Le théâtre est-il une bataille de marshmallows ?

Par Alice Moraz

Le NoShow / mise en scène Alexandre Fecteau / Equilibre-Nuithonie / Du 07 au 10 octobre 2015 / plus d’infos

©Renaud Philippe ©Cath Langlois
©Renaud Philippe ©Cath Langlois

Combien est-on prêt à payer spontanément pour un spectacle ? Les subventions financent-elles les artistes ou les spectateurs ? La difficulté de gagner sa vie en faisant du théâtre ou en travaillant dans le monde artistique est-elle une fatalité ? Le NoShow, un non-spectacle québécois spectaculaire, coproduction du Collectif Nous Sommes Ici et du Théâtre DuBunker, aborde tout cela et bien plus encore.

Le spectacle s’ouvre sur une Assemblée Générale extraordinaire mais seuls quatre des sept membres prévus sont présents. Non, en réalité le spectacle commence avant. Il commence avec les « parce que… » des sept comédiens, réponses à la question implicite « pourquoi fais-tu du théâtre ?». Mais Le NoShow, lui, débute même avant. Quand tout le public se trouve encore dans le hall d’entrée attenant à la salle de théâtre. Quand jeunes et moins jeunes sont encore affairés à finir leur repas d’avant représentation sous les lampes colorées du restaurant. Les acteurs se mêlent à la foule pour expliquer le concept du spectacle, prémices d’une performance des plus originale. Ici on reçoit une feuille sur laquelle il faut cocher, au choix et dans un isoloir, le prix que l’on est prêt à payer. Celui-ci va de 0 CHF, l’équivalent de « la messe du dimanche » à 116 CHF, l’équivalent d’un « match de hockey professionnel ». Le paiement ou non se fait à une guichetière cachée derrière un panneau en carton noir.

L’Assemblée Générale sera le fil rouge du spectacle, la ligne directrice qui permettra d’aborder des sujets importants aux yeux des comédiens, les uns après les autres, tout en laissant la structure se construire spontanément grâce aux choix préalables du public. Car en choisissant le salaire que méritent les comédiens, il intervient sur les possibilités du spectacle. Il restreint ce que le public verra ou laisse au contraire la place à d’autres possibilités. Après avoir fait les comptes des recettes de la billetterie, les comédiens déclenchent une grève tournante. A l’issue d’une présentation de chacun, filmée en direct des loges, les spectateurs votent pour leurs favoris par sms. Compilé informatiquement, ce vote déterminera ceux qui joueront le spectacle : trois des sept acteurs, ne pouvant être payés décemment, se mettront en grève et retourneront vers les tentes plantées devant le théâtre. On les suivra grâce aux images projetées sur le grand écran qui domine la scène.

On ne verra donc pas tout le spectacle. On verra cependant ce qui se passe dehors. Le lien se fait par l’image ou par le son. Dès lors, ce ne sont plus seulement les personnes sur scène qui font le spectacle. C’est un échange entre l’extérieur et l’intérieur, entre les comédiens et leur audience. Nous ne sommes donc pas passifs et dans le noir mais bien invités à donner notre avis, à participer et même à nous transformer en ambassadeurs de la culture théâtrale. Une série de questions posées à toute la salle détermine le spectateur qui exerce le métier idéal. Celui-ci devra appeler un ami en lui expliquant ce que représente le théâtre et promettre de lui offrir une place de spectacle. Il se passe la même chose à l’extérieur où les comédiens en grève demandent à un passant qu’ils ont intercepté pourquoi il ne va pas au théâtre. Ce dernier appellera toute la salle à se rendre dehors pour une bataille de marshmallows géante, final d’un spectacle qui aborde de manière légère et avec une touche d’humour des sujets sérieux.

Le NoShow est une performance théâtrale iconoclaste joyeusement teintée d’accent québécois. Impossible de prévoir ce qu’on y verra : la performance est toujours pleine d’énergie mais à chaque fois différente !