Deux faces de la farce

Par Amandine Rosset

George Dandin suivi de La Jalousie du Barbouillé / de Molière / mise en scène Hervé Pierre / par la troupe de la Comédie-Française / Le Reflet / le 20 mars 2016 / plus d’infos

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La Comédie Française était de passage à Vevey pour une représentation exceptionnelle. Les huit comédiens sont passés de l’histoire de George Dandin, dans une mise en scène classique, à celle de son double grotesque le Barbouillé, sur un mode beaucoup plus libre, où les interprètes ont pu jouer avec le public et même intégrer de l’actualité veveysanne toute fraîche.

Les spectateurs ont eu droit à une double dose de Molière dimanche dernier, en commençant par le fameux George Dandin monté dans un décor sobre, fait de bois et d’arbustes. A l’étage de la petite maison qui est au centre de la scène, on voit des meubles qui donnent l’idée d’une petite bourgeoisie de province. Deux camps sont bien définis sur le plan spatial : en bas, Dandin, un paysan à l’allure négligée ; en haut sa femme Angélique de Sottenville, fille d’un gentilhomme ruiné, lisant dans le salon avec sa servante Claudine. Dès les premières répliques, la situation est posée. Dandin se plaint de son mariage qui ne lui a rien apporté d’autre que le titre de Monsieur de la Dandinière ; grâce à la maladresse de Lubin, il apprend que sa femme se laisse aller à quelques légèretés avec Clitandre. Tout au long de la pièce, le paysan veut prouver la tromperie de son épouse à ses beaux-parents, mais il sera confronté aux ruses d’Angélique et de Claudine.

On rit devant cette comédie-ballet, mais ce n’est pas le côté comique de la pièce que la mise en scène met le plus en avant. Jouant avec la luminosité et avec les ombres qui se dessinent sur le mur du fond, elle privilégie une ambiance de tension et de secret. Le parti pris par le metteur en scène est de mettre l’accent sur le drame que vit George Dandin afin de mieux montrer le grotesque de l’histoire. Les moments de farce sont ici des parenthèses de répit au milieu des malheurs, et on retient surtout la tristesse du paysan.

A la fin de cette courte pièce de trois actes, changement d’ambiance. Un tréteau est monté et soudain commence une autre farce de Molière, La Jalousie du Barbouillé. Cette fois, le rire est bien au cœur de la pièce. Les costumes, les voix, les accents, les gestes, tout est exagéré pour le plus grand plaisir du public qui assiste presque à une parodie de l’histoire qui lui a été représentée auparavant. Les acteurs se permettent des libertés en piquant le sac d’une spectatrice, en en faisant monter une autre sur scène, en ajoutant des jeux de mots spécialement destinés au public veveysan (on se rappellera du « Vevey la chercher » lancé par Jérôme Pouly dans la peau du Barbouillé), ou en nommant des candidats du deuxième tour des élections communales locales.

Une soirée entre deux visions de la farce, entre drame et comédie, qui a su montrer, au cas où il fallait encore le prouver, l’intemporalité des textes de Molière.