“Partons, non vers l’exil, mais vers la liberté !” : exploration du désir et de la passion amoureuse

par Noémie Desarzens

Comme il vous plaira / de Shakespeare / mise en scène Camille Giacobino / du 26 mai au 14 juin 2015 / Théâtre du Grütli / plus d’infos

© Théâtre du Grütli
© Théâtre du Grütli

Une femme déguisée en homme ? Rosalinde se résout à prendre des vêtements masculins afin d’assurer sa fuite dans la Forêt d’Ardenne avec sa cousine, déguisée en bergère. Comme il vous plaira aborde avec légèreté la question de l’amour – sous toutes ses formes.

La trame de la comédie de Shakespeare est connue: suite à une bagarre avec son frère aîné Olivier (Guillaume Prin), Orlando (Stéphane Boschung) se voit dans l’obligation de fuir la maison familiale, accompagné de son fidèle Adam (Bernard Escalon). Tous deux se réfugient dans la Forêt d’Ardenne, lieu où le duc banni (Attilio Sandro Palese) s’est réfugié avec ses partisans après l’usurpation de son trône par son frère cadet, Frédéric (Fédéric Polier). Dans cette même forêt se retrouvent Rosalinde (Camille Figuereo), fille du duc banni, avec sa cousine Célia (Léonie Keller), qui s’y réfugient après avoir été également forcées à l’exil. S’ensuivent une série de « quiproquos amoureux ». Dans cette œuvre pastorale, le comique et la poésie s’entremêlent pour questionner la notion de genre.

Avec Comme il vous plaira, Camille Giacobino et la Opus Luna Cie veulent tenter de montrer « l’état amoureux », « l’acte d’aimer, d’éprouver, de le montrer » sur la scène théâtrale. Ce spectacle est la première œuvre classique portée sur scène par Camille Giacobino, metteure en scène et comédienne genevoise. A travers la reprise de ce texte du répertoire, elle souhaite inciter les spectateurs et les acteurs «  à ne pas se satisfaire du pur constat » mais plutôt à choyer l’art de la langue et de l’esprit. La metteure en scène cherche un théâtre qui « s’adresse aux sensations ». L’intérêt de la pièce de Shakespeare réside notamment dans le jeu de confusion entre les genres. Camille Giacobino y reconnaît la difficulté de sa traduction scénique. Les quiproquos liés au travestissement restent tout de même présents et soulèvent des questionnements par rapport aux rôles des hommes et des femmes. Les divers personnages de cette pièce évoluent dans un décor marqué par un mobilier délabré et par des sortes de roches au milieu desquelles se trouve un coin d’eau. Un jeu établi entre l’espace hors scène, les coulisses, et le plateau ajoutent au comique du texte. Le public peut apercevoir, en arrière-fond des courtes saynètes, un personnage sur un vélo, des musiciens, un prétendant du duc fumant une pipe. Ces courtes interventions interrompent la linéarité de l’action et leur décalage avec celle-ci apportent une touche humoristique à la pièce.

Alors que le travestissement de Rosalinde est un des thèmes nodaux de cette pièce, on se prend à regretter une mise en scène trop conventionnelle, qui explore finalement peu ce thème. Rosalinde en Ganymede tente d’introduire son amant Orlando au jeu de l’amour. Celui-ci se prend au jeu et commence à la séduire, alors qu’elle est déguisée en homme. Cette double identité suscite des émotions contradictoires chez le jeune homme, mais le lien entre homo-érotisme et hétérosexualité reste timide par rapport au projet annoncé. Il faut toutefois saluer l’originalité des costumes des personnages : manteau de fourrure, fausses roses rouges et robes de mariées forment une diversité comique d’habits. Les interludes musicaux, avec les voix parfois a cappella, ajoutent à l’ambiance champêtre et à la bonne humeur présente dans cette salle comble. La qualité de la performance des comédiens démontre l’intensité des sentiments amoureux, même si parfois de manière un peu exagérée.

Envie d’aborder ces questions liées au genre avec légèreté ? Sous les rires, cette comédie champêtre permet d’interroger la sexualité et les codes qui la régissent. Elle est à découvrir au Théâtre du Grütli jusqu’au 14 juin 2015.