loisir, la drague se révèle être une activité à exercer au quotidien, un sport ostentatoire où le langage est le premier des atouts. Les mots que nous font entendre les comédiens africains sont en effet étonnants : incroyablement créatifs et savoureux. C’est à travers la drague et son lexique que Marielle Pinsard ouvre une fenêtre sur un pan de la culture africaine.

Sapologie : dérivée de la SAPE, acronyme de Société des Ambianceurs et des Personnes Elegantes, la sapologie est une science de vie et de mode vestimentaire née au Congo – Si parler de la drague peut a priori paraitre anecdotique, voire futile, Marielle Pinsard approche la notion avec une démarche sociologique. Le phénomène culturel est à considérer avec sérieux, rien qu’au vu de la richesse du vocabulaire utilisé pour le décrire. Le travail de la metteuse en scène est bien souvent ancré dans les réalités sociales et culturelles. Depuis 2000, elle met en scène des textes dont elle est l’auteur : Comme des couteaux, Nous ne tiendrons pas nos promesses, Les Filles du Roi Lear ou la véritable histoire de Rihanna, … En 2010, elle obtient une bourse de la fondation Leenard pour un projet de recherche et d’écriture en Afrique. De cette expérience africaine naîtra entre autres En quoi faisons-nous compagnie avec le Menhir dans les landes?, repris à Vidy en 2014.

Chak-Chak : répétition du même mot bref et expéditif pouvant être traduit par vite-vite en français de France – Comment traduire ce lexique régionaliste africain sur un plateau de théâtre ? Marielle Pinsard a pensé la pièce en termes de tableaux, chacun illustrant un mot ou une notion. Si ces différentes entrées sont individuellement réussies, provoquant rire et plaisir, l’enchaînement qui les lie entre elles peut se révéler plus compliqué à saisir. Le tableau général est fuyant. La création pioche parmi ces évocations lexicales et culturelles, sans être sous-tendue par une trame. Débridé, déconcertant, le résultat est malgré tout entraînant !

Une drague de métro : manière de qualifier « une drague à la suisse », comme discrète et souterraine – A l’exubérance et l’aplomb des Africains en matière de drague est opposée la sobriété des pratiques suisses. La présence d’une comédienne suisse-allemande sert de point de référence à notre culture européenne. Si la comparaison produite tire parfois vers le lieu commun, la confrontation est nécessaire. Parler d’un contexte africain permet aussi d’interroger nos propres us et coutumes. En assistant à une danse de style Musikantenstadl, on ne sait en effet plus trop qui de l’Africain ou du Suisse est le plus exotique… Loin d’être théorique, cette remise en question nourrit un spectacle avant tout drôle et rafraichissant !